exposition
Quand pour certains la poésie peut sembler être un art complexe ou élitiste, il existe des poètes qui sont venus nous chatouiller le cœur et l’âme à l’âge où ils étaient les plus tendres…
« En sortant à l’école nous allons rencontrer un long chemin de textes qui va nous emmener tout autour de la terre […] ». Tiens, tiens… Ça vous rappelle quelque chose non ?
Au milieu des odeurs de cartables et de tableau noir, des petits mots passés en cachette, des sarbacanes en stylos billes, des ballons prisonniers, des dessins sur les pupitres, de l’insouciance en somme…. Allons donc à la rencontre de Paul Fort, Jacques Prévert, Robert Desnos et Raymond Queneau et sur le « Chemin des écoliers ».
Par Sauvane Delanoë.
Presque jumeau de Prévert, Robert Desnos est né le 4 juillet 1900. Comme son contemporain, il s’ennuie à l’école, mais il a un père qui souhaiterait le voir embrasser les études et une carrière commerciale. Peine perdue, le jeune cancre, titulaire cependant d’un certificat d’études et d’un brevet élémentaire quitte l’école et se rêve poète.
Depuis son plus jeune âge, il rêve en dessins sur ses cahiers, et nourrit ses rêveries du spectacle des rues de Paris, des illustrations de l’Epatant ou de l’Intrépide, hebdomadaires de bandes dessinées. Malgré son désamour de l’institution scolaire, il est fasciné de littérature et dévore tour à tour Hugo, Jules Verne, Baudelaire ou Eugène Sue. Il se forge une solide culture autodidacte, où ses influences se nomment Apollinaire, Rimbaud, Germain Nouveau et Laurent Tailhade.
Mais c'est surtout la vie qu’il mord à belles dents : les nuits, les rêves et les putains qu’il voyait enfant rue de lombards qui ont construit son imaginaire débridé. Au lendemain de la première guerre mondiale, il devient le secrétaire de Jean De Bonnefon et commence à fréquenter les dadaïstes sans vraiment pouvoir intégrer pleinement ce groupe.
À son retour du service militaire, c’est au sein des surréalistes que tout l’art de Desnos se révèle enfin. André Breton dira de lui « le surréalisme est à l’ordre du jour, et Desnos est son prophète ». Desnos est médium, expérimente l’écriture automatique, goûte à l’opium, son verbe est intarissable. Mais il n’existe pas de philosophie propre à la poésie, et même s’il sait que ses voyages expérimentaux ne mènent nulle part, il emprunte mille routes vers ce verbe qu’il veut nouveau, ce « langage cuit », et compose des poèmes. Son verbe est le véritable apport de Desnos au surréalisme. Le renversement de lettres, les anagrammes : « Ô mon crâne étoile de nacre qui s’étiole ». C’est ainsi que Desnos fait naître les images, d’une manière qu’aucun autre n’avait jamais expérimenté.
Nous sommes en 1922, et s’enchaînent alors l’Aumonyme, les exercices de Rose Sélavy, Les pénalités de l’Enfer, et Deuil pour deuil. La poésie ne nourrit pas son homme et il devient tantôt comptable, tantôt courtier de publicité, puis journaliste pour Paris Soir, le Soir et Paris Matinal.
Dans ses amours contrariés pour la chanteuse Yvonne, George Desnos puise son inspiration. Elle est la muse de tous ses poèmes d’amour… et seule Youki Foujita avec qui il vit à partir de 1930 peut prétendre à l’inspirer autant. Elle est le tangible, là ou Yvonne George était l’impalpable. C’est La liberté ou l’amour, prose du scandale, sabrée par la censure, mais cependant pas assez audacieuse au goût des surréalistes avec qui la rupture est consommée en 1930, lorsqu’Aragon écrit de lui que « son langage est au moins aussi scolaire que sa sentimentalité ».
