Honni par la majorité, qui le trouve horrible, nuisible, ridicule ou insignifiant, le metal est vénéré par une minorité, pour qui il a changé la vie. Et ça dure depuis plusieurs décennies ! Les premiers groupes de hard rock et de heavy metal sont anglais et américains, mais ce mode d’expression s’est ensuite propagé internationalement. En France, des musiciens en activité dès les années 1970 se sont réclamés de cette musique, ou ont été reconnus par la communauté metal. À partir de nombreuses archives inédites, la Sacem s’intéresse à quelques-uns des musiciens de son catalogue appartenant au monde du metal, ou plébisicités par celui-ci.
Plongée dans un monde « trop fou pour toi », comme le titre du deuxième album du groupe Satan Jokers sorti chez Phonogram en 1984.
On peut associer les débuts du Hard rock en France à la découverte du British blues boom. La progression de l’amplification et le temps passé à interpréter des riffs rageurs en tournée, font que Les Variations ont un son que l’on rapproche bientôt de Led Zeppelin sur leurs deux premiers albums, publiés en 1969 et 1973.
D’autres groupes français, davantage influencés par la contre-culture américaine, privilégient une atmosphère dystopique et noire, à l’instar de Magma (dès 1969). Sans qu’ils soient associés au Heavy metal émergent à l’époque, leurs constructions musicales aventureuses (inspirées du jazz ou du classique wagnérien), comme leur logo, seront plus tard revendiqués par de nombreux musiciens.
Les Variations, premier groupe de hard rock français
Ils constituent le premier groupe français qualifié de Hard rock, aussi bien du point de vue de la musique que du look ou de l’attitude. Marc Tobaly et Jacky Bitton, juifs marocains, fondent Les Variations en 1966 avec Jacques « P’tit pois » Grande et Joe Lebb au chant. Ils tournent non stop et enregistrent leur premier album Nador en 1969, suivi de Take It Or Leave It en 1972.
Entre temps, leurs guitares ont pris de la lourdeur, et leurs compos sont plus dures. On les compare à Led Zep plutôt qu’aux Rolling Stones. Ignorés en France, ils partent pour les États-Unis, mais s’épuisent malheureusement, étouffés par la concurrence. Ils constituent le premier groupe de Hard rock Français. Entre un papier sur les Stooges et un autre sur Black Sabbath, Le fameux critique de Creem, Lester Bangs, les évoque, épaté par ces Frenchies !
Empruntant son nom à une chanson des anglais de Yes, le groupe va s’affirmer plus explicitement comme hard rock à la fin des années 1970. Formé en 1974 à Paris par Georges Bodossian, Ocean va progressivement durcir son style. Figure de la scène hard rock du début des années 80, c'est l'un des rares groupes signés sur une major. Quatre albums dont un live sortent chez Barclay. Le groupe assure également des premières parties sur les dates françaises du Highway to helltour d'AC/DC et du Killers world tourd'Iron Maiden.
Ocean se sépare en 1983, et Georges Bodossian entame une carrière solo prolifique. Le groupe se reforme sporadiquement (1986, 2001). Ils sortent un album en 2016, C'est la fin....
Le 1er juin 1969, Les Variations chantent à la télévision, dans l'émission de Denise Glaser, Discorama. Come along est le second single enregistré par le groupe. Discorama, c'est un rendez-vous consacré à l'actualité de la chanson, du disque, du théâtre et du cinéma où alternent chansons et interviews.
Du hard rock à l'heure du repas dominical... L'ORTF était peut-être plus audacieuse qu'il n'y paraît...
Menés par le batteur et chanteur Christian Vander, Magma, formé en 1969 et toujours en activité, apparait en dehors des sentiers battus. Après un an d’existence, ils enregistrent leur premier album en 1970. Leur univers est noir, emprunt d’un imaginaire dystopique. Ils inventent une langue et exhibent un logo caractéristique du groupe, comme le font les premiers groupes de Heavy metal américain (tel Blüe Oyster Cult).
À l’époque, personne ne les associe à ce style émergent, mais ils sont aujourd’hui plébiscités, à la fois par certains groupes de metal extrême et d’autres de metal très techniques. En particulier pour l’album Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh (1973), ainsi que pour la période classique du milieu des années 1970, où Jannick Top tenait la basse.
Proposant un Rock’n’roll teinté de Hard rock, Le Poing joue beaucoup en France, en particulier dans les festivals pop du milieu des années 1970. Les musiciens du groupe mené par Mark Robson sont surtout fans de rock'n'roll des années 1950, alors en plein revival, ainsi que des virées de bikers, et des frasques des blousons noirs de Vince Taylor. Mais ils aiment aussi plomber les guitares, proposant cette étiquette de « Hard Rock’n’roll », qui restera orpheline.
L'impact des tournées des groupes étrangers en France. Au cours des années 1970, les médias parlent peu de Hard rock et de Heavy metal en France, c’est pourquoi ce sont les tournées de groupes étrangers qui marquent les esprits, surtout lorsqu’elles sillonnent la province.
Une première vague de concerts au son Hard rock irrigue le pays dès le début des années 1970. C’est le cas, dès 1974, de Status Quo et son « brutal rock », ou de Rory Gallagher.
Dans la seconde partie de la décennie, dès 1976, l’impact d’AC/DC est également très important dans l’émergence d’une communauté metal en France.
Trans Europe Express
Looks de rue et guitares heavy, ce groupe influencé par le Southern Rock associe attitude et musique agressive dans la France du milieu des années 70. Réunis en 1975, Trans Europe Express tourne à partir de 1977. Ils déclarent aimer des groupes du sud des États-Unis, comme ZZ Top ou Doobie Brothers, mais ils augmentent le tempo et aiment la distorsion. Ils portent des perfectos et possèdent une image un peu dure, issue de la rue (« street cred’ »). Pour la petite histoire, Hervé Rozoum, guitariste et fondateur du groupe (sur les conseils de Jacques Higelin), est le cousin de Daniel Darc, futur leader de Taxi girl.
Ganafoul, rock sidérurgique
Ganafoul existe depuis 1971 et joue en trio depuis 1973, inspiré aussi bien par le R&B anglais que par des guitar heroes comme Hendrix et Ted Nugent. Ils enregistrent leur premier album en 1977, un live, exercice dans lequel ils sont particulièrement à l’aise. À l’époque, on parle de « sider rock » à leur endroit (rock sidérurgique) car ils sont originaires de la banlieue de Lyon. Ils constituent un parfait pendant au snobisme parisien.
