« L’opérette ! Pour un peu on dirait : la musiquette ». En une phrase, le sort de ce genre musical bien français semble être réglé. Son auteur, un conférencier du début du XXe siècle aujourd’hui tombé dans l’oubli, en était pourtant un fervent défenseur, ajoutant d’ailleurs dans le même texte : « Il n’y a au contraire rien que de familier et d’aimable dans ce gentil nom. Il semble que l’on tutoie une jolie femme ». De manière tout aussi fringante, le critique musical José Buyr écrit : « L’opérette est une fille qui, répudiant une famille piquée de noblesse, retournait, cotillon court et souliers plats, à ses roturières origines ». Il n’empêche : aujourd’hui, le mot opérette fait encore sourire et il est prétexte à critiques et à moqueries qui ne concernent en fait qu’un moment particulier de la longue histoire du genre.
Le mot renvoie à l’opéra évidemment ; mais, contrairement à ce que le suffixe pourrait laisser entendre, c’est n’est pas pour autant un petit opéra, une œuvre moins aboutie, moins réussie. Les deux genres sont bien distincts. L’opérette est l’héritière d’une tradition populaire très vivace, celle des foires parisiennes et des vaudevilles. C’est contre le sérieux des grands opéras donnés à l’Académie Royale de Musique, que le genre a vu le jour au XVIIIe siècle et qu’il s’est affirmé au XIXe siècle. Et s’il est arrivé à l’opérette d’imiter l’opéra, c’est pour mieux s’en moquer.
Dans les éditions de 1878 et de 1935 de son dictionnaire, l’Académie Française définit l’opérette comme une « composition dramatique, dont l’action est gaie ou comique et la musique légère. » L’aspect facile et léger revient systématiquement quel que soit l’ouvrage traitant du sujet. L’opérette est donc toujours festive et se termine systématiquement sur des accents joyeux, contrairement à bien des opéras qui versent dans le tragique. Et contrairement à l’opéra-comique, qui n’est pas toujours comique. L’humour ? « Sans doute, répond Benoit Duteurtre l’un des meilleurs connaisseurs de l’opérette, la musique légère inclut volontiers le sens de l’humour. Mais on ne saurait dire qu’elle se confonde avec l’humour. Car le théâtre léger... inclut autant de pages sentimentales, mélancoliques que de pages débridées ». « L’opérette, résumait le compositeur Reynaldo Hahn, c’est plus de fantaisie, plus de négligence, plus de débraillé ».
Pendant un siècle environ, de 1850 à 1950, ce genre débraillé et si attachant va séduire tous les publics, pas seulement à Paris, mais partout en France et au-delà des frontières de l’hexagone.