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Hommage
Gainsbourg Composé : les hommes de l’ombre

Le fumeur de gitanes nous a quitté il y a trente ans déjà et depuis, tout a été dit, écrit, entendu à son sujet. Peut-on encore éclaircir le mystère Gainsbourg ? Il y a une piste. Depuis sa disparition, quelques-uns de ses collaborateurs artistiques ont parlé. Musicien autodidacte peu à l’aise avec le solfège, le chanteur a su tout au long de sa carrière s’entourer d’arrangeurs présentés comme tels sur les pochettes de disques mais qui étaient en réalité au minimum co-compositeur sur les dépôts Sacem.

Ces hommes de l’ombre ont apporté leur patte et savoir-faire au génie peu sûr de son talent, et lui ont permis d’évoluer. Le « son Gainsbourg » était toujours la résultante d’un travail à quatre mains, ce que le public a longtemps ignoré. Et si cette médiatisation était acquise depuis ses débuts en 1958, le succès fut long, très long à venir, seulement à partir de 1979 à cinquante et un ans, grâce au reggae.

Remettons de l’ordre et de la lumière sur ces grands musiciens discrets qui se sont succédés au côté de Serge Gainsbourg : Alain Goraguer (1958-1964), Michel Colombier (1965-1968), Jean-Claude Vannier (1969-1973), Jean-Pierre Sabard (1975-1981), puis les anglo-saxons Alan Hawkshaw (1973-1987), Sly & Robbie (1979-1981) et Billy Rush (1984-1989).

Même si presque tous ont rompu leur relation professionnelle avec la star dans un climat orageux nourri de maintes frustrations, ils affichent aujourd’hui une grande tendresse pour l’homme à tête de chou. Les tensions s’oublient, les disques sublimes demeurent éternels.

Crédit photo : Claude Delorme/UMF/Gamma Rapho

Alain Goraguer

Les débuts musicaux de Serge Gainsbourg en 1958 sont marqués par un éloignement du style dit « rive gauche », alors très à la mode, pour une couleur sonore jazz. Il est un fanatique du genre, le plus moderne, mais souffre de sortir ses premiers disques à déjà trente ans et sans grande formation technique. Alain Goraguer sera le collaborateur parfait.

Plus jeune de trois ans que le chanteur, il joue aussi bien du piano que du violon, il écrit déjà des musiques de films, compose pour Boris Vian et a publié en 1956 un merveilleux album de pur jazz en trio Go-Go Goraguer. Bref, les deux hommes se complètent à merveille et une belle amitié nait.

Michel Colombier

Sous les conseils d’Alain Goraguer, Serge Gainsbourg rencontre Michel Colombier. Plus jeune (né en 1939), sa palette musicale va du jazz au rock en passant par le Brésil ou la chanson : en d’autres termes, il est « pop » et colle à l’air du temps du milieu des 60s.

Et il vient de composer deux musiques populaires à succès : le générique de l’émission radio Salut les copains et celui du show TV Dim Dam Dom. Un moyen pour Serge de renouer le contact avec les jeunes.

Jean-Claude Vannier

C’est à Londres en décembre 1968 que Jean-Claude Vannier fut présenté à Serge Gainsbourg grâce à Jean-Claude Desmarty, directeur artistique chez Philips.

« Je savais que Serge s’était fâché avec Alain et Michel, mais cela ne me faisait pas peur ».

Alan Hawkshaw

Fin mars 1973, Serge Gainsbourg s’apprête à enregistrer les playbacks de son nouvel album Vu de l’extérieur, quand Jean-Claude Vannier s'en va. Le chanteur doit faire vite, il ne peut rester seul.

Les membres de la rythmique du disque Di Doo Dah viennent à la rescousse et l’ingé son du studio réservé recommande le pianiste Alan Hawkshaw pour les arrangements et la direction musicale.

Jean-Pierre Sabard

En 1975, Jean-Pierre Sabard (orthographié également Sabar) est déjà un arrangeur reconnu par le monde de la variété. Il a aligné des tubes pour Hugues Aufray (Je ne pourrai t’oublier tout à fait), Jean Gabin (Maintenant je sais) et Françoise Hardy sur un texte de Gainsbourg en 1968 (Comment te dire adieu).

Les deux hommes se sont croisés pendant l’enregistrement de Histoire de Melody Nelson où Jean-Pierre tenait le piano. Il est la bouée de secours dont le chanteur a besoin, peu de temps après avoir dû refuser les bandes originales des Valseuses et d’Emmanuelle, faute de collaborateur.

Sly and Robbie / Billy Rush

Nous sommes fin 1978. Serge Gainsbourg a fêté ses vingt ans de carrière avec un beau coffret de six albums compilation, mais la cérémonie a des allures de deuil : il est commercialement au plus bas et sa maison de disques compte le virer après le dernier album prévu par contrat. Dur. Il ne peut aller artistiquement plus loin avec Alan Hawkshaw et c’est l’impasse au niveau des ventes.

Un soir de concert en retard, Philippe Lerichomme, présent dans la salle et chef de projet du chanteur au sein du label depuis 1975, entend du reggae sur lequel des punks dansent. C’est le flash, il faut envoyer Serge à la Jamaïque.

L'auteur

Mathieu Alterman

Journaliste, chroniqueur (LCI, C8, Le Point, ...) et réalisateur de documentaires (Les Magnifiques - Paris Première).

Après avoir été pendant dix ans directeur artistique en maisons de disques et prêté sa plume à la revue Schnock, il enseigne le décryptage de la pop-culture, la communication de crise, le pitching et l’histoire des médias.

Il anime des conférences pour le groupe Ionis (Jacques Séguéla, Maurice Levy, Jacques Attali, …) et est aussi l’auteur de plusieurs livres dont « Les larmes de Johnny » (éditions Carnets Nord) et « Femmes Fatales (éditions Quai des Brunes).
Chroniqueur dans TPMP sur C8, professeur de pop culture et de podcast. 
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