Une trentaine d’albums, dix fois plus de 45 tours, plus de 350 titres déposés à la Sacem en qualité d’auteure (depuis 1961) et compositrice (depuis 1963) : Françoise Hardy a habité la chanson française six décennies durant, jusqu’à sa mort le 11 juin 2024 des suites d’un lymphome.
Née le 17 janvier 1944 à Paris, elle tombe, adolescente, sous le charme de la musique américaine, celle de Paul Anka, de Cliff Richard. Françoise Hardy grandit dans ce 9e arrondissement de Paris où se retrouvent Johnny Hallyday, Jacques Dutronc, Eddy Mitchell, ceux qu’on appelle la « bande de la Trinité », habitués du Golf-Drouot, discothèque où se produisent jeunes musiciens et chanteurs. La jeune fille timide vit tout près, rue d’Aumale, avec sa sœur et sa mère, aide-comptable, restée célibataire. Le père, qui a un autre foyer, est absent, comme elle le raconte sans fard dans son autobiographie publiée en 2008, Le Désespoir des singes et autres bagatelles (éd. Robert Laffont).
Pour sa réussite au bac en 1961, on lui offre une guitare et une méthode d’apprentissage. Elle entre au « Petit Conservatoire de la chanson » de Mireille, qui décèle très vite sa singularité. Hardy impose sa voix aérienne et un style d’une modernité rigoureuse. En 1962, elle enregistre son premier 45-tours pour Vogue, où un directeur artistique, Jacques Wolfsohn, l’a repérée. Y figurent J’suis d’accord, Il est parti un jour et Tous les garçons et les filles. On y ajoute Oh oh chéri, adaptation d’un titre américain de Bobby Lee Trammell.
Comme ses pairs, les yéyés, héros des années Teppaz, 45 Tours et transistors, elle s’empare d’adaptations en français de musiques étrangères, souvent anglo-saxonnes, parfois sud-américaines (La Mésange, d’Antonio Carlos Jobim et Chico Buarque), ou même italiennes (La Maison où j’ai grandi, paroles d’Eddy Marnay, Beretta Luciano et Michele Del Prete, musique d’Adriano Celentano). En 1963, elle gagne le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros, participe à l’Eurovision avec L’amour s’en va, sous les couleurs de la principauté de Monaco. Elle publie son premier 33-tours, qui contient Le Temps de l’amour, de Lucien Morisse et André Salvet, sur une musique de Jacques Dutronc, guitariste et chanteur qui entrera dans sa vie en 1967 pour ne plus jamais en sortir.
Le succès de Tous les garçons et les filles ouvre à son autrice les hit-parades de l’Europe entière, dont ceux de l’Angleterre, alors en pleine déferlante Beatles. Magnifiée par son compagnon d’alors, le photographe de Salut les Copains Jean-Marie Perrier, elle traverse la Manche pour nourrir, avec sa frange, ses longs cheveux, sa grâce épurée, les fantasmes de la nouvelle vague du Swinging London. David Bowie et Nick Drake en tombent amoureux, Bob Dylan aussi, écrivant, au dos de la pochette d’Another Side (1964) : « For Françoise Hardy/At the Seine’s edge/A giant shadow/Of Notre-Dame. »
L’adolescente maladroite et timide se transforme en ambassadrice de la mode, portant les créations de Courrèges, Paco Rabanne ou Saint Laurent. En 1970, après le succès du gainsbourien Comment te dire adieu, elle crée la société de production Hypopotam (distribuée par Sonopresse) et publie Soleil, La Question, avec la Brésilienne Tuca, Et si je m’en vais avant toi, et puis un album en anglais. En 1973, elle signe avec WEA, et s’allie avec un compositeur maison, Michel Berger, avec qui elle enregistre, juste après la naissance de son fils Thomas, l’album Message personnel.
En 1978, Françoise Hardy ouvre une nouvelle période de sa carrière, celle du disco, tendance jazz- funk. Elle publie Musique saoule, recueil de titres aériens signés Michel Jonasz sur des musiques de Gabriel Yared et Alain Goldstein. En 1988, elle annonce qu’elle arrête la chanson, se voue à l’astrologie, non sans avoir publié Décalages, porté par le titre Partir quand même (sur une musique de Jacques Dutronc). Elle écrit dès lors pour les autres, pour Julien Clerc (Fais-moi une place, 1990), Patrick Juvet, Viktor Lazlo, Jean-Pierre Mader, Guesch Patti …
En 1996, avec Le Danger (Virgin), elle prend un virage très rock, en compagnie d’Alain Lubrano et Rodolphe Burger. S’en suit une série d’albums impeccables, ponctués de découvertes enthousiastes d’une jeune génération d’héritiers – Clair-obscur (2000), où son fils, Thomas Dutronc, l’accompagne à la guitare, puis Tant de belles choses (2004), La Pluie sans parapluie (2010) et L’Amour fou (2012) et enfin le nostalgique Personne d’autre (2018). En 2000, elle est récompensée par un Grand Prix Sacem de la chanson française. Mais à la gloire, elle préférait les joies et les tourments intérieurs.
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"Toujours prête à encourager les jeunes talents, exigeante, elle savait regarder, elle savait écouter ! Françoise Hardy, de par son style si personnel, a ouvert la porte à une nouvelle génération d'artistes qui lui en seront éternellement reconnaissants. C'est un rôle modèle qui a montré que rien ne sert de hurler fort pour se faire entendre ! Elle a décomplexé la plume discrète et la simplicité. Merci chère Françoise, toutes nos pensées vont vers Thomas et vos proches." Christine Lidon, présidente du Conseil d'administration
Publié le 11 juin 2024 - Crédit photo : Patrick Rouchon/Dalle