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Hommage
Quincy Jones
Rarement un musicien aura exercé une telle influence sur son époque

Par ses talents de producteur, de compositeur, de trompettiste, Quincy Jones a accompagné toutes les mutations de la musique noire américaine et au-delà. Rien n’avait échappé au swing élégant de ce surdoué précoce – jazz, soul, funk, pop, bossa-nova, hip hop...

Né le 14 mars 1933 dans un Chicago ruiné par la Grande Dépression, Quincy Delight Jones Jr est mort le 3 novembre 2024 à Los Angeles à l’âge de 91 ans. Devenu l’ami et le complice de Ray Charles à seize ans, il intègre en 1954 l’orchestre du vibraphoniste Lionel Hampton, après des études à la Schillinger House de Boston, devenue Berklee School of Music.

En 1984, il est déjà quinquagénaire quand il partage la gloire mondiale de Michael Jackson dont il vient de produire l’album Thriller – précédé d’Off The Wall en 1979 et suivi de Bad en 1987. Proche du révérend Jesse Jackson et des idées de Martin Luther King, il a déjà à son crédit la composition et des arrangements de centaines de titres, dont certains ont nourri le répertoire de Dinah Washington, Sarah Vaughan, Dizzy Gillespie, Ray Charles, Count Basie, Frank Sinatra… Publicités, cinéma, spectacles, il a été sur tous les fronts.

Quincy Jones fonde son premier bigband en 1955. De passage en Europe, il réalise la violence de la ségrégation aux Etats-Unis. En 1957, il rejoint le label Barclay à Paris, à la demande de Nicole Barclay, qui lui propose un poste de directeur musical, arrangeur et chef d'orchestre. Durant près de deux ans, il y supervise la plupart des séances d’enregistrement. Le voici croisant Charles Aznavour, Jacques Brel, Boris Vian ou Henri Salvador, devenu son ami. Avec passion, il en profite pour étudier avec la plus célèbre des pédagogues françaises, Nadia Boulanger.

De retour aux Etats-Unis en 1960, Quincy Jones est embauché par Mercury Records, dont il devient en 1964 le vice-président, une première pour un afro-américain. Après avoir produit Genius + Soul = Jazz pour son ami Ray Charles, il y réalise en 1962 The Girl From Greece Sings où Nana Mouskouri, amie d’Harry Belafonte, interprète des standards du jazz. Mais c’est pour Verve, qu’il enregistre en 1962 l’un de ses disques les plus fameux, surfant sur la mode bossa, Big Band Bossa Nova, contenant le tube Soul Bossa Nova. Années dorées où le succès est au rendez-vous : en 1964, il obtient grâce à ses arrangements pour This Time by Basie, de Count Basie le premier de ses 27 Grammy Awards,

Il compose bientôt pour le cinéma, pour Sidney Lumet, Sydney Polak, Norman Jewison, Richard Brooks. En 1967, le générique de la série télévisée Ironside (L’Homme de fer) devient l’un de ses classiques. En 1969, Quincy Jones quitte Mercury pour A&M Records, où il enregistre ses disques les plus aboutis. Hyper actif, il est victime d’un anévrisme cérébral qui lui interdit désormais de jouer de la trompette. Se tournant vers les affaires, il fonde en 1980 sa propre compagnie Qwest Records - édition musicale, production et investissement pour l’industrie du divertissement (disque, télévision, dont la série Le Prince de Bel-Air, avec Will Smith, cinéma, presse…). Qwest TV, plateforme de vidéos musicales à la demande, a été inaugurée en décembre 2017. Pourtant, après huit ans de silence discographique, une nouvelle génération découvre « Q » en 1989, avec l’album Back on the Block (six Grammy Awards).

Artiste afro-américain, Quincy Jones n’a cessé de se mobiliser contre le racisme, la pauvreté et la famine dans le monde. En 1985, il est aux commandes de l'enregistrement de We Are The World, pour l’Ethiopie. Quincy Jones n’aura de cesse de mettre son carnet d’adresses au service de fondations caritatives (recherche sur le sida, le cancer, aide aux victimes d’agression sexuelle…) et en faveur de l’éducation de la jeunesse, au travers de sa Quincy Jones Listen Up Foundation.
En avril 2017, il avait reçu à Los Angeles la médaille de la Sacem, honorant sa contribution au monde de la musique.

"Grâce à la musique, ce langage universel, cet espéranto absolu, grâce à sa musique, Quincy Jones était de toutes les sociétés, de tous les pays, de tous les combats. Il était la passion vivante, la chair des notes, la diversité professionnelle et la liberté incarnée. Pour des créateurs tels que lui, la mort n'est qu'un mot. Sa musique, qui subsiste en nous, nous aide toujours à vivre", Claude Lemesle, auteur, Président d’honneur de la Sacem.

Publié le 3 novembre 2024 © Mary Evans / Aurimages

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