exposition
Cet épisode sur les poètes intitulé Aux Rimes Musiciens réunit Marceline Desbordes-Valmore, Charles Baudelaire, Jean Richepin et Max Jacob.
Ils ont traversé chacun à leur manière la vie des XIXe et XXe siècles. Ils ont marqué leur époque et ont tant inspiré les compositeurs d’hier et d’aujourd’hui que le titre Aux Rimes Musiciens nous a semblé aller de soi. Le lien est évident entre poésie et musique, entre les mots et les sons, les rythmes et les sensations.
Magie de l’instant où aux mots de Marceline, l’autodidacte, artiste protéiforme, femme libre avant l’heure; Charles, le bohème, le séducteur, le torturé cérébral; Jean, le touche à tout enflammé à la fois dramaturge, poète, romancier, librettiste, écrivain et homme politique; Max, le dadaïste et surréaliste précurseur sans le vouloir, poète, romancier et peintre, répondent des échos musicaux de créateurs de talent qui seront évoqués dans chacun des portraits de ces poètes incontournables.
Bonne promenade parmi eux et peut-être pour certains d’entre vous bonne découverte.
Charles Baudelaire voit le jour le 9 avril 1821 à Paris. Son père meurt lorsqu’il a six ans et sa mère se remarie quelque temps après avec le général Aupick. Il refusera toujours cette union et sera opposé aux valeurs de sa famille : l’autorité et la discipline.
Il entre au lycée en 1836 à Louis le Grand et se fait remarquer par son caractère rebelle. Il est renvoyé de ce lycée non sans avoir eu son baccalauréat en 1839 et choisit une vie de bohème ce qui déplaît fortement à sa famille qui le pousse à embarquer en 1841 à bord d’un paquebot à destination des Indes. Ce voyage sera une source d’inspiration pour Charles bien qu’il n’aille pas au terme de son périple. Un grand nombre d’impressions et de couleurs, le goût de l’exotisme et une envie d’ailleurs inspirent ses poèmes ; l’Albatros, Parfum exotique...
Il retourne à Paris en 1842 et rencontre Jeanne Duval qui devient sa maîtresse et à laquelle il dédie certaines de ses poésies comme La Chevelure ou Les bijoux. Il dépense l’héritage de son père pour ses plaisirs et se trouve placé par sa famille sous tutelle judiciaire. Contraint de travailler, il devient journaliste et critique d’Art et commence à écrire certains des poèmes des Fleurs du Mal. En 1847, il rencontre Edgar Allan Poe qu’il traduit pour le faire connaître en France. Il retrouve en Poe une certaine idée du goût du mal et une même conception de l’Art.
La même année, il tombe amoureux de Marie Daubrun, quelques temps après, Apollonie Sabatier touche son cœur. Croulant sous les dettes Charles Baudelaire part en Belgique pour y donner des conférences. Vite déçu, il n’y séjournera que deux ans. Sa santé se dégrade rapidement et il meurt à Paris le 31 août 1867 des suites de la syphilis, de l’abus d’alcool et autres drogues.
Qui ne connaît pas l’œuvre majeure de Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal publiée en 1857 dans laquelle le poète, qui ne vécut que 46 ans, met en lumière la dualité entre la violence et la volupté, le bien et le mal, la laideur et la beauté, l’enfer et le ciel… Pour ce recueil, Charles Baudelaire et son éditeur sont condamnés pour outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs et doivent payer une forte amende. Une édition de laquelle sont ôtés six poèmes sort en 1861. Il faudra attendre 1949 pour que soit réhabilité le recueil publié dans son intégralité.
Bohème, dandy, séducteur, torturé, Charles Baudelaire est l’image même du poète maudit et le spleen devient son maître mot. Non reconnu de son vivant, ce sont les générations suivantes qui lui rendront justice. Charles Baudelaire a su toucher tous les publics et son nom restera au firmament des poètes.
Charles Baudelaire a inspiré tant les compositeurs classiques :
Alban Berg : Le vin des Amants.
