
Le premier album de Louise Attaque a 20 ans. Parmi ses quatorze morceaux – quatorze singles potentiels – Gaëtan Roussel, le chanteur du groupe, revient sur Léa, une chanson discrète sur laquelle toute une génération a mis un visage.
Tout a commencé vers 1994 au Tremplin, un complexe de studios de répétition et d’enregistrement à Ivry-sur-Seine. On y répétait à trois sous le nom de Caravage.
Très vite, on a décidé de tout changer : arrêter de chanter en anglais et jouer «unplugged».
Après avoir acheté des instruments acoustiques, on a griffonné sur un petit papier «Cherche violoniste partageant nos références: Tom Waits, Nick Cave…». L’annonce est tombée dans les mains d’Arnaud Samuel, qui a rejoint le groupe. On a fait notre première maquette au Tremplin: une cassette huit titres enregistrée par une stagiaire en une journée. Louise Attaque a été son cobaye.
Non. Y figuraient déjà Les nuits parisiennes, Savoir, Toute cette histoire, Tes yeux se moquent et Amours. Autant, sur les autres chansons, on essayait de dégager beaucoup d’énergie, autant Léa est l’une des premières chansons comportant du silence.
La première fois que les gens ont entendu parler de nous, c’était avec J’t’emmène au vent. Ensuite, on a sorti Ton invitation, une chanson moins frontale, plus mélodique et construite.
Léa a trouvé sa place naturellement, sans qu’on se dise: «Celle-ci passerait bien à la radio». Si J’t’emmène au vent est la locomotive de l’album, Léa en est peut-être la colonne.
Les textes n’ont rien à voir mais L’insouciance est aussi une chanson où il y a de l’air. Cette dernière a été écrite d’une salve fin 2014-début 2015, aux Studios Campus, à Bastille (Paris). On a levé la tête et on s’est souvenu qu’on avait enregistré Léa exactement dans la même salle, pratiquement vingt ans plus tôt.
Notre intention n’est pas aujourd’hui plus qu’hier de faire entrer la politique dans nos morceaux. C’est à vous
d’y projeter ce que vous voulez. J’aime particulièrement les textes impressionnistes qui laissent de la place à l’imagination.
Les gens mettent aujourd’hui des choses différentes dans nos chansons. En 1997-1998, ils venaient pour nous voir mais les chansons leur appartenaient déjà.
Ils ne disaient pas: «On aime beaucoup ce que vous faites»; ils venaient nous raconter ce qu’ils avaient vécu sur notre musique. Quand on a commencé à jouer dans les bars, J’t’emmène au vent nous sauvait la vie. Léa, ce n’était pas le cas. Mais au fur et à mesure, un jeu a commencé. Le nombre de personnes qui nous ont dit: «Ah, Léa, je la connais»!…
Au festival Beauregard, l’été dernier, une demoiselle levait les bras avec un panneau portant son prénom, Léa, et une flèche pointant vers elle. À côté d’elle, un garçon avec un autre panneau sur lequel était écrit: «Putain qu’est-ce qu’elle est chiante». Comme dans la chanson.
Par Philippe Barbot en 2017.
Crédit photo : Simon Dubois/Fastimage
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