Il adhère à la Sacem en tant qu'auteur le 28 décembre 1932. Il se lance dans une carrière radiophonique. Il y retrouve Fantomas, une des figures de son enfance en écrivant La complainte de Fantomas, sur une musique de Kurt Weill. Desnos s’épanouit à merveille dans ce nouvel environnement qui lui offre de nouveaux moyens de communiquer, et de faire rêver ses auditeurs. Dans son émission La clef des songes, il lit le récit des rêves des auditeurs. C’est vers 1938 qu’il se met à écrire des chansons de variétés, notamment pour le Père Varenne, Margo Lion, Marianne Oswald et Fréhel, mais aussi des cantates et des chansons de films…
Avec la montée des périls, Desnos adhère aux mouvements intellectuels antifascistes. Plus la guerre approche, plus son engagement politique se fait grand. Il redevient journaliste pour Aujourd’hui, le journal d’Henri Jeanson, et malgré l’arrestation de ce dernier et la censure, parvient à y glisser, sous pseudonymes, des dessins et des articles épris de liberté. Il entre dans la Résistance, et tout en luttant contre l’envahisseur, retourne à la poésie. À présent poèmes, chansons, musiques peuvent se marier, comme pour les Chantefables à chanter sur n’importe quel air. Après la publication du Veilleur du Pont-au-change, Robert Desnos, qui clamait « ce n’est pas la poésie qui doit être libre, c’est le poète », est arrêté le 22 février 1944.
Il termine sa vie au camp de concentration de Terezin, où, après la libération du camp par l’Armée Rouge, et malgré l’intervention d’un jeune étudiant tchèque féru de surréalisme, il sombre dans le coma et succombe le 8 juin 1945.
C’est en 1943 que Desnos se décide à écrire pour la jeunesse sur le conseil de son ami René Poirier, éditeur chez Gründ.
Il écrira trente Chantefleurs et trente Chantefables. Sous des airs innocents, Desnos utilise les jeux de mots, les double-sens, et l’argot pour glisser dans son œuvre des messages cryptés.
L’Escargot c’est en fait le SS cargot : « Combien de gens, et sans coquille/ N’aiment pas que le soleil brille. Il est caché ? Il reviendra ! L’escargot ? On le mangera.»
Et sous cet éclairage, les « papillons de Châtillon » sont sans doute les milliers de messages que s’envoyaient en secret les résistants…
Quant « à la fourmi de 18 mètres, parlant français et javanais », immortalisée par Juliette Greco, sur une musique de Joseph Kosma, elle fait très certainement référence aux convois de déportés, où se mêlaient toutes les nationalités. Et si « ça n’existe pas, ça n’existe pas », c’est parce que l’opinion publique se plaît à fermer les yeux sur l’horreur de la guerre…
Desnos disait : « Les poèmes pour enfants auront survécu un peu plus longtemps que le reste. J'appartiendrai au chapitre de la curiosité limitée ». Peut-être serait-il temps de dépasser les limites de la curiosité, pour découvrir et redécouvrir Robert Desnos, ajoutant à nos souvenirs d’écoliers le désir d’aller le lire et l’écouter entre les lignes. Mais toujours en gardant son âme d’enfant, car comme il l’écrivait dans " Papier Buvard " pour Marianne Oswald (mais c’est finalement Juliette qui mettra ses mots en musique 60 ans plus tard) :
« J’ai mal aux dents, j’ai mal au cœur
Et j’ai la fièvre.
Cette vie est triste à mourir
Ah ! cela m’ennuie de vieillir. »
C’est le dos de la photo d’identité de Robert Desnos qui est fascinant. Elle a été prise par un photographe madrilène. Très probablement lors de son premier séjour en Espagne avec sa compagne Youki en septembre 1932, juste avant son adhésion à la Sacem et au moment où son engagement antifasciste a commencé à prendre corps, pour ne plus jamais l’abandonner. Son identité même et sa lutte à venir se retrouvent donc dans cette image, pleine de sens. Prélude à deux de ses œuvres capitales, No pasaràn et Savez-vous la nouvelle ? Garcià Lorca va mourir.
Né en 1872, Paul Fort arrive à Paris en 1878 où il suivra des études au Lycée Louis Legrand et commencera à fréquenter Pierre Louÿs et André Gide. Ses premières expériences littéraires sont théâtrales lorsqu’il crée à 17 ans le Théâtre d’Art, avec Lugné-Poe, théâtre qu’il veut représentatif du mouvement des poètes symbolistes.
Suite au manifeste qu’il publie en faveur de ce nouveau théâtre, il est expulsé du lycée. Mais le Théâtre d’Art, qui deviendra par la suite le Théâtre de l’œuvre, contribue à la notoriété de dramaturges nordiques tels qu’Henrik Ibsen ou August Strindberg.
Dès 1896, il donne ses poèmes au Mercure de France… Il s’agit du début des Ballades Françaises, qu’il écrira en 17 volumes, s’étalant de 1922 à 1958.
En 1905, il lance la revue Vers et Prose qu’il dirige avec Paul Valéry et qui éditera entre autres Pierre Louÿs, Max Jacob ou Guillaume Apollinaire.