Emmanuel Chabrier : L’Invitation au voyage.
Ernest Chausson : L’Albatros.
Gustave Charpentier : Parfum Exotique.
Joseph Guy Marie Ropartz : Chant d’Automne.
Jean Cras : Correspondances.
Claude Debussy : Cinq poèmes de Charles Baudelaire.
Henri Duparc : La Vie Antérieure, l’Invitation au voyage.
Gabriel Fauré : Chant d’Automne.
Vincent D’Indy : L'Amour et le crâne.
Henri Dutilleux : Tout un monde lointain.
Henri Sauguet : le Chat.
Karl Heinz Stockhausen : Le Rebelle.
Pour ne citer qu’eux.
…Que des artistes aussi divers que :
Serge Gainsbourg : Le Serpent qui danse, œuvre reprise par Catherine Sauvage en 1962.
Mylène Farmer : L’Horloge en 1988, Au Lecteur en 2018.
Léo Ferré qui a consacré trois albums aux Fleurs du Mal, en 1957, en 1967 et en 1977, a ainsi mis en musique tous les poèmes de ce recueil.
Georges Chelon : Les Fleurs du Mal en 2004, en 2006 et 2008.
Bernard Lavilliers en 1988 Promesses d’un visage.
Jean-Louis Murat en 1996 Réversibilité.
Damien Saëz : Femmes damnées.
A.S.Dragon : Un Hémisphère dans une chevelure en 2003.
Juliette : en 2005 Franciscae Meas Laudes.
La Tordue : À une mendiante rousse en 1997.
Le groupe Anakarsis : Les Fleurs du Mal.
Marc Seberg en 1985 Recueillement.
Killers en 2007 l’Ennemi.
La Peste Noire en 2006 Spleen et Le Mort Joyeux.
Les Cinq poèmes de Claude Debussy constituent un cycle de mélodies pour chant et piano sur les poèmes suivants tirés du recueil Les Fleurs du Mal, à savoir : le Balcon, Harmonie du soir, Le jet d’eau, Recueillement et La mort des amants.
Cette composition créée 30 ans après la publication initiale, qui fit scandale, du recueil de Charles Baudelaire est, à son tour, mal accueillie par les milieux musicaux parisiens en raison de l’influence wagnérienne qu’on y décèle. Les innovations harmoniques de Tristan et Iseut reprises dans l’esthétique de ce cycle seront progressivement abandonnées par Claude Debussy. Il est à noter que cette œuvre représente un moment particulier de l’évolution musicale de Claude Debussy.
Marceline Desbordes-Valmore naît le 20 juin 1789 à Douai de Catherine Lucas et de Félix Desbordes-Valmore, peintre en armoirie, ruiné par la révolution et devenu cabaretier pour survivre.
Fin 1801, Marceline, dont l’instruction est limitée, et sa mère partent chercher de l’aide chez un cousin aisé à la Guadeloupe. Le voyage est un calvaire, la traversée plus longue que prévue les rend malades. En 1803, la mère de Marceline décède de la fièvre jaune. L’aide du cousin s’avérant moins bonne qu’espérée et l’île connaissant des troubles inquiétants, Marceline rejoint son père à Douai.
Elle devient comédienne à 16 ans, elle joue à Douai, Lille, Rouen et à Paris. Chanteuse et cantatrice, elle apparaît au théâtre de l’Odéon et à l’opéra-comique à Paris mais aussi au théâtre de la Monnaie à Bruxelles dans le rôle de Rosine dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Pendant cette période, elle crée plusieurs pièces de Pigault-Lebrun et côtoie Talma, Marie Dorval et Mademoiselle Mars, amie fidèle jusqu’à la fin.
