Les musiciens de l’orchestre de Claude François, qu’il dirige dans les années 1960, le surnomment « Gaston », en référence à la maladresse légendaire du personnage de bande dessinée Gaston Lagaffe. Multi-instrumentiste, auteur, compositeur, Michel Cassez vient de mourir à l’âge de 93 ans. Il était le dernier des Compagnons de la chanson après la disparition des frères René et Fred Mella en octobre et novembre 2019, et de celle en 2023 de Marc Herrand, premier directeur musical du groupe.
Né à Wattrelos (Nord) le 28 décembre 1931, Michel Cassez s’est éteint le 25 mai 2025 à Vaison-la-Romaine (Vaucluse). Il avait rejoint la Sacem en 1959 et était devenu sociétaire définitif, comme compositeur (improvisateur de jazz), en avril 1976.
Fils de douanier, il apprend la clarinette et le saxophone, puis accompagne les stars de la chanson, Gilbert Bécaud dès 1954, ou encore Marcel Amont. A Marseille où il a déménagé, il joue au Hot Club avec un clarinettiste de jazz atypique, Marcel Zanini. Michel Cassez intègre les orchestres de Jacques Hélian et d’Aimé Barelli qui se produit au Sporting Club de Monaco. C’est là que, en 1964, il croise Claude François, qui l’embauche immédiatement.
Michel Cassez sait tout faire. Il anime avec Danièle Gilbert « Midi-trente », apparaît à la télévision avec Thierry Le Luron, Charlotte Julian et Henri Salvador. Jazzman d'excellence, il joue de tout, compose pour Richard Anthony et les Chats sauvages en passant par Annie Cordy. En 1971, il écrit une comédie musicale « Vroom Vroom », montée à l’Opéra de Lille. Deux ans plus tard, le voici « Compagnon ».
Les Compagnons de la chanson, trois ténors, trois barytons et trois basses, pantalon noir et chemise blanche, ont été créés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, parrainés par Yves Montand et Charles Aznavour. Ces adeptes du chant a capella et des reprises de veilles mélodies françaises explosent sur la scène internationale en 1946 en interprétant Les Trois cloches, de Jean Villard, avec Édith Piaf. Sur les conseils de La Môme, ils élargissent ensuite leur répertoire, la palette des instruments et des costumes, et amplifient leur succès par des sketches. Fait exceptionnel, l’un des leurs, Jean Broussolle, prend le large. « Gaston » le remplace en 1973.
Michel Cassez, c’est un style, qui va enrichir les fondamentaux des Compagnons de la chanson, incarné par Fred Mella, le chanteur soliste, tiré à quatre épingles, droit comme un I. « Gaston », lui, aime les chemises roses, des chaussettes blanches façon clown. Il entre en scène en sautillant, la moustache en bataille, muni d’un arsenal d’instruments bizarroïdes. La dichotomie séduit, Fred Mella incarnant selon lui « l’amour », et Gaston « l’humour ». On réclame L'homme-orchestre, chanson composée avec Jean-Pierre Calvet, autre Compagnon avec qui Michel Cassez écrit de nombreux titres.
Avec la distance du dernier arrivé, Michel Cassez écrit avec Yves Turbergue Gaston raconte Les Compagnons, paru en octobre 1985, quelques mois après que les Compagnons de la chanson ont donné leur concert d’adieu au Pavillon Baltard de Nogent-sur-Marne.
Michel Cassez poursuit ensuite son œuvre, écrivant par exemple en 1988 Le Mystère des 4 clés, comédie musicale pour enfants, ou menant un tour de France avec son quartet de jazz « Gaston et ses Compagnons ». Combinant exigence musicale et esprit de troupe, il laisse le souvenir d’un homme-orchestre au service des autres, dont l’élégance n’avait d’égale que la malice.
« Son excentricité, sa touche de rose à un monde trop souvent en noir et blanc, Michel Cassez en avait fait sa marque de fabrique. Durant sa magnifique carrière, il a su conjuguer la rigueur du jazz et la légèreté du music-hall, l’amour du collectif et la fantaisie de l’artiste. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration de la Sacem.