Factory se constitue à compter de 1977 son propre répertoire, où alternent rock lourd et ballades. Ils sillonnent aussi l’hexagone dès 1977, entre MJC, chapiteaux et salles des fêtes, au moment où sort leur premier album. Ils passent même à la télévision.
Fondé par la chanteuse Fabienne Shine et le guitariste Eric Lewy en 1975, Shakin’ Street signe sur la major américaine CBS qui vient de s’installer en France, et sort deux albums remarqués à la fin des années 1970. Après avoir joué au festival punk de Mont de Marsan en 1976, Marc Zermati, l’organisateur, leur permet de signer aux États-Unis en management avec Sandy Pearlman, qui s’occupe des Dicators et de Blue Öyster Cult. Ross The Boss (futur musicien de Manowar, groupe classique de Heavy metal new-yorkais fondé en 1980) deviendra leur guitariste sur le second album sorti en 1980, qui contient l’hymne Solid as a rock. Louis Bertignac, avant de rejoindre Téléphone, a aussi tenu la 6 cordes pour le groupe.
Formé sur les cendres du groupe Stratos en 1980, ce groupe, signé par la major Phonogram et remarqué sur disque, réalise trois albums dans la première partie des années 1980. Le premier album de Warning sort en 1980, et devient quasiment disque d’or. La tournée est un succès et le groupe enregistre son second album avec Dieter Dierks (l’ingénieur du son de Scorpions) en Allemagne. Mais leurs prestations scéniques sont aléatoires et ils s’embourbent dans des problèmes d’ego et de changements de maison de disque.
Trust est le premier groupe français a obtenir un impact international dans le monde du Hard rock / Heavy metal. Ils ouvrent pour AC/DC en décembre 1978 à Paris et sortent leur premier album en 1979. Celui-ci contient leur premier tube, L’Élite, mais aussi le morceau Préfabriqués, qui figure en 1981 sur la BO du film Métal Hurlant (Heavy Metal pour le marché anglophone). Le groupe se fait remarquer par sa musique heavy, alliée aux textes politiques très critiques de Bernie Bonvoisin, influencé par les Sex Pistols. Une posture originale et percutante dans la France de l’époque.
Trust débute en 1977. Il est porté par un duo de leaders aussi opposés que complémentaires, le guitariste Norbert "Nono" Krief et le chanteur Bernard "Bernie" Bonvoisin. Nono, guitariste d’un haut niveau technique est très influencé par les guitar heroes de la fin des années 1960 et début des années 1970 (Hendrix, Beck, Alvin Lee…) et gagne sa vie au milieu des années 1970 comme guitariste au Club Med’ ou comme musicien de session. Il possède un son et un look de hard rocker, tout comme les autres musiciens du groupe (dont Yves Brusco, dit Vivi), dont les nombreux batteurs, les plus constants ayant été Jean Emile dit Jeannot (77-80) puis Nico Mc Brain qui quittera Trust pour Iron Maiden en 1982. Leurs réseaux, leur look et leur son heavy, ainsi que la vélocité de leur guitariste solo sont autant d’éléments qui incitent à les classer dans cette catégorie. Mais Trust possède aussi un élément détonant par rapport à la culture Hard rock : leur chanteur Bernie Bonvoisin. Du point de vue de l’engagement politique de ses textes, chantés en Français, il est davantage associé au Punk rock qu’au Hard rock, ayant été fortement influencé par les Sex Pistols.
Trust est le premier groupe français avec un véritable son Heavy metal. L’originalité du groupe vient justement de la diversité entre la posture du chanteur et celle de ses musiciens.Ce qui amène Bernie a développer un registre politique dans ses paroles, c’est le choc qu’a constitué pour lui le punk anglais de 1976 et 1977. Jusque dans son look, il apparait un peu singulier par rapport à ses musiciens, mais la combinaison des 4 donne au groupe un impact original et percutant. Au moins sur les deux premiers albums, Trust est parfois considéré par les médias comme à mi-chemin entre le Hard rock/Heavy metal et le Punk rock.Les journalistes de la presse Rock (Best, Rock&Folk) sont d’ailleurs critique envers la musique du groupe qu’ils trouvent sans véritable intérêt (comme cela est la norme pour le metal dans le monde et particulièrement chez les journalistes critiques dans le dernier tiers du XXe siècle). Au contraire, ils valorisent, au moins dans un premier temps, la personnalité à fleur de peau de Bernie, qui est parfois même rapproché de chanteurs à texte comme Brel ou Ferré.
Au tournant des années 1980, après plus de 15 ans sans réelles politiques locales en dehors de la variété, les majors françaises commencent timidement à signer des groupes de rock français, notamment de Hard rock/Heavy metal. Après un premier 45 tours chez EMI en 1978, qui préfère finalement miser sur Téléphone, Trust signe alors chez CBS et sort son premier album en 1979. Celui-ci est un succès porté par le single L’Élite, au son très New Wave of British Metal.La demande pour Trust surprend même la maison de disque. Elle est amplifiée par leurs prestations live qui, de l’avis de tous, sont très efficaces.
Trust est le premier réel groupe hexagonal de heavy metal à rencontrer le succès, en France et à l’étranger : absence de concurrence, mais aussi des textes originaux, qui traduisent un mal être concret de la jeunesse dans la société de l’époque. Le single Antisocial devient presque l'hymne d'une génération. Au tournant des années 80, le Hard rock et le Heavy metal connaissent une nouvelle jeunesse, avec l’arrivée des groupes anglais qui prennent le relais des grands groupes américains des 70’s (Kiss, Aerosmith, Blue Öyster Cult…). Bernie, à l’aura charismatique et à la forte personnalité, chante en français des textes à forte connotation politique contestataire, souvent anarchiste, en dehors de la tradition du Heavy metal. Les fans du groupe, collégiens et lycéens en majorité, peuvent chanter les paroles. Ils prennent les paroles et la musique comme un tout cohérent. En pleine mode des sacs de l’armée US utilisés comme cartables, les ados y inscrivent massivement un TrUSt au marqueur noir. Au cours de leur carrière, ils éditeront des versions de trois de leurs albums chantés en anglais, provoquant stupéfaction mais aussi attachement des metalleux anglais pour cet aspect original.