Entre 1808 et 1812, Marceline Desbordes-Valmore arrête le théâtre, elle a rencontré Eugène Debonne, issu d’une bonne famille rouennaise, ils ont un fils Marie-Eugène qui décédera en 1816 mais hélas la famille Debonne refuse cette union et Marceline quitte Eugène et reprend sa vie de comédienne. En 1817, Marceline Desbordes-Valmore épouse un acteur Prosper Lanchantin dit Valmore dont elle aura quatre enfants.
En 1819, elle publie avec succès son premier recueil de poèmes Élégies et Romances dont s’emparent différents journaux (Journal des dames et des modes, l’Observateur des modes et la Muse française).
En 1820, les poésies de Marceline Desbordes-Valmore paraissent. Elle s’installe à Lyon avec son époux. Après 1823, elle se consacre à l’écriture. On retiendra d’elle Élégies et poésies nouvelles, Les Pleurs, Pauvres fleurs et Bouquets et Prières, ses œuvres très remarquées lui valent une pension royale sous Louis-Philippe et plusieurs distinctions académiques.
Elle écrit aussi des nouvelles et des contes pour enfants en prose et en vers, elle publie un roman autobiographique L’Atelier d’un peintre où avant l’heure, elle affiche la difficulté pour une femme d’être pleinement reconnue comme artiste. Étonnamment, elle écrit en picard et un volume intitulé Poésies en patois sort en 1896.
Marceline Desbordes-Valmore meurt à Paris le 23 juillet 1859, elle est inhumée au cimetière de Montmartre. L’Académie française lui décerne le 25 août 1859, à titre posthume, le prix Lambert. Différents hommages lui ont été rendus, que ce soit par l’attribution de son nom à des rues, bibliothèque, quai... que par l’association de son nom à plusieurs prix, en particulier un des grands prix de poésie attribués annuellement par la Société des Poètes Français : le Prix Desbordes-Valmore. Marceline Desbordes-Valmore fut une battante qui dépassa les nombreux drames de sa vie dont la mort de ses enfants, de son frère et de nombreuses amies. Autodidacte romantique, elle fut admirée comme poétesse par Honoré de Balzac, Paul Verlaine, Baudelaire, Sainte-Beuve et Aragon. On retiendra dans sa création, l’emploi de rythmes inusités, la spontanéité des vers et leur sonorité douce et harmonieuse.
Pionnière du romantisme, elle fut l’inspiratrice de muses comme Anna de Noailles, Renée Vivien, Cécile Sauvage et Marie-Noël. Pas moins de 130 compositeurs et compositrices ont mis en musique les vers de Marceline Desbordes-Valmore. De son vivant Joseph-Henri Mees publie Le Billet, Camille Saint-Saëns compose à cinq ans la musique du poème Le Soir, Georges Bizet écrit sur Berceuse sur un vieil air. Plus tard, César Franck avec Les Cloches du Soir et Éric Tanguy avec Souvenir succomberont aussi à la musicalité de ses vers.
Dans la chanson d’aujourd’hui, citons Julien Clerc, Les Séparés en 1997, chanson reprise par Benjamin Biolay en 2007. Pascal Obispo a sorti en 2016 un album intitulé Billet de femme dont les textes sont de Marceline. Ézéchiel Pailhès en 2020 a mis en musique la poésie de Marceline Desbordes-Valmore.
Au-delà de la France, les poèmes de Marceline Desbordes-Valmore ont été mis à l’honneur par le compositeur canadien Auguste Descarries en 2010 et le compositeur belge Jules Beaucarne en 1978. Nul doute que les mots de cette poétesse émeuvent encore les générations futures et que cette reconnaissance consacre le parcours d’une femme dont les valeurs et les actes sonnent de façon très moderne à nos oreilles.
Cette partition de la chanson que Julien Clerc a composé en 1996 sur le texte du poème de Marceline Desbordes-Valmore Les Séparés. Ce poème est extrait du recueil Poésies inédites paru en 1830, il évoque les sentiments d’une femme qui a perdu son idéal, un amour, sans doute est-il imprégné du souvenir de la passion contrariée qu’elle vécût à dix-neuf ans.
