Nicole Croisille a marqué la chanson française par sa voix, parfaitement maîtrisée, et par son talent à exprimer la tendresse. L’interprète d’Une femme avec toi, chanson adaptée de l’italien par Pierre Delanoë, ou de Parlez-moi de lui signée Hubert Giraud et Jean-Pierre Lang, a su marier le jazz et la variété. Des caves de Saint-Germain-des-Prés aux revues de Broadway, Nicole Croisille a cherché une identité élégante entre blues et romantisme.
Et si elle aimait chanter en mouvement, façon travelling, c’est que sa célébrité lui avait été donnée par le cinéma, lorsque, en 1966, elle est la voix féminine de Un homme et une femme, composé par Francis Lai, mis en mots par le parolier et acteur Pierre Barouh avec son fameux « Comme nos voix, daba daba da, daba daba da » pour le film de Claude Lelouch.
Née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, Nicole Croisille est décédée le 4 juin 2025 à Paris, à l’âge de 88 ans. Elle avait adhéré à la Sacem en tant qu’autrice le 16 octobre 1968.
Ayant grandi auprès d’une mère pianiste répétitrice pour les danseurs étoiles de l’Opéra de Paris, et d’un père accompagnateur de voyages pour American Express, elle intègre le petit corps de ballet de la Comédie-Française en 1953, à 17 ans. Au fil des années, elle apprend le théâtre avec le sociétaire Jean Hervé, la danse avec Jacques Chazot, la revue avec Joséphine Baker, le mime avec Marcel Marceau, qui l’emmène en tournée aux États-Unis. Et c’est avec les danseurs américains du spectacle musical L’Apprenti fakir de Jean Marais qu’elle apprend à danser le modern’jazz.
Passionnée de comédies musicales américaines, elle décroche différents contrats, meneuse de revue à Reno dans le Nevada (1958), participant à la tournée des Folies-Bergère à New York (1964), chanteuse au Playboy Club de Chicago (1960). Son premier 45 Tours en 1961 est une adaptation de Hallelujah, I Love Her So de Ray Charles, qu’elle croise dans un bar. À Paris, elle fait des bœufs dans les clubs de jazz, travaille avec Michel Legrand ou Claude Nougaro. Puis, la voici happée par Un homme et une femme, un succès mondial qui la lie à Claude Lelouch. Le cinéaste lui confie ensuite l’interprétation des chansons des films Vivre pour vivre (1967), Les Uns et les Autres (1981) et Itinéraire d’un enfant gâté (1988). Au cinéma encore, elle chante I’ll Never Leave You, pour Les Jeunes Loups, le film de Marcel Carné, qu’elle enregistre en 1968 d’une voix puissante sous le pseudo de Tuesday Jackson.
Les années 1970 sont celles du succès populaire. Elle a su, dira-t-elle, développer « le langage d’une femme qui parle aux femmes », une femme libre, amoureuse. En 1976, puis en 1978, elle triomphe à l’Olympia. Elle choisit ses auteurs-compositeurs parmi les meilleurs : Pierre Grosz, Francis Lai, Jean-Pierre Lang, Claude Lemesle, Laurence Matalon ou Jean Musy. Et revient au jazz avec en 1987, l’album Jazzille. André Ceccarelli est à la batterie, entouré des invités de premier ordre : Manu Dibango, Didier Lockwood et Toots Thielemans. Ovationnée en 1988 au Bataclan de Paris, elle part pour une tournée de 180 concerts « jazz » en province.
Pour autant, elle n’abandonne ni la comédie musicale, ni le théâtre. En 1992, au Théâtre du Châtelet, elle incarne le rôle-titre de Hello Dolly au sein d’une troupe américaine. Plus tard, ce sera Follies (2013), Cabaret (2014) et Irma la Douce (2015). Au théâtre, elle joue dans Folle Amanda (1996), Coup de soleil (1999), Hard (2018). On la voit au cinéma (La Cage dorée en 2013) et à la télévision. En janvier 2023, elle fait sa dernière apparition publique lors de La Nuit de la déprime, de Raphaël Mezrahi, aux Folies-Bergère.
Évoquant ses soixante ans de carrière, Nicole Croisille a publié en 2006 une autobiographie écrite avec Thierry Lecamp. Elle l’intitule alors Je n’ai pas vu passer le temps.
« Interprète rare, femme de scène inoubliable, Nicole Croisille a marqué la chanson française d’une intensité singulière et laissera une empreinte lumineuse dans notre patrimoine musical. » Patrick Sigwalt, président du Conseil d'administration de la Sacem.
« Nicole Croisille, femme majuscule, interprète magnifique, a promené, tout au long d’une carrière majeure et magique, la sœur jumelle et naturelle du talent, l’humilité. Sa sensibilité à fleur d’âme nous accompagnera longtemps. » Claude Lemesle, auteur, président d'honneur du conseil d'administration de la Sacem.
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