Trust enclenche une dynamique européenne en jouant avec Iron Maiden (ils échangeront même leurs batteurs). En 1982, à l’époque de Marche ou Crève, leur troisième album (le plus heavy) ils jouent au Rockpalaast allemand.Ils ont ouvert à Paris pour AC/DC (qui sont devenus des amis) puis pour Motörhead et Iron Maiden en Grande Bretagne et en Allemagne (tournée « Killers ») avant de réaliser une tournée anglaise et allemande en tête d’affiche en 1981, de jouer au festival de Reading et de préparer une tournée américaine en première partie de Judas Priest (que le groupe annulera au dernier moment).Le groupe est classé premier au référendum des lecteurs 1980 de Best et fait même des télés chez Guy Lux et Michel Drucker. Ils figurent sur la BO du film Metal Hurlant (avec BOC et Black Sabbath). En 1982, ils jouent au festival Rockpalaast, retransmis dans la plupart des pays européens, dont voici un extrait.
On redécouvrira plus tard que la position originale de Trust aura eu un impact sur la naissance du Thrash metal américain, influencé à la fois par la New Wave of British Metal de la fin des années 1970 et la mouvance Punk DIY.À la fin des années 80, Anthrax enregistre ainsi une reprise d’un titre de Trust, Antisocial, comme une forme d’hommage. Leur batteur Charlie Benante avait découvert le groupe chez un disquaire de New York où il se fournissait en groupes anglais (Iron Maiden, Saxon…). En 1987, cette reprise motivera une reformation du groupe Trust, séparé deux ans plus tôt.
Depuis cette période, le groupe Trust se reforme sporadiquement, avec de nombreux changements de line up.Ils gardent une réputation controversée, et leur légitimité reste fondée sur leur première période. Ils s’essaient à de nombreux styles, appréciant notamment le blues. En 2017, ils jouent au Hellfest, d’où est sorti un album live. Pour le Disquaire day, ils rééditent le concert nantais de la tournée 1980.
La scène française du milieu des années 80
Le début des années 1980 voit le heavy metal s'affirmer en France. Cette dynamique irrigue le pays, où une véritable scène explose. Les nouveaux groupes chantent quasi exclusivement en français et flirtent avec les thématiques de l’heroic fantasy. Sur les traces de Trust, le premier groupe signé en major est sans doute Warning (1981), suivi par Satan Jokers (1983). À partir de 1983, une presse spécialisée Heavy metal voit le jour un peu partout en Europe (En France, on peut citer Enfer magazine et Metal Attak, puis en 1984 Hard rock Magazine, bientôt suivi par Hard Force et la version française de Metal Hammer). Elle accompagne l’émergence de nombreux groupes principalement signés sur des labels indépendants français et étrangers : Vulcain, Sortilège, ADX, Killers, Demon Eyes, Nightmare ou Squealer.
Satan Jokers, cuir et satin
Formés en 1981, ils signent chez Phonogram et éditent trois albums, Les Fils du Metal, (1983), Trop Fou pour toi (1984) et III (1985).
Renaud Hantson et Laurent Bernat, après une première expérience de groupe (Jarretelles), s'associent à Pierre Guiraud au chant et à Stéphane Bonneau à la guitare. Satan Jokers est né. Renaud Hantson démarre en 1986 une carrière solo, qui le verra s'aventurer du côté de la comédie musicale : pendant deux ans, il tient le rôle de Ziggy puis de Johnny Rockfort dans Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon.
Ils sont relayés par les médias de l’époque (Wango Tango animé par Zegut sur RTL ou Enfer Magazine). Leur look (cuir bondage et satin) marquent les esprits à l’époque. Pour un groupe de Hard rock français, le premier album est un succès, mais le groupe n’arrive pourtant pas à transformer cette notoriété naissante, sans doute parce qu’il tourne très peu : ils ne montent sur scène que deux fois pour promouvoir le disque. Pour le deuxième album, c'est l'inverse. La presse leur fait bon accueil, mais les ventes ne suivent pas.
Formés en 1981, ils signent chez Phonogram et éditent trois albums, Les Fils du Metal, (1983), Trop Fou pour toi (1984) et III (1985). Renaud Hantson et Laurent Bernat, après une première expérience de groupe (Jarretelles), s'associent à Pierre Guiraud au chant et à Stéphane Bonneau à la guitare. Satan Jokers est né. Renaud Hantson démarre en 1986 une carrière solo, qui le verra s'aventurer du côté de la comédie musicale : pendant deux ans, il tient le rôle de Ziggy puis de Johnny Rockfort dans Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon.
Formé en 1981 en banlieue parisienne autour des frères Puzio, Daniel (guitare et chant) et Vincent (basse), Vulcain sort en 1984 son premier album studio, Rock 'n' Roll Secours, et est considéré à l’époque comme le « Motörhead français ». À leurs débuts, et au moins jusqu’à leur tournant musical de 1989, Vulcain remporte une grande notoriété sur disque et en concerts, notamment pour la simplicité et l’authenticité qu’ils dégagent et qui s’éloignent des autres groupes de Heavy metal.
Leur musique est jouée sur des tempos rapides avec un son lo-fi, et en dehors de leur jeans/tee shirts et de leurs cheveux longs, ils n’ont pas de costumes de scènes particuliers. Le registre de leurs paroles alterne entre descriptions vécues d’un monde ouvrier ou textes politiques (ce qui les relie d’une certaine manière à Trust), et inspirations de mondes imaginaires liées à l’heroic fantasy comme sur Vulcain ou Le Fils de Lucifer.
Malgré sa brève carrière et une faible reconnaissance des médias de l’époque, Sortilège a atteint un statut culte dans le Heavy metal français, grâce à sa musique et à son univers (Philippe Druillet signe la pochette de l’album Métamorphose). Sortilège débute en 1981. Les cinq musiciens enregistrent l’année suivante une démo largement diffusée sur les radios libres de l’époque, ce qui permet au groupe de remplir la Mutualité en 1982 puis le Forum des Halles. Leur univers onirique est peuplé de magie et de fantastique.
Le groupe signe chez l’indépendant Ebony (il apparait d’abord sur une compilation, Metal Warriors) et enregistre un premier mini album qui les amène en première partie de Def Leppard. Le groupe est respecté, notamment grâce à la voix puissante du chanteur, Zouille, qui amène à comparer Sortilège à Judas Priest ou Iron Maiden. Ils enregistrent successivement deux albums en Allemagne, Métamorphose (1984) et Larmes de Héros (1986), considérés comme des classiques en France et au-delà (comme en Allemagne ou au Japon). Il semble d’ailleurs que le groupe n’ait pas dit son dernier mot…
La déferlante des groupes français du milieu des années 1980
Au milieu des années 1980, les groupes de Heavy metal français sont nombreux, mais ils s’essoufflent rapidement, ne disposant pas des structures discographiques et de tournées nécessaires. Les labels indépendants français auront permis néanmoins a beaucoup d’artistes d’enregistrer leurs premiers albums (et à quelques-uns d’entre eux de continuer).