Selon certaines sources, Julien Clerc a découvert ce poème grâce à son agent artistique Bertrand de Labbey. Il a été touché par les mots et s’en est emparé pour composer la mélodie qu’il interprétera et enregistrera en 1997 pour ses cinquante ans dans un album intitulé Julien. Ce choix reflète la personnalité de cet artiste qu’on imagine volontiers, par certains côtés, sensible au romantisme. On peut regretter que cette chanson n’ait pas connu le succès qu’elle mérite.
Max Jacob voit le jour à Quimper le 12 juillet 1876 dans une famille juive. Il passe en Bretagne une enfance confortable, imprégnée de légendes et de ferveur catholique.
À 14 ans, il est envoyé à Paris pour soigner des troubles nerveux, il est sensibilisé par son entourage aux beaux-arts et à la musique. A son retour, il entame une scolarité brillante qui le mènera à l’Ecole Coloniale et parallèlement il suivra le cursus de la faculté de droit de la Sorbonne. Malheureusement il échoue à tous ses examens et retourne à Quimper où il s’adonne au piano et au dessin paysager.
A sa majorité, à 21 ans, il repart à Paris, y continue ses études de droit et reçoit en 1899 son diplôme de licence de droit option droit maritime. Dès 1898, il commence à exercer comme critique d’art et parcourt les expositions, il devient rédacteur en chef de la Revue d’Art publiée par Ernest Flammarion. Mais lassé de ce métier, il démissionne et prend le poste de secrétaire de rédaction au Sourire.
À Montmartre, Max Jacob fait la connaissance de Pablo Picasso dont il admire les œuvres et il se lie aux autres peintres ; Braque, Matisse, Modigliani mais aussi aux critiques d’avant-garde, il est dans la misère et survit grâce à de petits métiers. Il s’initie à la poésie et à la gouache, écrit pour les enfants Histoire du roi Kaboul Ier, Le Géant du Soleil et croise Guillaume Apollinaire.
En 1907, Max Jacob s’installe au Bateau-Lavoir près de Picasso et de Juan Gris. Les gouaches de Max Jacob ne se vendent guère mais la galerie Kahnweiler l’expose et il y rencontrera Fernand Léger.
En 1909, il étudie les textes mystiques, a une révélation (il aura d’autres visions toute sa vie) et se plonge dans l’œuvre de sa vie Le Commentaire des Évangiles qui ne sera publié qu’en 1947.
En 1913, la revue La Phalange publie cinq de ses poèmes et il réalise à Céret en compagnie de Juan Gris des dessins de village. Il fréquente l’avant-garde Montparnassienne en peinture, littérature et critique.
En 1915, il se fait baptiser, il découvre la jeune génération de « l’intelligentsia » : Soupault, Paulhan, Tzara, Breton, Aragon, Cassou... Il rencontre André Gide et Paul Valéry, il rédige des textes présentant les expositions de ses amis peintres.
En 1917, il édite Le Cornet à Dés, 300 poèmes méditatifs en prose, son chef-d’œuvre littéraire.
En 1921, il s’exile à Saint-Benoît sur Loire où il est hébergé au presbytère, il y achève un long poème Le Laboratoire Central. Quand il n’écrit pas, Max Jacob voyage : Bretagne, Italie… En 1925, Max Jacob rencontre Pierre Michel Frenkel dont il tombe amoureux, prélude à de nombreuses relations homosexuelles.
Max Jacob devient la figure des années 30. Il devient membre de la Sacem le 22 août 1933. De 1936 à 1939, il s’installe définitivement à Saint-Benoît sur Loire où il adopte une vie quasi monastique et reçoit la visite de ses amis Eluard, Cocteau, de Vlaminck, Léger, Picasso…
En 1942, Max Jacob, surveillé par les gendarmes, les gestapistes et les miliciens, refuse les évasions proposées par ses amis. Le 24 février 1944, il est arrêté par la Gestapo d’Orléans. Malade, il est transféré à Drancy. Ses amis se mobilisent, font une pétition, interviennent au plus haut niveau mais en vain. Max Jacob meurt à Drancy le 5 mars 1944 d’un arrêt cardiaque.
