« Ce jour-là il n’y aura pas de gens dans les rues, un dimanche sans bruit, la ville dormira… », nous sommes en 1957, la France danse et fredonne La dernière fois, une chanson d’amour aux violons nostalgiques, allégée à la guitare rythmique. C’est un morceau efficace, qui « accroche tout de suite », comme les aimait son compositeur, Daniel Faure. Les paroles sont signées de l’interprète, François Deguelt. À presque dix-huit ans, Daniel Faure débute une carrière riche en inventions, en succès, soit dans le rôle du parolier soit dans celui du compositeur.
Daniel Faure est décédé à Dieppe, le 4 septembre 2024, à l’âge de 86 ans. Il avait adhéré à la Sacem en qualité de compositeur le 27 juin 1956 et en qualité d'auteur le 6 octobre 1964. Né à Paris le 27 juillet 1938, il est saisi très jeune par la passion de la musique. Il fait un passage obligé (grâce à son père) par le Conservatoire de Paris, d’où il sort avec le premier prix de clarinette. Homme aux allures sportives, il aime le rythme, celui des mélodies, celui des mots. Pour gagner sa vie, il devient musicien de bal, une dimension qui offre une proximité avec le public, du plus grand « à Saint-Malo, sous les remparts, nous étions cinq, ils étaient huit mille » au plus petit « des bals de parquet », confiait-il au journaliste Yves Mourousi en 1974.
Son envolée musicale est interrompue par vingt-huit mois de service militaire, dont une partie en Algérie où il rencontre celle qui deviendra son épouse, Francette. À son retour, Daniel Faure ne se laissera plus rattraper par l’histoire, mais façonnera une partie de la bande sonore des années 1960 et 1970. Il écrit, compose « pour des femmes ». De Violaine (J’ai des problèmes décidément, 1966), en équilibre instable entre les yéyés et les hippies, avec harmonica et tambourin, jusqu’à la rigueur d’Isabelle Aubret, pour qui il compose La Source (paroles de Henri Djian et Guy Bonnet) qui représente la France au concours de l’Eurovision en 1968. Daniel Faure met dès lors la main à la pâte pour offrir des chansons à Michèle Torr, Rika Zaraï, Julie Bergen, Régine, Mireille Mathieu, Line Renaud, Patachou et bien d’autres, à des hommes aussi (Fernandel, Frank Alamo et surtout Philippe Clay). En 1971, Mes Universités (Djian/Balasko/Faure) suscite une polémique post-soixante-huitarde et signe le grand retour du chanteur vedette.
En 1966, Daniel Faure, doté d’une voix délicate, publie deux 45 Tours en tant qu’interprète (Philips). La même année, il accompagne Guy Mardel au Brésil avec qui il a écrit L’amour toujours l’amour, lauréate du Festival international de la chanson populaire de Rio. Il en rapporte A Banda, œuvre novatrice d’un tout jeune artiste brésilien Chico Buarque, qu’il adapte pour Dalida. Il lui sera fidèle, créant notamment en 1972 Pour ne pas vivre seul (paroles de Sébastien Balasko). Un morceau intemporel, repris les larmes aux yeux par Firmine Richard dans le film 8 femmes de François Ozon ainsi que par l’immense Luz Casal, dans une version espagnole.
« Une chanson est une fête », disait encore Daniel Faure. Faite pour faire chanter. En 1969, paraît T’as vu monter Carlo ?, une « chanson gag » écrite en joyeux luron avec Sébastien Balasko « le temps du voyage en voiture vers Bièvres, chez Annie Cordy, à une heure et demie de Paris ». La confirmation, s’il en fallait encore une, de l’audace et du talent d’un compositeur définitivement tout-terrain.
Daniel Faure a également composé pour la télévision, dont Le lion et le chat, générique de l’émission Les animaux du monde, et des indicatifs pour la radio. Dans toute sa carrière, ses compositions se retrouvent dans des albums, allant du classique à la pop, en passant par l’expérimental ou des compositions pour l’accordéon.
« Daniel Faure, artisan de l'ombre, mais partisan passionné de la chanson, a, tout au long de sa carrière, semé des musiques de toutes les couleurs, de toutes les humeurs, dont certaines ont germé dans le cœur du public et restent dans sa mémoire. Il n'a pas non plus hésité à s'engager dans la défense des droits de ses consœurs et confrères au sein de la commission des variétés où tout le monde avait pu apprécier son affabilité et sa détermination. » Claude Lemesle, auteur, Président d’honneur de la Sacem
Publié le 4 septembre 2024