Chanteur (brièvement), auteur-compositeur, agent, attaché de presse, éditeur et producteur de télévision, Humbert Ibach - dit « Mémé » Ibach - a développé une connaissance affinée et transversale des métiers de la création. Né en 1937 à Suresnes (Hauts-de-Seine), décédé le 4 mai 2025 à l’âge de 88 ans, il avait adhéré à la Sacem au titre d’auteur (1969), de compositeur (1974), d’éditeur (1991) et de réalisateur (2008).
« Mémé » est une appellation paradoxale pour un jeune homme pétillant à l’énergie débordante et expressive. Mais il l’avait endossée avec bonheur parce que donnée par la jeune Sheila, dont il a façonné l’image chez Claude Carrère à partir de 1964. « C’est elle qui m’a surnommé “Mémé” : je veillais sur elle comme une véritable grand-mère ! J’ai toujours été très protecteur avec les artistes dont je me suis occupé », confiait Umberto Petrucci, dit Humbert Ibach.
À Lyon, au tout début des années 1960, Umberto ouvre un salon de coiffure pour dames qui ne désemplit pas, d’autant qu’il ne cesse de chanter pour distraire ses clientes. Jacques Brel, croisé dans les coulisses du Palais d’Hiver de Lyon, lui conseille de monter à Paris pour vivre sa passion. Aussitôt dit, aussitôt fait. En 1962, il y enregistre un EP de quatre titres, Umberto Petrucci, le coiffeur chantant, arrangé par Gérard Poncet.
Claude Carrère l’embauche comme attaché de presse, au service de l’artiste émergente de la maison, Sheila, vingt ans à peine. L’aventure entraîne « Mémé » vers la bande de Salut les Copains, où figure le chanteur Monty. Umberto écrit de nombreuses chansons pour et avec Monty. Ce dernier lui suggère d’adopter le pseudonyme d’Humbert Ibach, en référence au piano sur lequel il joue.
Dans les locaux des Disques Carrère, il croise Hervé Vilard, qui devient son ami, et la parolière Vline Buggy, avec laquelle la complicité est immédiate. Ensemble, ils écrivent notamment Les anges du matin, sur une musique de Jacques Revaux, orchestrée par Jean-Claude Petit. Mémé travaille aussi avec Claude Carrère et Didier Barbelivien. Humbert a une plume, le sens du marketing et un don particulier pour repérer les talents. En 1975, Isabelle Morizet, une adolescente de 17 ans, vient passer un casting chez Carrère. Il en comprend immédiatement le potentiel. Vendant sa voiture américaine et hypothéquant sa maison, il fonde les disques Ibach pour produire le premier disque de celle qu’il rebaptise Carène Cheryl, puis Karen Cheryl et, au temps du disco, il lui fait enregistrer un 33 tours en anglais.
Convaincu de la force populaire de ce genre musical, il accompagne l’essor de groupes discos à la fin des années 1970, tels les Moon Birds. Plus tard, il gère la carrière de Douchka, pour qui il écrit une série de tubes avec, comme pour Karen Cheryl, ses complices Claude Lemesle et Didier Barbelivien. Il se reconvertit ensuite à la télévision en créant Les grands du rire, émission diffusée chaque samedi sur France 3 pendant seize ans, de 2003 à 2019. En 2024, l’émission revient sur C8, avant la disparition de la chaîne. En hommage à Jean Ferrat et Charles Aznavour, dont il est fan, Humbert Ibach produit en 2015 et 2017 pour France 3 Jean Ferrat, 5 ans déjà et Charles Aznavour, l’intégrale, des documentaires à son image, amoureux, chantants et précis.
« Quand on dit de quelqu’un « il connaît la chanson », il s’agit, la plupart du temps, d’un cliché plutôt péjoratif. Mémé Ibach faisait exception à cette règle. C’était un véritable amoureux de son métier, un passionné qui respirait instinctivement l’air du temps avec une gourmandise d’enfant heureux. Une séance de travail avec lui était un tourbillon d’idées où il fallait discerner et choisir la perle, mais elle était toujours là, quels que soient l’artiste ou la musique. Il n’y avait qu’un seul petit problème : il était toujours en retard ! Je suis triste que cette fois-ci, il ait été à l’heure. » Claude Lemesle, auteur, président d'honneur du conseil d'administration de la Sacem.