Il devient dès 1944 une figure de la résistance et est reconnu en 1960 comme « Poète mort pour la France ». En 1949, ses amis fondent l’association Les amis de Max Jacob et en 1950 un prix de poésie est fondé par Florence Gould « le Prix Max Jacob », il est depuis cette date, décerné chaque année.
Il a bouleversé la poésie française dès 1917 par son vers libre et burlesque. Ami d’Alphonse Allais, Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin, André Salmon et Amadeo Modigliani pour ne citer qu’eux, il fascina plusieurs générations d’artistes. Personnalité incontournable du début du XXe siècle au destin tragique, Max Jacob a vécu tourmenté par ses démons et sa quête spirituelle mais il a su tisser un entourage amical et artistique époustouflant et nous laisser un héritage riche en découvertes.
Si de son vivant des compositeurs collaborèrent avec lui, tels que :
Francis Poulenc : Le Bal Masqué et Cinq Poèmes.
André Jolivet : Madrigal.
Henri Sauguet : Visions infernales, Un amour de Titien.
Georges Auric : Lord Bolingbroke.
Guy Ropartz : Messe en l’honneur de Sainte-Anne.
Nicolas Nabokov : Collectionneur d’échos.
D’autres créateurs poursuivirent plus récemment la mise en musique des mots de Max Jacob, citons : Robert Caby, René Leibowitz, Claude Arrieu, Virgil Thomson, Guy Sacre. Un album est sorti en 2005, compilation de 23 poèmes de Max Jacob mis en musique par B. Ascal, J. Douai, JL. Debatisse, S. Renard, R. Bludnick et P. Bertin.
Plus récemment en 2012 dans un album intitulé Emoi des mots, le compositeur Mélaine Favennec a mis en musique 15 poèmes extraits pour la plupart du Cornet à Dés, c’est un retour aux origines car ils évoquent la Bretagne si chère au cœur de Max Jacob.
C’est en novembre 1917 que Max Jacob a édité à compte d’auteur ce recueil de 300 poèmes méditatifs en prose écrits entre 1904 et 1914 dont le manuscrit est à la Bibliothèque nationale. Le recueil définitif de 1923, a été réédité dans la collection Blanche par les Éditions Gallimard en 1945 intitulé Le Cornet à Dés, chef-d’œuvre de l’œuvre littéraire de Max Jacob que lui-même a qualifié d’œuvre cubiste (clin d’œil à son goût pour la peinture). Le poète, selon certains auteurs, transmute, par le biais de savantes jongleries verbales, le quotidien en tableaux insolites accordant au rêve sa primauté.
Jean Richepin voit le jour le 4 février 1849 à Médéa en Algérie où son père est chirurgien militaire.
En 1852, il va vivre dans l’Aisne, il fait de brillantes études secondaires. En 1866, il découvre Paris et le quartier latin où ce turbulent personnage se fait remarquer. Il se fait des amis dont Paul Bourget et Raoul Ponchon, l’inséparable.
Après le lycée Charlemagne, il intègre en 1868 l’École Normale Supérieure et obtient une licence de lettres en 1870. Il s’engage la même année dans un corps de francs-tireurs et pendant quatre ans, il erre mais il est libre et gagne sa vie comme journaliste, professeur, matelot, docker à Naples, Gênes et à Bordeaux.
Au cœur de la bohème parisienne entre 1871 et 1872, il rencontre Arthur Rimbaud dont il deviendra ensuite l’ami. En 1875, il fonde avec Raoul Ponchon et Maurice Bouchor un cénacle poétique « Le Groupe des Vivants ». Inspiré par Baudelaire et Vallès, il rejette les conventions sociales et culturelles et s’invente une hérédité bohémienne. Il est violent, exalté et romantique. En 1876, La Chanson des Gueux fait l’objet à son encontre d’un procès pour outrage aux bonnes mœurs, Jean Richepin est condamné à une amende, à la privation de ses droits civiques et politiques et il écope d’un mois de prison mais il se fait remarquer du public. Il envoie sa demande d'adhésion à la Sacem le 10 février 1882.
