Né à Loudéac, dans les Côtes d’Armor, le 26 septembre 1958, il choisit très tôt de se consacrer à la musique plutôt que de suivre les traces de son médecin de père. A Rennes, capitale de la new-wave hexagonale de l’époque, il cofonde le groupe Marquis de Sade avec Philippe Pascal, orchestre mythique qui, le temps de deux albums, Dantzig Twist avec la collaboration d’Arnold Turboust et Rue de Siam, réinvente un rock sombre et lyrique mâtiné d'influences européennes et de rythmes new-yorkais : un mélange d’expressionnisme allemand et de punk anglo-saxon, singularisé par un répertoire trilingue et la voix et la gestuelle du chanteur Philippe Pascal. Suivront les groupes Octobre, puis Senso, en 1989, avec au micro un débutant nommé Pascal Obispo. Et c’est un autre nouveau venu, Etienne Daho, qui bénéficiera de ses talents de guitariste et réalisateur pour les deux premiers albums de l’interprète de "Tombé pour la France".
Au milieu des années 90, c’est à Lisbonne, au Portugal, que l’ex marquis breton choisira de poursuivre ses activités de producteur de musique. Pendant dix ans, il travaillera, entre beaucoup d’autres, avec le chanteur Paulo Gonzo, artiste local très populaire, pour lequel il réalisera cinq albums. Rentré en France, il collabore avec le chanteur et harpiste Alan Stivell sur l’album Back to Breizh, et décide de militer pour la cause nationaliste de son pays natal, en participant aux élections municipales de 2008 avec le Parti Breton, puis en rejoignant la liste de Breizh Europa en 2013, un micro-parti qui milite pour une citoyenneté bretonne et européenne et dont il deviendra le président en 2017. Il sera même candidat à la mairie de Rennes en 2020.
Mais pas question pour lui d’abandonner la musique. Comme il disait : "J’ai compris assez vite que la musique permettait de se construire une vie différente. L'écriture et le militantisme en font pleinement partie."
L’écriture, ce sera la publication de cinq romans entre 2005 et 2022, Le Dériveur, L’Ennemi de la chance, Voici mon sang, Vilaine blessure et L’Armée des hommes libres, ainsi que la supervision et l’édition des deux tomes d’un ouvrage baptisé Rok, retraçant l’épopée de la musique bretonne électrifiée, sur son propre label LADTK.
Avec son nouveau groupe, Republik, dont il sera désormais le guitariste et chanteur, il enregistrera deux albums, Éléments en 2015 et Exotica en 2017, réunissant des invités français comme Yann Tiersen ou Dominic Sonic, et américains comme James Chance ou Tina Weymouth, des Talking Heads. En 2017, il sera à l’origine de la reformation de son ancien orchestre Marquis de Sade, pour une tournée et un disque live, avec le chanteur original Philippe Pascal, décédé deux ans plus tard.
Activiste débordant d’activité, Frank Darcel, armoricain résolu et européen convaincu, fut l’âme d’un renouveau musical qui dépasse désormais les frontières de sa Bretagne immortelle.
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« La première fois que j’ai vu Frank c’était sur scène, au Printemps de Bourges. Il jouait avec Marquis de Sade, son groupe aussitôt mythique, tellement le son et le style étaient nouveaux et ciselés : rock, élégance, claque, boulet de canon, plusieurs générations seront marquées à jamais !
Nos parcours se sont plusieurs fois croisés entre ses groupes Octobre et Senso jusqu’à ce que nous décidions à l’aube des années 2000 de faire de la musique ensemble. Pour mon futur album, nous avions composé ensemble des chansons dont je suis extrêmement fière. Au-delà du musicien subtil et de son goût sûr, Frank avait ce talent de savoir habiller les artistes avec qui il travaillait. Il débusquait le potentiel et le mettait en valeur. L’empathie. Étienne Daho, Pascal Obispo et tant d’autres lui doivent tant.
Auteur, producteur, compositeur, réalisateur, éditeur, militant, il a tout accompli avec ingéniosité. Surdoué ? « Too Much Class for the Neightbourhood » (comme disait un autre rockeur de sa génération prématurément disparu, Dominique Laboubée, fondateur des Dogs) sûrement !
Toujours leader, jamais suiveur, il ne cessait de créer et de se réinventer.
Nous perdons un artiste et un homme intègre, d’une fidélité et loyauté sans faille. Un seigneur.
Je dis au revoir à un frère d’esprit, dont la pensée singulière va tristement me manquer.
Je pense à ses filles dont il était si fier et je ne saurais trouver les mots pour leur apporter tout mon soutien et la force nécessaire, ainsi qu’à toute sa famille. »
Christine Lidon, Autrice et présidente du conseil d’administration de la Sacem
(c) Violence/Dalle