Il suffit de voir son sourire lorsqu’il joue : Toumani Diabaté a la kora dans le sang. En observant ses mains glisser sur cet instrument à cordes traditionnel malien, communément fait de bois de vène, on comprend pourquoi on le surnomme “le roi de la kora”. Toumani Diabaté, c'est celui "qui a su porter la voix du Mali aux quatre coins du monde", rappelle l’autrice-compositrice et interprète Oumou Sangaré, un « trésor national », ajoute le chanteur malien Salif Keïta. Cette sublime harpe d'Afrique de l'Ouest, c’est une histoire de famille, pour Toumani Diabaté.
Né en 1965 à Bamako, il est le descendant d’une longue tradition griotique : à la suite de sa mère cantatrice, de ses grand-père et père joueurs de kora, c’est donc tout naturellement qu’il tombe amoureux de cet instrument à l’âge de cinq ans.
À treize ans, il est classé deuxième à la Biennale artistique et culturelle du Mali avec l’Ensemble de Koulikoro, avant de rejoindre, en 1980 et 1982, l’Ensemble instrumental national du Mali.
Une vie de rencontres et de collaborations
Tout au long de sa carrière, dans ses albums comme sur scène, Toumani Diabaté s’imprègne de toutes les couleurs musicales du monde, qu'il parcourt de long en large.
En Europe, d’abord, dès l’âge de 19 ans avec l’Ensemble de percussions Djoliba. Puis en Angleterre, trois ans plus tard, où il rencontre ses premiers compagnons de jeu : Peter Gabriel et Youssou N’Dour. Avec eux, il enregistre son premier album, totalement instrumental, Kaira. Youssou N’Dour salue aujourd’hui un « frère et ami », un « virtuose de la kora » et « arrangeur musical hors pair ».
Toumani Diabate a toujours gardé un but en tête : partager au monde son amour pour son instrument. Pour ça, il s’associe notamment avec le groupe de flamenco/pop espagnol Ketama pour deux albums et s’envole vers le Japon en 1991. Il est alors le premier artiste de kora à en jouer dans ce pays.
Reconnu et respecté par ses pairs, Toumani Diabaté devient une référence et collabore avec des artistes du monde entier tels que Sting, Björk, Ballaké Sissoko ou encore Ali Farka Touré, avec lequel il remporte deux Grammy Awards.
En 2017, à la suite d’un voyage au Mali, Mathieu Chedid crée le groupe Lamomali avec Toumani et Sidiki Diabaté, son fils. Leur album éponyme réunit Fatoumata Diawara, Jain, Seu Jorge, Oxmo Puccino et d’autres. Lors de l’avant-première sur scène à Bamako, Toumani Diabaté reçoit les insignes Chevalier des Arts et des lettres de la République française.
« Un peuple sans culture est un peuple qui n'a pas d’âme »
Très investi dans les sphères musicales, Toumani Diabaté l'est aussi dans ses engagements. Si sa volonté de faire vivre sa culture en dehors des frontières est déjà un marqueur fort, il crée aussi en 2016 le festival Acoustik de Bamako pour faire renaître la musique traditionnelle malienne après l'occupation des djihadistes. Dans une interview, il confie : « un peuple sans culture est un peuple qui n'a pas d'âme ».
Tout au long de sa vie riche, animée et engagée, Toumani Diabaté sort plus d’une quinzaine d’albums, en s’amusant de toutes les esthétiques, pourvu que la kora les sublime. Elle reste chevillée à son corps jusqu’à la fin de sa vie et en a transmis l'amour à son fils, Sidiki. C’est avec émotion que ce dernier rend hommage à son père : « c'est Dieu qui donne la vie et qui donne la mort et c'est vers lui que nous retournons. Mon confident, mon pilier, mon guide, mon meilleur ami, mon cher papa s'en est allé à jamais. »
Un papa, un artiste, un compagnon de routes musicales… Toumani Diabaté a passé sa vie à défendre ses racines musicales et à faire connaître les musiques traditionnelles maliennes au monde entier.
Publié le 19 juillet 2024 © Winpenny/livepix_DALLE