En 1912, à la suite d’un référendum organisé par cinq journaux, 350 auteurs élisent Paul Fort « Prince des poètes », succédant ainsi à Verlaine, Mallarmé, et Léon Dierx. Il devient sociétaire définitif le 9 novembre 1922. En 1936, il renonce à être candidat à l’Académie Française, puis en 1943, échoue devant André Billy aux portes de l’Académie Goncourt…
Le Comité National des Ecrivains interdit son travail à la fin de la guerre, mais l’interdiction est levée dès le 21 octobre 1944.
Des compositeurs classiques ont mis Paul Fort en musique, de Dutilleux à Honneger, en passant par l’organiste Gabriel Pierné ou Francis Casadesus mais s’il est aujourd’hui sur notre « chemin des écoliers », outre qu’il ait été un membre éminent du jury du Prix Jeunesse, c’est sans doute que son style, mêlant symbolisme, simplicité et lyrisme le rend accessible aux têtes blondes. Tout chante en Paul Fort, avant même la musique. Et c’est sans doute cela qui séduit. Grand amateur de Trenet dont il disait « c’est un poète », c’est en toute logique que la musique est venue épouser ses vers…
Georges Brassens découvre Paul Fort, un poète « tout à fait à son goût » à l’âge de 15-16 ans et dit même s’inspirer de son style pour écrire ses premiers vers. Pour lui, Paul Fort écrit pour la musique. Il chante plus qu’il n’est écrivain, et Brassens va même jusqu’à dire dans une interview, en présence de Madame Paul Fort (Germaine Tourangelle), que lorsqu’on lit Paul Fort « la musique manque à peine quand on a un peu d’imagination ».
Bien que ce ne soit pas dans ses habitudes, Brassens met Paul Fort en musique sans lui en demander l’autorisation. Paul Fort découvrit ainsi « par hasard » ses chansons, qu’il appréciait grandement, « voilà notre petit cheval qui prend son galop », disait-il… Brassens se trouva donc rassuré que Paul Fort ne le grondât pas de son initiative audacieuse.
Il aime les vers de Paul Fort, qu’il trouve « folkloriques », bien qu’il n’aime pas trop le mot, et lui préfère le qualificatif de « ronde enfantine » où l’on joue avec les mots. Des mots d’enfants souvent par exemple, les « nénés », les « noeunoeuils », les « bécots » de « La Marine », …
Flatté que Paul Fort l’apprécie, il continue de le mettre en musique de son vivant, désireux d’avoir son avis. Il habille les vers de mélodies qu’il voudrait qu’on ne « remarque pas trop ». Il veut surtout que ses musiques n’enlèvent rien au texte… sans avoir la prétention d’y ajouter quelque chose. Il scande le texte sur une petite mélodie qui doit surtout rendre le poème plus accessible aux oreilles distraites.
Si le Bon Dieu l’avait voulu fut écrite après la mort du poète, mais le plus bel hommage sans doute que Brassens rendit à Paul Fort fut de se faire simple poète, et non plus chanteur, pour écrire en écho à L’enterrement de Verlaine qu’il chanta, et à la demande de la veuve L’enterrement de Paul Fort dont voici quelques vers : « Tous derrière en gardes du corps Et lui devant, on a suivi. Le petit cheval n'est pas mort Comme un chien je le certifie. Tous les oiseaux étaient dehors Et toutes les plantes aussi. Moi, l'enterrement de Paul Fort, Fut le plus beau jour de ma vie ».
Si le Bon Dieu l’avait voulu fut écrite après la mort du poète, mais le plus bel hommage sans doute que Brassens rendit à Paul Fort fut de se faire simple poète, et non plus chanteur, pour écrire en écho à L’enterrement de Verlaine qu’il chanta, et à la demande de la veuve L’enterrement de Paul Fort dont voici quelques vers : « Tous derrière en gardes du corps Et lui devant, on a suivi. Le petit cheval n'est pas mort Comme un chien je le certifie. Tous les oiseaux étaient dehors Et toutes les plantes aussi. Moi, l'enterrement de Paul Fort, Fut le plus beau jour de ma vie ».
Enfant du XXe siècle, Jacques Prévert naît le 4 février 1900 à Neuilly sur Seine, et décède en 1977 à Omonville-la Petite… Zeugma maladroit, qui l’aurait peut-être fait sourire.
