Acteur, réalisateur, scénariste, dialoguiste, Michel Blanc était également membre de la Sacem depuis septembre 1973. En plus d’avoir déposé des sketches (avec Muriel Robin, Éric Judor et Ramzy Bedia, Gérard Darmon...), il avait co-adapté avec la troupe du Splendid et Boris Bergman le fameux Darla Dirladada (compositeur-auteur : Pandelis Ginnis) arrangé par Jean Musy.
Il en avait interprété d’autres, certaines taillées sur mesure tel Mec Plus Ultra (Patrick Michel / Gérard Presgurvic). Enregistrée en 1985 avec la crème des musiciens de l’époque, dont Manu Katché, la chanson fit l’objet d’un 45 Tours à succès. Avec l’élégance du second degré, le « Dean Martin de la cantine, le Sinatra du bar-tabac » y revêt une nouvelle fois les habits du gringalet prétentieux prenant râteau sur râteau dans des clubs de vacances, Jean-Claude Dusse, cet anti-héros des Bronzés, de Patrice Leconte. « Je suis le mec plus ultra / Toutes les filles sont dingues de moi / J'viens boire un verre en passant / J'repars après les croissants. »
Mélomane passionné par Brahms et Chopin, pianiste émérite, Michel Blanc était né le 16 avril 1952, à Courbevoie. Il est décédé dans la nuit du 3 au 4 septembre, à l’âge de 72 ans. Grandi à Puteaux, entre classe moyenne et milieu ouvrier, il intègre le prestigieux lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine. En y fréquentant l’atelier théâtre et le ciné-club, il croise ses futurs partenaires de jeu au sein de la troupe du Splendid, Gérard Jugnot, Christian Clavier et Thierry Lhermitte.
Etudiant en théâtre avec Tsilla Chelton, il travaille le piano avec acharnement et se rêve en concertiste. Le sort, et le talent, en décident autrement : au mitan des années 1970, il obtient ses premiers rôles chez Bertrand Blier, Claude Miller, Roman Polanski. Il apparaît aux côtés de Jane Birkin et Gérard Depardieu dans l’étrange film de Serge Gainsbourg (Je t’aime moi non plus, 1976). Parallèlement, il triomphe avec le Splendid dans la pièce Amour, coquillages et crustacés, bientôt portée à l’écran par Patrice Leconte.
Amuseur public, il est dans l’imaginaire collectif cet innocent à la calvitie précoce et à la moustache compensatoire, qui, coincé sur un téléphérique en panne, entonne « Quand-Te Reverrai-je, pays merveilleux ! », de Pierre Bachelet, une parodie de la valse Étoile des neiges composée par Franz Winkler. Il fut aussi Denis, musicien à la dérive chantant Renaud dans le métro, dans Marche à l’ombre, le film qu’il a lui-même réalisé en 1984, après avoir pris ses distances avec la troupe du Splendid et la sphère du café-théâtre.
Encouragé par Patrice Leconte, qui lui confie le rôle principal de Monsieur Hire (1984), Michel Blanc creuse une veine plus dramatique, chez Bertrand Blier (Tenue de soirée, prix d’interprétation masculine à Cannes, 1986) et surtout avec ses propres films, Grosse fatigue (1994, prix du scénario à Cannes) ou Mauvaise passe (1999). Associé au cinéma populaire et aux comédies à succès, Michel Blanc s’aventure alors du côté du cinéma d’auteur (Altman, Greenaway, Benigni, Téchiné…). Autre tournant dans sa carrière, le drôle et tendre Je vous trouve très beau (2005), réalisé par Isabelle Mergault, qui lui vaudra une nomination pour le César du meilleur acteur. En 2011, il endosse le costume-cravate de haut fonctionnaire dans L’Exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller, rôle qui lui vaut un César.
Homme de théâtre, Michel Blanc brûlait de se produire en scène avec un orchestre symphonique. En 2004, son ami Éric Tanguy lui offre, sur un texte de Xavier Couture, un Concerto pour récitant et orchestre - Sénèque, dernier jour, créé à l'Opéra de Rennes avec l'Orchestre de Bretagne. En 2022, Michel Blanc et Éric Tanguy conçoivent avec la complicité du Théâtre des Bouffes du Nord Photo d’un enfant avec une trompette, d’après la pièce Auntie & Me de Morris Panych. Crâne rasé, moustache remisée, lunettes au carré, Michel Blanc donnait alors toute sa dimension de « bosseur » invétéré.
Publié le 3 octobre 2024 (c) Franck Crusiaux/Gamma Rapho