On peut citer Devil’s Records, label de Madrigal qui a édité des albums de High Power, Sortilège, Der Kaiser, ADX, Attentat Rock et les premières compilations françaises intitulées French Connection et Bonjour l’Enfer. On peut citer aussi Axe Killer, Dream Records ou encore Sydney qui éditera notamment Killers, ADX, Dum Dum Bullet ou Titan.
Proposant un heavy metal solide et classique, Squealer réussit à la fin des années 1980 à se construire une notoriété nationale. Il est l’un des derniers groupe de cette génération, esquissant déjà quelques évolutions, tel le chant en anglais. Groupe Nantais fondé par le chanteur Pascal Bailly (qui débute au début des années 1980 dans l’Ouest de la France), il est au départ très inspiré par AC/DC avant de trouver ses marques du côté du heavy metal anglais et allemand. Squealer est l’un des derniers groupes de la vague heavy metal française des années 1980.
Squealer : le metal français incompris
Il sort en autoprod son premier album, DFR en 1987. Le groupe sort ensuite deux autres albums studio, dont Squealer’s Mark chez Vogue (1989) et placera un titre sur la compilation Hard rock rendez-vous. Malgré une bonne réception par la presse, le groupe se sépare au début des années 1990, pour des raisons internes et externes au groupe (le Heavy metal n’est plus d’actualité, tiraillé d’un coté par le Grunge, et de l’autre par le metal extreme, Thrash et Death). Le débat face au ministre de la Culture de l’époque, François Léotard, sur la 5 de Silvio Berlusconi, reste un classique, montrant à quel point le Heavy metal est à l’époque encore ignoré, moqué et incompris de la société civile.
La fin des années 1980 voit s’affirmer une scène thrash très technique qui a intégré les codes du DIY (do it yourself). Elle signe sur des labels indépendants, joue dans des petites salles et construit sa notoriété via le tape trading (vente et échange de cassettes et de disques via des listes de distribution expédiées par courrier entre les fans). Le Nord et l’Est de la France sont particulièrement dynamiques. Les groupes jouent à plusieurs dans les clubs, les centres sociaux ou les petits festivals lors de soirées où se succèdent les musiciens.
Loudblast, pionniers venus du Nord
Originaire de Lille, c'est le groupe Thrash/Death français le plus connu. Formé par Stéphane Buriez (guitariste chanteur, seul membre d’origine encore présent), Nicolas Leclerq (guitare), François Jamin (basse) et Joris Terrier (batterie), leur premières démos sont diffusées via tape trading au sein d’une scène internationale underground alternative. Licensed to Thrash, premier vinyle du groupe, sort en 1985. C'est un split album avec Agressor (d’Antibes) sur le label Post punk New-wave. Leur premier véritable album, Sensorial Treatment, est édité sur le label Hardcore punk Jungle Hop International (1989), et leur permet de passer en première partie de groupes internationaux (Coroner et Sacred Reich).
En 1991, le groupe enregistre en Floride avec l’ingénieur mythique de la scène Death metal, Scott Burns, et tourne alors en Europe avec Cannibal Corpse ou Sepultura.
Au milieu des 90s, ils sont élus « meilleur groupe live » par le magazine Kerrang ! Ils cherchent ensuite à se diversifier, avant d'arrêter en 1999.
La scène Death s'essouffle, faute de relais médiatiques, et n’attire plus le public. Loudblast reprend concerts et enregistrements durant les années 2000, avec une notoriété grandissante. Ils ont réalisé sept albums studios entre 1989 et 2014, et sont toujours en activité.
À partir du milieu des années 1980, le Heavy metal s’est radicalisé, dans la musique comme dans les paroles (qui parle de violence, de souffrance, de gore…) via la scène Speed thrash américaine (à San Francisco ou à New York), et sa déclinaison allemande. La scène Thrash, puis Thrash/Death française, est relayée par les émissions des radios locales et les fanzines photocopiés, alors en pleine explosion. Les concerts sont organisés par des assos, sous forme de « festivals » : un maximum de groupes en après-midi et soirée, et des fans qui parcourent des centaines de kilomètres.
Il existe même des festivals itinérants comme le Brutal Tour. Dans l’Ouest, parmi les ancêtres du Hellfest, on peut citer Piranha Décibels à la Roche-sur-Yon ou les concerts à Vitré (comme le fameux Monster of 1991).
L’ambiance est positive, les baskets et les vestes à patches sont de sortie et le Thrash mute en Death metal avec la diffusion du chant guttural et de la double grosse caisse. Le spectacle se déroule aussi dans la salle : c'est en effet cette scène qui popularise le slam et le stage diving, et institue le pit avec la scène Hardcore punk.
Massacra est un groupe Thrash et Death originaire de Franconville, dans le Val-d'Oise. Formé en 1986, ils enregistrent cinq albums studio entre 1990 et 1995. Comme la plupart des groupes français de l’époque, ils seront ignorés par la presse metal nationale, mais seront plébiscités à l’international. Le groupe est un quatuor porté par Jean-Marc Tristani (guitare), Fred "Death" Duval (guitare, voix) et Pascal Jorgensen (basse). Leurs paroles parle de la violence humaine et de son absurdité. En 1997, la mort du guitariste chanteur met un terme à l'aventure, et empêchera toute reformation.
Cependant, en septembre 2016, un hommage leur est rendu au festival Fall of Summer, via un projet spécial de reprises réalisé par Alex Colin-Tocquaine (Agressor), Frédéric Leclercq (DragonForce), Stéphane Buriez (Loudblast) et Kevin Paradis (Agressor), auxquels se joignent sporadiquement Chris Palengat (ex-Massacra), Alain Clément (No Return), S.A.S. De L’Argilière (Misanthrope), Pierrick Valence (Phazm, ex-Scarve), Crass (Crusher) et Mick (No Return). Une nouvelle preuve de la solidarité caractérisant cette scène.
No return, entre Thrash et Death
No Return est un groupe de Thrash et Death metal français, originaire du Val d'Oise. Formé en 1989, le groupe a enregistré dix albums entre 1990 et 2017. La base de No Return, se sont les riffs de guitare du Thrash metal avec les influences de Metallica, Testament ou Slayer. Le groupe enregistre son premier album studio, intitulé Psychological Torment (1990) en Allemagne, en compagnie du batteur du groupe de Thrash Suisse Coroner, puis un deuxième album, intitulé Contamination Rises (1992) aux Morrison Studios à Tampa, en Floride, épicentre du Death. Ils intègrent les codes du style à leur musique, jusque dans la pochette de l’album.