Tel le « Cancre » qui disait non avec la tête mais oui avec le Cœur, le petit Jacques s’ennuie à l’école, et c’est même avec la complicité de son père André qu’il fait souvent l’école buissonnière et découvre le théâtre et le cinéma, tandis que sa mère, ancienne vendeuse aux Halles l’initie à la lecture.
Curieux de tout et déjà cultivé, mais absolument pas scolaire, il abandonne les études à 15 ans après le certificat d’études. Ses fréquentations de l’époque l’amènent à se poser des questions sur le miracle de la « virginité de son casier judiciaire ».
De retour à Paris après son service militaire, en 1922, il fréquente la maison des amis des Livres, et rencontre André Breton et Louis Aragon. Il sera hébergé pendant 4 ans de 1924 à 1928 par Marcel Duhamel, à l’Hôtel Grosvenor. L’écriture est encore un jeu pour lui, et il invente avec ses amis Raymond Queneau et Yves Tanguy entre autres les fameux cadavres-exquis.
Il se lance sérieusement dans l’écriture dès 1928, et ses premiers poèmes sont publiés dans diverses revues dès 1929.
Trop indépendant pour s’inféoder à un groupe, la rupture avec André Breton et les surréalistes est consommée en 1930. Jacques Prévert rejoint cependant le groupe des Lacoudem, puis travaille avec le Groupe Octobre (troupe de théâtre d’agitation propagande) sur des textes contestataires. La troupe compte notamment Pierre Prévert - le frère de Jacques - Raymond Bussières, Marcel Mouloudji, Maurice Baquet, Margot Capellier, Agnès Capri, mais aussi Paul Grimault et Yves Allégret, futurs cinéastes avec qui Prévert collaborera.
Pendant 4 ans, sur des textes écrits à chaud, traitant de l’actualité nationale ou internationale, la troupe part en représentation dans les usines en grève, souvent après à peine une nuit de répétitions. L’engagement politique de Prévert marquera toute sa carrière, lui, qui anarchiste de cœur se dit plus rêveur et artisan que poète…
Il adhère à la Sacem en tant qu'auteur le 18 mars 1935. Il devient sociétaire définitif le 9 mai 1944.
Son engagement politique et son sens profond de l’amitié le conduit à protéger le décorateur Alexandre Trauner ainsi que son ami Joseph Kosma qui peut ainsi poursuivre son travail de musicien. Ce dernier avait déjà mis en musique les poèmes de Jacques Prévert dès 1935. Notamment À la Belle Etoile.
Une des collaborations les plus fructueuses de Jacques Prévert fut sans doute celle qui le lia à Jacques Canetti. Si leur première rencontre en 1938 sur le Normandie, ne les mena à rien, car la guerre arriva, ils se retrouvèrent exactement 10 ans plus tard, alors que les Frères Jacques triomphaient avec les Exercices de style de Raymond Queneau. Canetti devenu producteur chez Polydor propose d’enregistrer un disque consacré aux chansons de Prévert, qu’il fait enregistrer par Juliette Greco, Yves Montand, Catherine Sauvage, ou Serge Reggiani. Ils se retrouveront encore en 1975 grâce à Sebastian Maroto qui composera avec Jacques Prévert ses dernières 13 chansons.
Ce qui rend Prévert unique, magique, inclassable, et qui sans doute est venu si aisément susurrer à nos oreilles d’enfants, c’est sa façon de jouer avec les mots. Plutôt que de les figer dans une langue qui semblerait trop écrite et lourde, il s’amuse des mots et des sons, en fait ses compagnons de jeu. Le son devient sens et le sens se fait son.
Il affectionne les néologismes (le verbe « tricolorer » par exemple, à l’image du drapeau français), les allitérations, les zeugmas, et les jeux de cortège.
L’inventaire à la Prévert a sans doute inspiré de nombreux auteurs de chansons…. Et même si très peu de ratons-laveurs se cachent dans les hit-parades, il y a fort à parier que La Complainte du Progrès de Boris Vian (qui fut d’ailleurs le voisin de palier de Jacques Prévert), la poétique Le temps de finir la bouteille d’Alain Leprest, Pourvu de Gauvain Sers, Reprendre c’est voler et Quelque part, quelqu’un de Jean-Jacques Goldman (entre autres, lui qui a fait de la chanson inventaire une de ses marques de fabrique), ou encore Où est-ce qu’on les enterre de Marie-Paule Belle ont toute une filiation plus ou moins directe avec l’Inventaire de Prévert. Est-ce un parti pris assumé, c’est sans doute le cas chez Boris Vian contemporain de Prévert, ou une route que les auteurs empruntent parce que justement ils cheminent dessus depuis l’enfance ?
