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Hommage
Daniel Colling
Le faiseur de printemps

Producteur, créateur de festivals et directeur de salles, Daniel Colling a joué un rôle essentiel dans le domaine des musiques populaires et de la chanson depuis les années 1970. Du Printemps de Bourges au MaMA parisien, il n’a eu de cesse d’insuffler de l’énergie et de créer de nouveaux modèles économiques.

Daniel Colling avait un appétit d’ogre quand il s’agissait de défendre la musique populaire. Il en a accompagné tous les combats, à commencer par celui qui mena à la reconnaissance de la grande vague contestataire de la chanson française des années 1970. L’homme au sourire franc, qui aimait plaisanter sans rien relâcher de l’attention qu’il portait à ses projets, monte à Paris en 1970. Il y créé avec des amis une société de production et d'édition, Écoute s’il pleut. Des artistes alors ignorés des radios, des télés et du show-biz, Jacques Higelin, Bernard Lavilliers, Malicorne, François Béranger, Catherine Ribeiro, s’embarquent dans l’aventure. Daniel Colling devient le tourneur de Léo Ferré, Claude Nougaro, Anne Sylvestre, Baden Powell ou encore Pierre Desproges. En 1977, il créé le Printemps de Bourges avec Maurice Frot, longtemps secrétaire de Léo Ferré, et Alain Meilland, directeur de la Maison de la Culture de la cité berruyère. Parrainée par Charles Trenet, la première édition est un succès.

Né le 26 mai 1946 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle), Daniel Colling est mort le 27 janvier 2025, en région parisienne. Son nom reste lié à l’émergence culturelle de la gauche en 1981. Ne cédant jamais aux pressions, il défend becs et ongles Renaud et Higelin, qu’une partie de la population du Cher prend pour des voyous. Avec Jack Lang, Lorrain comme lui et alors ministre de la Culture, il invente le concept démocratique des Zénith. Il en dessine les esquisses, des chapiteaux, en définit le nom. Il prend, en 1984, la direction du Zénith de Paris et plus tard celles des Zénith de Nantes et de Toulouse.

Le Printemps de Bourges, observatoire des phénomènes de société, voit défiler les responsables politiques. Jack Lang bien sûr, puis presque tous ses successeurs. Des premiers ministres, Jospin, Chirac. Préfets, journalistes, présidents de collectivité locale, déjeunent ensemble au Printemps. En 1987, voici Mitterrand fonçant au concert d'un jeune beur, Karim Kacel. Le président de la République croise en chemin Serge Gainsbourg, qui filme un documentaire pour TF1, Springtime In Bourges.

Daniel Colling a un don pour les croisements, et sous des dehors d’homme à poigne, sait déléguer à ses programmateurs la tâche de susciter de la diversité. Bourges, les Zénith, accueillent le rap et l’électro, les rockeurs et les conteurs. Il crée un modèle économique équilibré entre subventions, billetterie et sponsoring. En 2013, il revend la marque du Printemps, très tôt déposée en son nom, et passe la main en 2015 à Gérard Pont, déjà patron des Francofolies de la Rochelle.

Membre fondateur du Fonds de Soutien, préfigurateur du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), il préside cet établissement public de 2002 à 2009, contribuant à son rôle structurant pour le secteur. En 2011, il mène la première mission de préfiguration du Centre national de la musique (CNM). Un projet achevé, un autre surgit. En 2009, il imagine le Marché des musiques actuelles (MaMa), qu’il déploie bientôt tout au long d’une artère historique, les boulevards des music-halls, de Barbès à la place Clichy, avec une multitude de concerts et conférences scrutant les nouveautés de la filière et du spectacle vivant.

Nommé chevalier de la légion d’honneur en 2004, l’homme d’affaire avait ses détracteurs, qu’il ignorait, ayant identifié de longue date son pire ennemi : l’ennui.

« Daniel Colling avait le flair des pionniers et la niaque des activistes. Du Printemps de Bourges aux Zénith, il a transformé les musiques actuelles en mouvement de fond, toujours à l'écoute des marges et des bouleversements sonores. Une inspiration durable. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration de la Sacem.

« Il suffit de rappeler qu’au-delà du Printemps de Bourges et du MaMA qu’il a créé, son rôle fût déterminant dans la naissance des salles Zénith ou du Fonds de soutien des variétés (l’ancêtre du CNV et donc du CNM) pour prendre la mesure de ce que Daniel Colling a pesé utilement depuis 50 ans pour le secteur musical et sa reconnaissance. Capable de coups de gueule mémorables comme d’intuitions remarquables, Daniel était un entrepreneur brillant, aussi exigeant que chaleureux, à qui nous devons beaucoup. » Bruno Lion, membre du Conseil d'administration de la Sacem.

Publié le 27 janvier 2025 (c) Faustine/Dalle