Au milieu des années 1990, No Return a notamment pris part à la tournée Brutal Tour en compagnie des grands groupes français du moment : Massacra, Loudblast et Crusher.
Le groupe est formé en 1990 par les frères Ludovic et Fabrice Loez sous le nom de Supuration dans le Nord-Pas-de-Calais. Ils ont enregistré 14 albums entre 1993 et 2019. Ils publient leur premier album, The Cube, en 1992, puis signent avec le label PIAS France. Voulant ouvrir leur registre stylistique, pour ne pas s'enfermer dans les codes du Death metal, ils changent de nom en 1995 pour S.U.P (Spherical Unit Provided).
Les couvertures de leur album, à l’instar de The Cube, se réfèrent à la science-fiction, s’éloignant des conventions établies du Death.
À la fin de 1996, le groupe signe avec le label Holy Records. Le groupe alterne entre les noms Supuration et SUP en fonction des périodes, des contextes et des projets. Du coté Death metal, Supuration donnera lieu à une trilogie d’albums thématiques.
Mercyless est un groupe de Death metal français, originaire de Mulhouse, dans le Haut-Rhin. Il a édité six albums entre 1992 et 2016. À ses débuts au milieu des années 80, le groupe répète dans le même local que Mörsure, un des premiers groupes de Speed trash signé chez Devil’s records (contemporain de la scène Heavy metal de l’époque). En 1990, le groupe fait ses premières apparitions discographiques sur le label Jungle Hop (notamment sur la compilation Total Virulence).
En 1992, son premier album est édité par Vinyl Solution (label anglais), et il est enregistré par l’ingénieur du son Colin Richardson (Bolt Thrower, Cannibal Corpse). Ils jouent en première partie de Cannibal Corpse, Samael ou Obituary. Le groupe signe ensuite avec le label Century Media, prenant encore de l’importance. Le registre des paroles est basé sur une critique des religions.
Dans la seconde partie des années 1990, le Death metal de Mercyless évolue en intégrant des éléments de rock progressif, à l’instar de groupes comme Pestilence, Cynic ou Atheis. À la fin des années 1990, la baisse de notoriété du Death metal en France amène le groupe à se séparer en 2000. Il se reforme en 2011.
Narré sur le mode de l’histoire orale, Enjoy the Violence raconte comment sont nés et se sont développés le Thrash metal et le Death metal en France. Les 56 interviews du livre donnent la parole à toutes celles et ceux qui ont fait cette scène : les groupes bien sûr, mais aussi les labels, journalistes, éditeurs de fanzines, tape traders, illustrateurs, ou autres activistes.
Le livre met notamment en perspective les liens avec le Punk hardcore dans les premières années de la scène, mais aussi les nouveaux courants qui la mettent en péril et la transforme au milieu des années 90, notamment l’explosion du Grunge puis le Power metal américain (Machine Head, Fear Factory, Pantera…) ainsi que la prise d’importance du Black metal.
Black metal, authentique et secret
Comme le Thrash, le Black metal utilise les codes DIY hérités du punk : labels indés (Osmose, Holy Records), fanzines photocopiés, tape trading. Il valorise une culture du secret qui se retrouve dans le graphisme élaboré et difficilement déchiffrable des noms de groupes. Il est fasciné par le côté noir de l’heroic fantasy, la spiritualité, la transcendance, mais aussi les religions alternatives, l’occultisme, la sorcellerie. La première génération (années 1980 et 1990) se met en scène et joue avec les codes du satanisme. Contre «le death metal en jogging» des groupes ultra techniques qui valorisent leur condition de musiciens hors-pairs et se font sponsoriser par des marques d’instrument de musique, la scène black metal revendique un son sale, «pourri», une esthétique lo-fi considérée comme authentique (True en anglais).
Satanisme, esthétique et philosophie
Satan apparait comme une manière de dénoncer le dogme des religions monothéistes. La mise en scène, à travers le « corpse paint », un maquillage noir et blanc, peut se lire comme une remise en cause de la starification. Pourtant, la toute puissance d’une liberté nietzschéenne conquérante et la misanthropie parfois revendiquée amènent à un essoufflement du mouvement au crépuscule du XXe siècle, le Black metal basculant parfois alors dans un extrémisme politique critiqué par la scène dans son ensemble. La dialectique dieu/satan est dépassée aujourd’hui par la plupart des artistes, qui se penchent sur des thématiques telles que la défense d’une nature hostile mais salvatrice, un intérêt pour les cultures traditionnelles et spirituelles locales ou un questionnement des limites de la condition humaine (pur/impur, bien/mal, vie/mort).
Arkhon Infaustus, satanisme et perversion
Originaire de Paris, et en activité de 1997 à 2009, Arkhon Infaustus fut signé par le label français Osmose, l’un des acteurs internationaux du Black metal né en 1991. Le groupe édite une première démo en 1998 (Sperma Infernum) diffusée à 666 exemplaires. Ils signent chez Osmose en 2000 et enregistrent quatre albums jusqu’en 2009. La musique d'Arkhon Infaustus associe une orchestration et une production sale, typique du Black metal, à une voix plus Death metal.
Les rumeurs associent Arkhon Infaustus à un mode de vie dissolu, et à la fréquentation de réseaux satanistes et sadomasochistes. Nombreux sont ainsi ceux qui les critiquent, en dehors, mais aussi dans le monde du metal. Les disques de sa reformation récente sont dorénavant édités par le label nantais les Acteurs de l’Ombre.
Les légions noires sont un exemple de cercle black metal oeuvrant ou ayant œuvré en France dans les années 1990. Officiellement dissous, les rumeurs, les secrets et l’opacité qui ont entouré ses activités maintiennent le mystère autour du collectif. Parmi les groupes qui ont fait parti du collectif (principalement basé à l’ouest de la Bretagne, mais aussi dans plusieurs autres régions de France), on peut citer Vlad Tepes (nom inspiré du Prince de Valachie qui servira d’inspiration à Bram Stoker, l’auteur de Dracula) basé à Brest, et dont les démos furent diffusées (au même titre que celles de la scène norvégienne de Bergen aux États-Unis) par Full Moon Production.
On peut citer aussi le groupe Belkètre (de Bergerac) ou encore Mütiilation (des environs de Montpellier), sans doute le groupe le plus visible (ils se sont reformés pour un concert au Hellfest en 2015). Les légions noires illustrent ce que représentait le Black metal des débuts : un mode de vie et de pensée, comme le montre le documentaire Bleu Blanc Satan.
