« L’accordéon, bien que centenaire, se porte comme un charme. Il a trouvé sa source de jouvence dans l’adhésion totale, compréhensive de l’âme populaire dont il reflète, aussi bien qu’un miroir, la poésie plus qu’aucune autre, près de la nature. » Louis Péguri (Du bouge au conservatoire, 1950).
Le 6 mai 1829, Cyrill Demian, facteur de piano arménien résidant à Vienne en Autriche, dépose un brevet pour un nouvel instrument de musique : l’accordion. L’instrument arrive très rapidement à Paris sous le nom d’accordéon. Il va, dès lors, subir d’importantes améliorations. Adulé par la bourgeoisie parisienne, il résonne dès 1840 dans les salons et à l’opéra, dans les mains de femmes, dont Louise Reisner est sans conteste la grande prêtresse.
Le retour en grâce du piano sous sa forme moderne fait descendre l’accordéon, surnommé le « grand romantique » par des musicologues, dans la rue. À partir de 1880, il sera dorénavant l’emblématique accompagnateur des musiques populaires, le maître incontesté du bal, de 1900 aux années 60, où il sera alors tourné en dérision par la jeunesse friande de rock, des yéyés et des musiques anglophones ! Il faudra attendre 1968 et l’enregistrement de Vesoul par Marcel Azzola pour que l’instrument entrevoie un début de reconnaissance par le monde de la musique.
Les années 80 amorcent une nouvelle jeunesse pour la boite à frisson. Ce sera Gérard Blanchard en 1981 avec Rockamadour et ses 1,7 millions de copies vendues, qui fera resurgir l’accordéon, remplaçant la guitare dans un tube rock. Le trophée des princes de l'accordéon, organisé par TF1 et France Inter au Pavillon Baltard de Nogent-sur-Marne donnera naissance à trois nouveaux noms de l'accordéon : Alain Musichini en 1981, James Lesueur en 1982, et Jean-Robert Chappelet en 1983. La même année, le splendide poster imprimé pour son passage au Casino de Paris de Jacques Higelin s’affichant avec un accordéon bleu blanc rouge, ouvre vraiment le bal du renouveau. 1985 verra l’album Spleen et le new musette de Richard Galliano, puis le rock, voire le punk, s’en mêler : Los Carayos en 1985, les Garçons Bouchers en 1986 avec François Hadji-Lazaro maniant le souffle, en 1987 avec les Négresses vertes et Mathias Canavese. En 1991, Jean-Paul Gaultier habille Yvette Horner, et en 2002 l’accordéon, dans les mains de Max Bonnay, fait son entrée au Conservatoire National Supérieur de Musique et de danse de Paris, parachevant sa rédemption.
L’accordéon résonne aujourd’hui, décomplexé, dans tous les genres musicaux. Joué par des musiciens d’exception, il s’ouvre les portes de toutes les musiques. Rencontre avec des artistes et des répertoires nés d’un des rares instruments à la voix expressive. Découvrez, au fil de nos archives inédites, quelques-uns des grands noms de l’accordéon.
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entrée d'expo : Brimeux
entrée salle 3 :Tilialucida
En 1901, le virtuose Belge Émile Charlier fut le premier à participer à un enregistrement commercial à l’accordéon sur cylindre Pathé N°9602 avec une polka intitulée Zizi.
Dans son livre Du Bouge au Conservatoire (1950), Louis Péguri qualifie les premiers accordéonistes parisiens d’« Apôtres de l’accordéon ».
On ne peut parler de l’histoire du bal et du Musette sans songer à Yvette Horner, André Verchuren, Aimable, Jean Vaissade, Émile Prud’homme, Fredo Gardoni, Jo Privat… Pour n’en nommer que quelques- uns.
Aujourd’hui, les chefs d’orchestre, ces maîtres du bal répertoriés par la Sacem, seraient au nombre de 3000 !
Dès les années vingt, Paris connaît la mode du tango et l’arrivée dans les bals d’un cousin de l’accordéon : le bandonéon, né dans les années 1840 en Allemagne.
Le beau migrateur nous revient d’Argentine avec un clavier complexe qui laisse particulièrement perplexes les joueurs de chromatique qui veulent suivre la mode.
Dans les différentes régions de France, l’accordéon ne résonne plus que chromatique depuis la dernière guerre.
Il faut attendre le revivalisme de la fin des années 60 pour que toute une bande de jeunes parisiens redécouvrent l’accordéon, le mal aimé, sous sa forme dite diatonique (bisonore), qui fera sensation dans les bals folk, trad, et autres festnoz, entre les mains de Daniel Benaïm, Michel Hindenoch, Jean-Loup Baly, Marc Perrone, Serge Desaunay, Jean Blanchard, Christian Oller, Alain Pennec…
Les musiciens américains et leur « drôle de musique » apparaissent dans le paysage musical français dès la fin des années 1910, puis dans les années 1920, à la radio et sur disques 78t.
Deux accordéonistes Gus Viseur et Tony Murena seront les symboles de cette évolution marquante de la musique. Et comme il y a ceux qui sont Beatles ou Rolling Stones, on aime à discuter à savoir si on est Gus ou Tony !
Richard Galliano, nourri par l’accordéon de son père Lucien, a le cursus classique des joueurs d’accordéon des années 60/70 : bal musette, concours nationaux et internationaux.
Au début des années 1980, son arrivée dans le jazz entraîne sa rupture avec “l’ancien monde de l’accordéon”, projetant le musette dans une ère totalement nouvelle.
Quand Louis Péguri, aîné d’une fratrie d’accordéonistes et activiste lui-même, écrit en 1950 son livre Du bouge au conservatoire, il est certain de voir son instrument de prédilection dans les plus hautes institutions de l’enseignement avant son décès.
Il faut attendre plus d’un demi siècle avant que des lames vibrent officiellement au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.
Dans l’histoire de la chanson, pour magnifier et donner une autre voix à leurs textes, les interprètes ont souvent fait appel à des accordéonistes.
Les grands accompagnateurs sont nombreux : Jean Corti, les frères Medinger, Marc Bonel, Roland Romanelli, Marcel Azzola, Marc Berthoumieux, Richard Galliano, Sergio Tomassi, Lionel Suarez… Tout comme les chansons qui leur doivent leur succès !
Et la nouvelle chanson française réaliste, des Ogres de Barback aux Têtes raides et La Rue Kétanou, perpétuent cet héritage.
Il semblait impensable que le rock s’empare de l’accordéon des vieux et de la France rurale. Pourtant, l’accordéon a adopté sans retenue la « rock attitude ».
Dans de nombreux groupes, les musiciens n’hésitent plus à quitter leur clavier, souvent positionné en fond de scène, pour venir briller sur le devant, armé d’un accordéon chromatique touches piano. Le passage de l’un à l’autre étant similaire pour la main droite.
Raul Barboza l’argentin, Régis Gizavo le malgache, René Lacaille le réunionnais... Leur arrivée sur le territoire métropolitain a bousculé les lignes de l’accordéon moderne.
Par leurs techniques particulières, l’action du soufflet et des rythmiques sans limites, les accordéons des musiques des peuples du monde, pourtant identiques à ceux de l’hexagone, ont ouvert de nouvelles « voix » dans la technique de l’instrument à anche libre.
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