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Hommage
Amadou Bagayoko
Légende de la musique malienne

Prodigieux guitariste électrique, Amadou Bagayoko formait avec sa compagne l’inséparable duo Amadou & Mariam. Leur spectaculaire percée dans la sphère pop internationale dans les années 2000 ne doit pas faire oublier leur ancrage en Afrique de l’Ouest.

La vasque olympique embrase le ciel de Paris. Au pied de l’Arc de triomphe, Amadou & Mariam, lunettes noires, sourire fixe et Telecaster en bandoulière pour Amadou. Ce 8 septembre 2024, leur reprise de Je suis venu te dire que je m’en vais de Serge Gainsbourg détonne dans le programme de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques. Fallait-il y voir un « adieu à jamais » ?

Le 4 avril 2025, l’auteur-compositeur Amadou Bagayoko, né dans le quartier de Bagadadji (Bamako) le 24 octobre 1954, s’est éteint dans sa ville natale des suites d’une maladie.
Le dimanche suivant à Bamako, c’était jour de deuil. Des milliers de fans mais aussi des responsables politiques et des artistes étaient réunis pour un hommage au « guitariste inouï », dixit Matthieu Chedid.

Ayant grandi avec le rock flamboyant des guitar heroes anglo-saxons, ce surdoué intègre plusieurs formations dès l’adolescence : l’Orchestre national du Mali, les orchestres de Niarela et de Koutiala. A quinze ans, Amadou Bagayoko perd la vue à cause d’une cataracte congénitale. Cela ne l’empêche pas de se produire aux côtés de Salif Keïta au sein des Ambassadeurs du Motel, l’une des formations les plus en vogue du pays, de 1974 à 1980.
Inscrit au cours de braille de l’Institut des jeunes aveugles de Bamako, il a le coup de foudre pour la chanteuse Mariam Doumbia, 18 ans. Ensemble, ils forment le groupe l’Eclipse.

En 1980, Amadou et Mariam se marient et se lancent en duo. Ils auront trois enfants. Sam Bagayoko, le cadet, deviendra lui aussi guitariste et chanteur. « Il n’y a pas Mariam sans Amadou, il n’y a pas Amadou sans Mariam, c’est ce qui donne la beauté de leur style », déclare-t-il. Un style qui relie tradition bambara et modernisme du blues et du rock, sur des mélodies entêtantes et des textes engagés pour déconstruire les superstitions liées au handicap.
À la recherche d’un marché musical plus propice, le duo s’installe à Abidjan en 1986. Diffusant leurs cassettes – désormais collector – sous le nom « Le couple aveugle du Mali » entre 1989 et 1993, ils trouvent enfin leur public et tournent en Afrique de l’Ouest.

A partir de 1997, ils enregistrent à Paris. Amadou Bagayoko adhère à la Sacem en tant qu’auteur-compositeur la même année – il en deviendra sociétaire définitif en 2009. Des hits au style plus commercial comme Mon amour, ma chérie ouvrent la voie à l’album Dimanche à Bamako. Produit et partiellement arrangé par Manu Chao, l’album publié en 2004 s’écoule à 300 000 exemplaires en France, porté par la ritournelle Beaux Dimanches écrite par Amadou Bagayoko. L’année suivante, le disque est récompensé par la Victoire de la musique de l’album world. En 2006, il est couronné par un BBC Radio Awards dans la même catégorie.

Grand passeur de musique malienne, Damon Albarn (Blur, Gorillaz) produit l’album suivant, Welcome to Mali (2008). Nominés aux Grammy Awards en 2010, Amadou & Mariam sont par la suite programmés dans les plus grands festivals (Coachella, Lollapalooza…) et invités à ouvrir pour Coldplay en 2009 et U2 en 2011.
Le groupe publie ensuite trois nouveaux albums dont Folila qui remporte une Victoire de la musique en 2013. La vie est belle, leur premier best of, paraît en septembre 2024. Malgré la maladie, Amadou Bagayako ne comptait pas s’arrêter là. Que la terre lui soit légère.

« Amadou Bagayoko faisait parler sa guitare comme on tend la main : avec chaleur et sincérité. Derrière chaque accord, il y avait une histoire, une lutte, une fête. Merci pour cette musique qui continue de nous rassembler. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration de la Sacem.

Photo : Amadou Bagayoko, Victoires de la musique - 2013 (c) Marc Chesneau/Sacem

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