Anorexia Nervosa, nihilisme dark
Anorexia Nervosa est un groupe de Black metal originaire de Limoges. Formé en 1995 à l'initiative de Stefan Bayle, il est actif pendant une dizaine d’années, malgré son changement de style musical régulier. Anorexia Nervosa sort sa première démo cassette, intitulée Nihil Negativum, en 1995. Le groupe signe ensuite avec Season of Mist en 1997. Leur style ambient plutôt lent se réduit par un son proche du bruit blanc accompagné de vocaux lugubres. Concernant les paroles, l'album Exile est un album conceptuel, basé sur la névrose et l’expérimentation de la folie.
Anorexia Nervosa commence ensuite à tenter de nouvelles directions musicales. Le groupe passe d’un Death metal expérimental à ses débuts à un Black metal (parfois symphonique) avant de s'auto-définir comme produisant un Dark nihilistic metal associant mur de guitares et voix criées.
En 2005, Anorexia Nervosa deviendra inactif à la suite de mouvements de personnels, en particulier posés par les variations de styles, puis préferera finalement arrêter toute activité musicale. Le groupe aura enregistré 4 albums studio entre 1997 et 2004.
Blut aus Nord est un groupe black metal avant gardiste français originaire du Calvados, qui a sorti 12 albums entre 1995 et 2007 et qui cherche à renouveler les codes du Black metal. Leur nom, Blut aus Nord, signifie littéralement en allemand « Sang du Nord ». En 1994, alors que les labels commencent à s'intéresser à son travail, le fondateur Vindsval, après deux démos, décide de recruter d'autres musiciens.
Le quatrième album studio du groupe, The Work Which Transforms God, est un album-concept classé par le magazine Terrorizer dans son top 10 des albums en 2003 et est bien accueilli par l'ensemble de la presse spécialisée.
De par le succès critique et commercial de Blut aus Nord, tous leurs albums sont ensuite réédités aux États-Unis en 2004 et 2005. Puis en 2006, le groupe publie l'album MoRT, qui marque l’affirmation d’une direction musicale plus expérimentale. Dans son album Odinist: The Destruction of Reason by Illumination sorti en 2007, le groupe se réfère à Aleister Crowley, artiste et écrivain anglais né en 1875, intéressé par l’occultisme, qui a déjà influencé Led Zeppelin et de nombreux groupes de l’histoire du metal.
Belenos est un groupe de Celtic black metal basé à Tréguier, en Bretagne, dont l'unique membre est Loïc Cellier. Le groupe a publié 11 albums entre 1996 et 2017. Belenos, dont le nom provient d'un dieu de la mythologie celtique, débute fin 1995. Le chant est en français. Le maelström de chant crié, de guitares noisy et reverbérées est associé à la présence de chœurs masculins et l'utilisation de guitares folk lors d’intermédiaire ambient, notamment sur l’album Errances Oniriques édité chez Sacral en 2001.
Pour l’album Chants de bataille en 2006, Bélénos travaille aussi avec Adipocere Records, avant de signer chez l’allemand Northern Silence production.
Dorénavant accompagné de musiciens en live, Belenos a réalisé de nombreux concerts, jouant notamment au Hellfest en 2012 ou au Motocultor en 2013.
Les Discrets, romantisme noir
Les Discrets est un groupe français signé sur le label allemand Prophecy (spécialisé dans les musiques sombres, en particulier Néo folk et Black metal), auteur de trois albums entre 2010 et 2017. Parfois qualifiés de Blackgaze ou de Dark metal, les Discrets illustrent l’une des évolutions possibles du Black metal. Se saisissant des puissants affects et de l’aspect transcendant que disent ressentir face à cette musique et à son imagerie les auditeurs de Black metal, certains groupes vont l’associer à la nature ou à l’environnement, et d’autres, comme les Discrets, en chantant en français, vont le joindre à la passion amoureuse, au spleen ou à d’autres symboles du romantisme noir qu’on retrouve chez certains auteurs de la littérature française du XIXe siècle.
Les années 1990 remettent en cause le rock tel qu’il s’est imposé depuis ses débuts dans les 50s, avec l’affirmation des musiques électroniques (beats machiniques) mais aussi du hip-hop (flow rap et platine du DJ). Des groupes tentent d’associer ces nouvelles manières de voir la musique avec les fondements du metal : riffs de guitares saturées, blast beats ou voix hurlées, notamment gutturales inspirées du death metal. Depuis la déferlante grunge, le heavy metal semble en bout de course. Au milieu des 90s, le qualificatif « metal » devient générique, au moins en France. Rage Against the Machine, qui associe guitare metal, groove rythmique et chant rappé fait un carton. On parle de crossover, avant le déferlement de groupes qualifiés de Nü metal.
Treponem Pal, précurseur indus
Le groupe Treponem Pal est signé sur le label hollandais Roadrunner en 1989 et leur album est produit par Franz Treichler, le leader du groupe suisse allemand Young Gods. Ils sont qualifiés de metal industriel, notamment parce qu’ils utilisent des machines ou des percussions électroniques ou métalliques, mais aussi parce qu’ils sont associés au courant industriel américain de l’époque.
Enfonçant le clou du Grunge, ce mouvement remet en cause les frontières du metal, associant à de puissants riffs de guitares l’utilisation de samples et de boucles électroniques. Treponem Pal joue avec Ministry au Lolapalooza américain de 1992. Lors de leurs concerts en Europe, ils partagent l’affiche avec Prong, Carcass, The Young Gods, Pitchshifter, Nine Inch Nails ou Godflesh. À partir de Excess & Overdrive (1992), leur musique devient plus groove. Ils mettent la basse en avant et s’intéressent au dub, notamment sur Higher (1997).
Les années 1990 sont aussi celles de l’affirmation du rap, qui pénètre le metal, notamment via des groupes Crossover américains comme Suicidal Tendencies, Rage Against the Machine ou Body Count.
No One Is Innocent fait un carton avec le single La peau, issu en 1994 de leur premier album. Le groupe tourne énormément et s’arrête après l’album Utopia de 1997. Il se reforme finalement plusieurs fois, privilégiant musicalement le groove, en accentuant ses compositions sur des séquences électroniques, et d’autres fois sur des guitares metal.
No One Is Innocent dénonce les injustice et lutte pour la diversité. Nombre de groupes Crossover et Rap metal ont d’ailleurs rendu visible la mixité raciale, aux États-Unis comme en France. No One is Innocent, via les positions de son chanteur Kemar, dénonce la croissance des votes pour le Front National et se positionne suite aux attentats de novembre 2015. Ils font même monter sur scène la rédaction de Charlie Hebdo, réclamant un hommage à ces acteurs de la liberté d’expression.