Dans un premier temps son langage visant à scandaliser la bourgeoisie le fait considérer comme manquant de sincérité poétique. En 1884, le recueil Blasphèmes lui vaut le surnom de Lucrèce de foire. Il est nommé sociétaire définitif de la Sacem le 10 décembre 1885.
Parallèlement, il est acteur, dramaturge sans grand résultat mais à force de persévérance, il rencontre en 1897 un succès théâtral avec Le Cheminot, il publie plusieurs romans populaires tels Miarka, La Glu...
Il voyage en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Afrique du Nord et en Scandinavie…
Il a épousé en 1879 Eugénie Adèle Constant dont il aura trois enfants dont François-Denis Richepin dit Tiarko Richepin, compositeur d’opérettes. Il épouse ensuite, en secondes noces, en 1902 Marianne Emmanuelle Justine Stempowska.
Le 5 mars 1908, il est élu à l’Académie Française en remplacement d’André Theuriet, il est installé par Maurice Barrès le 18 février 1909 au fauteuil numéro deux. Il sera membre de cette vénérable institution jusqu’à sa mort en 1926. Cette reconnaissance clôt une carrière de révolté.
Jean Richepin écrira toute sa vie et collaborera à La Bonne Chanson, revue du Foyer littéraire et musical dirigée par Théodore Botrel. Il fera paraître deux recueils de vers en 1922 et 1923 : Les Glas et Interludes.
Jean Richepin meurt le 12 décembre 1926 à Paris. Par sa culture de normalien lettré, il fut un remarquable chercheur de mots et d’images nouveaux dépassant la truculence verbale de ses débuts. Des rues, places, avenues, boulevards, écoles, collèges portent son nom.
Sa poésie est restée dans les mémoires et les nombreux compositeurs classiques et de chansons qui ont repris ses poèmes et ses textes en sont le témoignage, parmi eux :
Emmanuel Chabrier : La Sulamite.
Charles Gounod : La chanson de la Glu chantée par Yvette Guilbert.
Gabriel Fauré : Larmes, Au cimetière.
Louis Vierne : Le Poème de l’Amour opus 48.
Georges Brassens : Les Philistins, Les Oiseaux de passage.
Jean Guy Balkan a sorti en 1976 un album de dix titres de la Chanson des Gueux.
En 1991, Jean-Michel Piton a mis en musique vingt-quatre titres de ce même recueil.
Ce courrier est adressé le 10 février 1882 par celui-ci et ses parrains à la Sacem dans le cadre de sa demande d’adhésion, il fallait à l’époque être parrainé par deux membres pour postuler. Le destinataire est le Président du syndicat de la Sacem laquelle en 1882 n’était pas encore une société civile. Ce Président qui est peu connu de nos jours n’est autre que François-Anatole Laurent dit Laurent de Rillé, né en 1824 et mort en 1915. Laurent de Rillé a été formé au CNSM de Paris et a suivi un cursus de Droit. Compositeur, musicologue, orphéoniste et professeur à La Sorbonne où il enseigne l’Histoire de la Musique, il est chargé par le gouvernement français d’importantes missions artistiques et il est membre de nombreux comités relatifs à l’instruction publique. Il sera nommé officier de la Légion d’Honneur en 1878 et recevra les rubans de divers ordres étrangers. Cet orateur habile a composé avec succès plusieurs chœurs pour enfants, des messes, des pièces orchestrales et des œuvres théâtrales. Les sociétés Chorales de France lui doivent beaucoup et s’en souviennent encore aujourd’hui. Évènement peu courant, une rose lui est dédiée en 1885 sous le nom de Laurent de Rillé, un clin d’œil fortuit à Jean Richepin…