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Hommage
Charles Dumont
L’homme derrière “Non, je ne regrette rien”

Chanteur, musicien, compositeur, Charles Dumont avait le sourire large. Il parlait en jouant des mains et des yeux, avec une loquacité sans doute ancrée dans son Quercy natal. Né le 26 mars 1929 à Cahors (Lot), l’homme de l’art est mort à Paris le 18 novembre 2024.

Avoir vu le jour dans la ville de Clément Marot, poète majeur du 16è siècle, avait été pour lui un signe du destin, confiait-il dans ses Mémoires, Non, je ne regrette toujours rien (éditions Calmann-Lévy), parues en 2012.

Passionné de jazz et fan de Louis Armstrong, il étudie la trompette au Conservatoire de Toulouse et forme son premier orchestre.
Monté à Paris, il est obligé de renoncer à son instrument favori à la suite d’une opération des amygdales. Il apprend alors l’harmonie et le piano auprès de Maître Paul-Sylva Hérard, titulaire des Grandes Orgues de l'église Saint-Ambroise. Enchaînant les petits boulots, il compose, parfois sous des pseudonymes. « Tout le monde aimerait bien un petit câlin de Madame la Chance. Mais pour la rencontrer il faut un peu lui faire la cour », disait Charles Dumont dans « Les Coulisses de la création » du Musée Sacem, remerciant la vie de lui avoir fait rencontrer des talents majeurs, tel que le parolier Michel Vaucaire (1904-1980).
Ensemble, ils écrivent pour la fine fleur de la chanson française : Lucienne Delyle, Marcel Amont, Cora Vaucaire… Edith Piaf résiste. Michel Vaucaire insiste : Piaf est affaiblie, elle a besoin de remonter en scène. En 1956, ils ont écrit une chanson à haute énergie, Non, je ne regrette rien. Elle accepte de les recevoir, Dumont, qu’elle déteste, se met au piano, avec force, il chantonne, elle comprend que cette chanson fera le tour du monde. Dumont-Vaucaire lui proposent également Mon Dieu. Edith les enregistre en 1960, et chante Non, je ne regrette rien en 1961 sur la scène de l’Olympia.

S'ensuit une importante contribution au répertoire de la chanteuse : quarante et un titres, des Flonflons du Bal à Mon Dieu en passant par Les Amants que Piaf et Dumont écrivent et chantent conjointement en 1962. En 1963, il compose Je m'en remets à toi, sur des paroles de Jacques Brel. Elle meurt avant d’avoir pu l’enregistrer. Charles Dumont la sort en 1964.
Le décès de Piaf le laisse orphelin. Il élargit son talent vers des musiques de feuilletons (Les Aventures de Michel Vaillant, Gorri le Diable) ou de films, comme Trafic et Parade, de Jacques Tati.

En 1967, il se reconvertit en « crooner » romantique après avoir rencontré Sophie Makhno, éditrice de chansons, secrétaire de Barbara, proche d’Anne Sylvestre, directrice artistique chez CBS et parolière. Egalement connue sous le pseudonyme de Françoise Marin et Françoise Lo, elle permet à Charles Dumont de se distancier du mythe Piaf, et l’accompagne durant quarante ans jusqu’à sa disparition en 2007, signant avec lui bien des chansons d’amour et des disques d’or : Nuit blanche à Honfleur, Les Gens qui s'aiment, Aime-moi, Les Chansons d'amour, Ta cigarette après l'amour… L’album Une femme lui vaut en 1973 le prix de l’Académie Charles-Cros. Une carrière monumentale, durant laquelle, en son nom ou certaines fois sous pseudonyme, il a collaboré avec Dalida, Tino Rossi, Bourvil, Juliette Gréco, Annie Cordy et des légendes américaines du jazz comme Duke Ellington ou Sidney Bechet.

Publiant un disque chaque année, multipliant les tournées à l’étranger, Charles Dumont rencontre en 2005 les arrangeurs et producteurs Jean Lahcène et Lionel Ducos, avec lesquels il réalise trois albums : Passionnément, Je t'invite et Les Incontournables. En 2007, Barbra Streisand reprend triomphalement Le Mur (I've Been Here). La Sacem le récompense pour cette carrière exceptionnelle en 2013, à l’Olympia, en lui remettant le Grand Prix de la Chanson française. La dernière apparition sur scène de Charles Dumont remonte à 2019 au Théâtre de la Tour Eiffel.

Pour Bruno Lion, actuel membre et ancien Président du Conseil d’Administration, « avec Charles Dumont, cet immense mélodiste des histoires d’amour, c’est un monument de la chanson française qui nous quitte. Son œuvre, notamment "Non je ne regrette rien", rayonne encore aujourd’hui largement hors de nos frontières. La communauté des auteurs, compositeurs et éditeurs s’incline devant la mémoire de l’un des plus grands des siens ».

« Le Conseil d'administration salue avec émotion le départ de l’une des figures les plus majestueuses de la chanson française. Compositeur de génie, Charles Dumont a sculpté avec Édith Piaf quelques-unes des pages les plus bouleversantes de notre patrimoine musical. Son œuvre restera une source d'émerveillement et d'inspiration pour des générations d’artistes. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration.

Publié le 18 novembre 2024 (c) Collection Christophel

Découvrir l'exposition du Musée dédiée à Charles Dumont

Découvrir l'entretien vidéo de Charles Dumont - Les Coulisses de la création