Lofofora, parrain de la scène
Fondé en septembre 1989, Lofofora réalise ses premier concerts en 1990, au sein de la structure de management et de tournées Sriracha Sauce (Oneyed Jack, Ekova, Watcha, Black Bomb A) qui dispose aussi de locaux de répétition. Dès ses premiers albums (Peuh!, Dur comme Fer), Lofofora (qui tire son nom du cactus hallucinogène mexicain) intègre des influences musiques du monde aux riffs de guitare plombée. Lofo est considéré comme le « parrain » par de nombreux groupes qu’il a contribué à faire connaître en les faisant jouer en premières parties et en les intégrant dans sa structure de management. En décembre 1996, le groupe crée, avec Philippe Roizès, journaliste à Rage, le fanzine Sriracha Zine.
Reno, le chanteur, dénonce le système néo-libéral, l’impérialisme américain, l’individualisme, mais aussi les pensées d’intolérance. Il propose aussi des paroles environnementalistes et pour la protection de la planète (Mère Nature) voire spiritualistes. Lofofora enregistre 9 albums entre 1995 et 2018. Ils signent chez Hostile/Virgin puis en 2005 chez At(h)ome.
Mass Hysteria commence à répéter en 1993 et sort son premier album Le Bien-être et la paix en 1997. Le groupe perce réellement en 1999 avec son second album Contraddiction, produit par Colin Richardson (Machine Head, Fear Factory), qui mixe les sons graves des guitares saturées en avant, les associant à une rythmique et des samples hyper énergiques et une voix mixée comme un instrument. Signés chez Yelen/Sony, ils opèrent un pont entre la dynamique crossover et la nouvelle scène néo metal.
Le groupe compte neuf albums à son actif, sortis entre 1997 et 2018. Après le carton de la tournée Contraddiction, Le groupe enregistre en 2001 De Cercle en cercle, aux influences plus variées, plus pop, et les connections du groupe s’éloignent de la scène metal, au moins pendant quelques années. Mais le groupe revient en force avec les années 2010, et publie notamment un live, joue au festival Sonisphère, et à l’Olympia pour ses vingt ans en 2013. En 2015 avec Matière Noire, le groupe est reboosté et part pour une tournée de plus de 100 dates.
Pleymo, fusion Hip hop metal
Pleymo débute en 1997 à Fontainebleau, avec une base de musiciens qui se connaissent depuis le lycée. Après un premier album chez l’indépendant Wet Music paru en 1999 (Keçkispasse?), ils signent chez Epic Sony et sortent leur second album Épisode 2 : Médecine Cake en 2002. Ils jouent avec Slipknot et se font connaître en Europe et au Japon. Les paroles du groupe sont davantage axées sur la pose, la drague ou la vie quotidienne que sur des questions politiques.
À côté des guitares metal, Pleymo utilise un chant rap et un DJ, et emprunte des vocaux criés au Punk Hardcore. En terme de réseaux, Pleymo intègre la Team Nowhere à la fin des années 1990 (Wünjo, AqME, Enhancer, Noisy Fate), notamment pour partager des opportunités de concerts. En 2003, ils sortent l’album Rock, plus pop, qui leur vaut une nomination aux Victoires de la musique 2004 ainsi qu'aux MTV Music Awards. Ils réussissent plusieurs fois à intégrer des titres à des bandes sons de jeux vidéos (Sept pour Guitar Hero 2, Xbox 360). Le groupe se sépare en 2007. En 2017, ils montent la tournée Pleymo Revival Tour pour les 20 ans du groupe. Ils ont édité quatre albums entre 1999 et 2006.
Groupe parisien formé en 1994, Watcha sort sont premier album en 1998. Ils sont parmi les premiers a posséder ce son typique du metal avec un groove et des breaks caractéristiques, un chant alternativement rappé et crié et des refrains accrocheurs. À leur début, ils sont majoritairement décriés par le monde du metal, malgré leur technicité avérée. Ils sont cependant bien reconnus sur scène, ce qui leur permet d’intégrer l’équipe du tourneur Sriracha, puis de signer chez Yelen/Sony (comme Mass Hysteria ou Oneyed Jack).
Watcha acquiert une bonne notoriété au début des années 2000, mais Mutant (2003), puis Phénix (2005) plus pop, ne sont pas suivis par les fans du début, peu séduits par ce tournant artistique. En 2007, avec Falling by the Way Side, le groupe retrouve une inspiration et une production plus directement metal (on parle de Metalcore). Le groupe a édité cinq albums entre 1998 et 2007.
Enhancer
Enhancer débute en 1996 dans les Yvelines (près de Paris), dans un registre situé entre metal et rap. Le groupe signera cinq albums entre 2000 et 2008, avant de splitter. Il s’appuie notamment sur son appartenance à la Team Nowhere, structure de tournées. C'est au début des années 2000, avec l'album Street Trash, que la notoriété du groupe est la plus forte. Le groupe joue notamment à une heure de grande écoute pour l’émission de télévision Nulle Part Ailleurs.
Enhancer réalise cinq albums entre 2000 et 2008. Ils signent chez Barclay pour leur second album. Dans le monde du Neo metal, ils apparaissent comme les plus proches du rap et l’évolution de leurs derniers albums mais aussi du monde du skate et des sports de glisse. Le groupe compte trois chanteurs et propose de nombreux featuring, notamment sur Street Trash. Parrain du Furia Sound Festival de Cergy en 2008, ils y organisent un événement pour les dix ans de la Team Nowhere, qui est édité en DVD.
Eths, Dark neo metal torturé
Eths est un groupe metal des Bouches du Rhône auteur de cinq albums entre 2004 et 2016. Le chant féminin du groupe est partagé entre parties gutturales et parties à voix claire. À ses débuts, Eths publie plusieurs EPs, dont le plus connu est sans doute Samantha. Le groupe tourne alors beaucoup, notamment avec Lofofora, Watcha ou Aqme. La chanteuse, Candice, est à ce moment la porte parole du groupe. Par les ambiances torturés des clips, les titres parfois morbides (Autopsie) ou le look des musiciens, le groupe attire d’abord un public de neo goths, mais se revendique pleinement metal.
Il a donc une position spécifique dans la scène Neo metal, moins fun, plus dark, moins concret ou social que beaucoup de groupes de la nouvelle vague. On parle aussi parfois de Deathcore à propos du groupe, notamment à cause de l’alliance de refrains mélodiques et des voix criées. Dans la seconde partie de sa carrière, le groupe change de chanteuse, embauchant Rachel Aspe. Le groupe se sépare en 2017. Eths fut membre dans les années 2000 du collectif Coriace basé à Marseille (avec Tripod, Babylon Pression ou encore Biocide).
