Paulo Albin, voix emblématique de la Caraïbe, savait faire danser, avec art, avec charme. Enfant du Robert, bourgade de la côte atlantique martiniquaise, Jean-Paul Albin rejoint le groupe La Perfecta au début des années 1970. Il y insuffle sa bonhommie, son enthousiasme. Il fut un symbole, un conteur, un rassembleur. En créole, en français, il n’avait de cesse de traduire en musique son attachement à sa culture.
Sociétaire de la Sacem depuis mars 1976, il était auteur, compositeur et interprète. Il fut le créateur de Vagabond, La Divinité, Si ti Manmaille des titres qui ont enflammé les fêtes, enchanté les dimanches en famille, et les soirées romantiques. Né le 9 mars 1946, Paulo Albin est mort le 19 novembre en Martinique, à l’âge de 78 ans.
La Perfecta, c’est un pan d’histoire musicale, où passent tous les talents de l’île. On y rentre, on en sort, mais il y a des constantes : Paulo au chant, parfois d’autres, devant un alignement de cuivres, de percussions, avec guitare électrique, basse ravageuse, chœur harmonique, clavier. Les garçons ont les cheveux en boule et portent des pantalons patte d’éph. La Perfecta invente un son trans-caribéen. Paulo Albin est un pilier du groupe le plus populaire de la kadans d’origine haïtienne et précurseur du zouk, genre universel surgi avec la naissance de Kassav en 1979.
Paulo Albin aimait chanter avec son groupe – « Dès que [les gens] entendent La Perfecta, ils savent qu'ils vont entendre Paulo. Ce qui fait que je suis La Perfecta et La Perfecta, c'est moi ! », déclarait-il au journal France-Antilles en 2022. Mais le musicien s’est aussi produit en solo ou avec son nouveau groupe, le Paulo Albin All Stars, tout au long d’une carrière indépendante initiée au début des années 1980 et riche d’une dizaine d’albums, ponctuée d’allers-retours au sein de La Perfecta.
« La Perfecta, c'est comme la mer, précisait-il. Elle est toujours renouvelée. Les vagues vont et viennent ! Nous vivons ! ». Il racontait avec humour le tout début de sa carrière, « à Tarascon, près de Marseille, j'avais 9-10 ans et l'on cherchait quelqu'un en fin d'année scolaire pour chanter Mon beau sapin devant le sapin de Noël ». Bis, re-bis et triple bis. Il y gagnait gagne des bonbons et se forge dès lors un destin de musique. Le 4 octobre 2024, Paulo Albin était sur la scène de la Kaz’Art, en Guadeloupe. « Paulo était déjà souffrant, selon Jean-Pierre Daniel, ex-manager de La Perfecta. Il est arrivé, il m’a dit "Jean-Pierre, je vais exploser la Kaz’Art". J’ai eu des frissons, des larmes ».
Le public et ses proches comprennent alors pleinement que renoncer au plaisir de la scène n’avait jamais été inscrit au programme de cet ex-enseignant ceinture noire de judo, porté par cinquante ans de carrière et qui jusqu’à la fin a assouvi et partagé sa passion.
« Figure de la scène musicale martiniquaise, des Caraïbes et bien au-delà, Paulo Albin aura été avec La Perfecta un précurseur du zouk. Chanteur charismatique, il incarnait magnifiquement l'âme chaleureuse et festive de son île de par son exigence musicale, sa personnalité chaleureuse et son amour du public. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration
Publié le 19 novembre 2024