Renan Luce et Gauvain Sers, entre autres, font aujourd’hui partie d’une génération qui a dû garder dans le cœur la légèreté toute relative des poèmes de Prévert, une légèreté qui pourtant sert de fondation à une pensée engagée, subversive, et libre, à une façon de voir les choses et les mots sous un angle différent.
Dans la génération de leurs pères, de Souchon à Gainsbourg, nombreux sont ceux qui ont joué avec la langue, d’enjambements en calembours, et de néologismes en allitérations. Un peu comme si Prévert avait ouvert la voie, ou la voix…
Sa façon à lui de prouver que « la poésie c’est le plus joli surnom que l’on donne à la vie ». Il reste au fond du cœur de chaque enfant qui a lu et écouté Jacques Prévert une porte ouverte sur la magie, sur la liberté, sur le beau. « Les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève » disait-il… Et tant que les enfants auront Prévert, le monde aura des chansons.
Admis à sa demande en tant que stagiaire en qualité d’Auteur à la Sacem le 6 février 1935, il met à peine plus d’un mois à remplir les conditions nécessaires pour adhérer aux statuts et devenir sociétaire à part entière, le 18 mars 1935.
Raymond Queneau né en 1903 est donc le cadet de nos « écoliers ». Délaissé par ses parents pendant les deux premières années de sa vie chez une nourrice, il en restera marqué, et enfant solitaire, se réfugiera dans les livres.
Venu faire ses études de Philosophie à la Sorbonne, il fréquente les surréalistes et adhère au groupe en 1924 pour le quitter en 1930… Comme Prévert ou Desnos, c’est après sa rupture avec les surréalistes que l’art de Queneau s’émancipe. Son encyclopédie des sciences inexactes, refusée en 1934 par plusieurs éditeurs lui sert de recherches pour son roman Les Enfants du limon, publié finalement en 1938 dans lequel il écrit sur les fous littéraires.
Il publie 6 romans entre 1933 et 1939 et rejoint les éditions Gallimard en tant que lecteur et traducteur, puis membre du Comité de Lecture. Son véritable premier succès date de 1972 et s’intitule Pierrot mon Ami.
En compagnie de son ami Michel Leiris, écrivain et poète, il assiste à une représentation de l’Art de la Fugue de Jean-Sébastien Bach. Sommet du style contrapuntique, superposition organisée de lignes mélodiques distinctes sur un thème principal, l’œuvre inspire à Queneau l’envie de développer une multitude de styles d’écriture. En 1947, « C’est effectivement et très consciemment en me souvenant de Bach que j’ai écrit Exercices de style » dit-il. L’œuvre est notamment reprise par les frères Jacques, sous la direction artistique de Jacques Canetti chez Polydor. Et plus récemment, en 2009, dans une version chantée a capella par la troupe des Grandes Gueules au Théâtre du Ranelagh.
A Saint-Germain-des-Prés, sous l’impulsion de Jean-Paul Sartre, Joseph Kosma met en musique C’est bien connu, qui devient Si tu t’imagines.
Même s’il n’est pas à proprement parler un « parolier » comme pu l’être Prévert, de nombreux poèmes de Raymond Queneau furent mis en chansons, et interprétés par Juliette Greco, Zizi Jeanmaire, Maria Schell, Jacques Fabbri, Suzzy Delair ou encore Mouloudji.
Fondateur de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), Satrape du Collège de Pataphysique (comme Jacques Prévert), c’est aussi sa manière de jouer avec les mots et les sons qui le conduit sur notre chemin des écoliers, car c’est sans surprises que cette apparente simplicité du verbe séduit l’enfant curieux.
Nombreux sont les enfants à avoir dû composer leurs propres « exercices de styles » à la manière de Queneau. Pour certains le souvenir d’une création débridée, pour d’autres un casse-tête, mais ce jeu d’écriture reste pour tous les écoliers un souvenir impérissable, comme le fut leur rencontre littéraire avec Zazie dans le métro.
Zazie, qui d’ailleurs a toujours pris un malin plaisir à jouer sur les mots… Peut-être au-delà du prénom, une filiation suggérée avec le poète….
En 1949, il adhère à la Sacem en qualité d’auteur.sous les auspices de sa marraine Anne de Bercy, autrice compositrice (1877-1954) et détentrice de nombreux prix, et de son parrain François Gailhard (1874-1953), compositeur.