Marc Chantereau était un peu sorcier. Il savait être en première ligne, jouant à la télévision le Vol du Bourdon de Rimski-Korsakov au xylophone avec une extraordinaire dextérité, accompagné par l’Orchestre de Raymond Lefebvre, visiblement étonné par son jeu à la fois rigoureux et libre. Du Marc Chantereau, il y en a partout, et du bon : chez Manu Dibango, Michel Berger, Sheila, Lalo Schifrin, Jacques Brel, Ennio Morricone, Charles Aznavour, Serge Gainsbourg… Infatigable, Marc Chantereau était encore aux percussions pour le concert 2024 de « Pop The Opéra », institué par les Chorégies d’Orange afin de démocratiser l’opéra.
Né le 1er décembre 1947 à Paris, Marc Chantereau est décédé le 26 décembre 2024. Il avait commencé la musique à l'âge de 4 ans. A 15 ans, il entre au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et en sort trois ans plus tard avec un Premier prix de percussion et une médaille de solfège. Elève du compositeur et percussionniste Jacques Delécluse, proche de Pierre Boulez, le jeune impétrant, plus tard soliste au sein d'ensembles prestigieux de musique contemporaine, se montre d’emblée éclectique, jouant de tout : claviers, batterie, congas et tumbas, xylophone et timbales, triangle et sac en plastique.
Il adhère à la Sacem en tant que compositeur le 24 novembre 1972 et en tant qu’auteur le 26 avril 1978. Sociétaire définitif depuis le 14 avril 1983, il siège ensuite au conseil d’administration du Comité du cœur. Il obtient en 1992, le Prix Sacem pour son œuvre musicale publicitaire.
Travailleur acharné, il rencontre des camarades de studio enthousiastes et doués : le guitariste Slim Pezin (1945-2024), proche de Claude François, de Mylène Farmer et de Johnny Hallyday, le batteur Pierre-Alain Dahan (1943-2013) et le bassiste Sauveur Mallia. Avec eux, il fonde le groupe V.I.P. Connection en 1975 - deux de leurs chansons restent des musts pour les fans de disco : Please Love Me Again et West Coast Drive.
En 1977, naît de cette collaboration le groupe Voyage, dans lequel il est aux claviers et au chant. Leur second album renforcé par la voix de la chanteuse britannique Sylvia Mason-James, contient le titre Souvenirs. Souvenirs, bientôt inscrit au Top 100 du Billboard. Dissous en 1982, le groupe a publié deux albums Voyage (1978) et Fly Away (1979), élevés au premier rang du classement américain Hot Dance Club Play.
Le quatuor en or garantit désormais le succès : comédies musicales, films, télévision, tout s’enchaîne : « Comme on était des musiciens de studio qui avions fait un album commercial qui a fonctionné, tout le monde nous appelait, on faisait toutes les séances, sans arrêt, on était exténué. Dans le milieu musical, les gens sont superstitieux : ils prennent toujours l’équipe qui gagne. A ce moment-là c’était nous », confiait Sauveur Mallia en 2021 au label Born Bad.
Marc Chantereau, avec son sens de l’humour et du théâtre, fut de toutes les sessions d’enregistrement, apportant sa patte à la construction collective que constitue une chanson ou une musique de film, où il suffit parfois d’un détail pour en garantir la pérennité. En 1973, Serge Gainsbourg, rescapé d’une crise cardiaque, écrit Je suis venu te dire que je m’en vais, et l’enregistre à Londres. Mécontent du résultat, il croise Marc Chantereau et lui demande son avis : « Ajoute du triangle ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Marc Chantereau était un homme d’évidences.
« Marc Chantereau, au-delà du grand percussionniste et compositeur, c’est 60 ans de musique en studio, et sur scène…
Dernière tournée avec lui au printemps dernier dans les pays de l’Est avec grand orchestre, toujours le bonheur d’être avec les copains.
Le lancer de tambourin, le Guerlain, la Porsche…
La classe c’était Marco ! »
Serge Perathoner, ancien président du Conseil d’administration de la Sacem.
« Cher Marc, pour évoquer ta carrière, il serait plus simple de faire la liste des artistes avec lesquels tu n’as pas joué. Jouer est le bon mot te concernant, car si la musique était faite avec le plus grand sérieux, le reste devait rester léger, empreint de générosité et de partage.
Je n’avais que 18 ans quand, avec tes compagnons, Pierre Alain Dahan, Slim Pezin, Celmar Engel, Roland Romanelli, Jean Baudlot et quelques autres, tu m’as accueilli dans cette merveilleuse famille avec laquelle nous allions faire des dizaines d’albums et partager des moments uniques où musique et dérision allaient se répondre avec intelligence.
Aujourd’hui, avec Pierre Alain, Slim et Jean, vous avez de quoi bien faire vibrer et résonner les étoiles. Je voudrais voir la tête des anges devant ton lancer de tambourin.
La Sacem pour laquelle tu as œuvré avec cœur et panache perd un de ses plus grands sociétaires mais surtout un ami et pour ma part, la tendresse et la bienveillance d’un grand frère. »
Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration de la Sacem.
Publié le 27 décembre 2024 (c) Lionel Pagès