Basses slappées, guitares accordés en ré, rythmes syncopés à base de breaks, refrains aux lignes de chant mélodiques, fréquences sonores compressées… Si le Neo metal présente des attributs esthétiques et musicaux spécifiques, il se distingue aussi par des éléments organisationnels. Le Neo Metal est associé au nouveau millénaire post grunge, celui où les adolescents arborent piercing et tatouages, et où le metal est pénétré par des emprunts à d’autres subcultures (dreadlocks, casquette). Un certain esprit d’initiative (qui doit au hip hop mais aussi à une frange du hardcore) est mis en avant. Il va jusqu’à la promotion de marques via l’endorsement (groupes sponsorisés). Le phénomène existait déjà dans le heavy ou le death metal pour le matériel de musique (instruments, cordes, symbales, amplis). Avec le Neo metal, il se propage aux vêtements ou aux chaussures.
Les groupes s’inscrivent au sein de collectifs qui font office « d’incubateurs d’entreprises en développement ». Les groupes tournent collectivement en vendant des « plateaux » communs, mutualisent des services ou des emplois pour assurer leur communication ou se donner des conseils d’enregistrement. Parmi les collectifs les plus connus de la première décennie des années 2000, on peut citer la Team Nowhere en région parisienne, Coriace à Marseille ou Antistatic à Toulouse.
Explosion d'identités diverses
Au milieu des années 2000, pour la presse spécialisée et les programmateurs de concert, l’avenir est au Neo metal. Pourtant, de multiples directions émergent. Les courants extrêmes (death et black) amènent sur le devant de la scène des groupes qui collaborent parfois avec la scène crossover/neo metal. D'autres, au son plus classique, subsistent ou se reforment. Certains musiciens circulent entre les mondes du jazz, de l'electro, des comédies musicales ou de la variété. D'autres s’expriment dans des styles qui peuvent être réintégrés « à la grande famille du metal » : dark ambient, shoegaze black metal... Le Hardcore, notamment dans son pendant new-yorkais, traverse aussi le mouvement metal et on trouve même des groupes parodiques, inspirés autant par une tradition populaire (parfois populiste) centenaire que par la dérision grindcore.
Une scène metal française visible
La France va-t-elle révolutionner le metal ? Une thématique qui fleurit dans les médias de la seconde partie des années 2000. Désormais, les groupes français sont considérés et pris en compte dans l’environnement international du metal. Quand on l’aborde dans sa diversité, entre nouveaux groupes et redécouverte des anciens, la scène metal française apparaît comme très dynamique et structurée, avec des festivals dédiés et des producteurs de spectacles spécialisés. Les avis positifs se multiplient : magazine anglais Terrorize, label allemand Nuclear Blast...
L'article collectif de la rédaction de la revue Hard&Heavy apporte un témoignage sur le quotidien des groupes, leur rapport à la professionnalisation (on n’en vit pas, il faut diversifier) et les avis de professionnels, tel Stéphane Buriez, leader de Loudblast et cogérant d’un studio d’enregistrement qui produit des groupes français de divers styles de metal. On voit aussi les divers circuits associés au niveau de développement et à l’environnement subculturel des groupes. Le metal français obtient des échos, comme le soulignent Metal Hammer en septembre 2016 ou le Bandcamp Daily en juillet 2017.
Patrick Rondat, french guitar hero
Patrick Rondat est d’abord influencé par Ronnie Montrose. Lors de son adolescence, il joue dans un groupe de Hard rock. Il sort son premier album solo en 1989 (après une collaboration avec Squealer sur l’album compilation Hard rock rendez vous).
En 1991 sort son second album, Rape of the Earth. Il participe aux Monsters of Rock en première partie d'AC/DC et Metallica.
En 1998, il est l’un des artistes de la tournée européenne du G3 avec Joe Satriani et Michael Schenker. Mais comme beaucoup de guitaristes solo/guitar heroes, il ne se limite bientôt plus au metal. Il collabore notamment avec Jean-Michel Jarre, qu’il accompagne longtemps en tournée ou encore avec les jazzmen Didier Lockwood et Michel Petrucciani.
Les influences musicales de Dagoba vont de Pantera à Machine Head et d'autres groupes de metal des années 1990. Le groupe est l’un des plus connus du genre en France aujourd’hui, il a été signé chez Season of Mist, chez VeryChord et même sur la major Sony pour le dernier album (Black Nova).
Outre des refrains mélodiques et évidents, le groupe puise des influences dans le Death metal (notamment pour les voix), le Power metal, l’Indus metal (ils utilisent des samples et synthétiseurs), voire le Nü metal. En 2018, Dagoba fait un featuring sur l'album Enfantillages, les 10 ans d'Aldebert, sur le titre Du (très) gros son, confirmant, s'il était besoin, qu'il n'y a pas d'âge pour jouer et écouter... du gros son !
Manigance témoigne de l’ampleur générationnelle des musiciens impliqués dans la scène metal française contemporaine et souligne l’intensité de cette culture pour nombre d’amateurs, qu’ils gagnent ou non leur vie avec la musique.
Manigance débute comme groupe de reprises, avec des titres de Van Halen, Pretty Maids, Toto ou Judas Priest. Ils sortent en premier lieu en 1997 un 6 titres chez Brennus Music, un label de Hard rock/Heavy metal traditionnel plutôt focalisé sur la réédition et, jusqu’alors, les groupes étrangers. Manigance propose des textes écrits en Français. Ils ont enregistré huit albums entre 1997 et 2018, et ont signé chez Verychords après un passage chez XIII bis records.
Elend est un groupe de Dark ambient actif entre 1993 et 2007 signé chez Holy records, connu pour sa trilogie L’Office des ténèbres, qui comprend trois albums publiés entre 1994 et 1998. Elend repousse les frontières du metal. Mis à part part une voix criée de temps à autre, leur musique peut davantage être associée à la musique classique savante écrite de la seconde moitié du XXe siècle (Scelsi, Henry, Lévinas, Eötvös, Penderecki, Schnittke), par les modes de composition et les instruments utilisés. Mais ses musiciens évoluent dans la scène metal. Par ailleurs, la musique ambient ou atmosphérique trouve dorénavant sa place dans l’univers metal, notamment via de nombreux projets solo de musiciens issus des scènes metal extrêmes.
Si Elend a été affilié au metal, c'est « parce que c'était la scène musicale dans laquelle nous évoluions auparavant en tant qu'auditeurs et que c'est là que nous avions nos contacts. D'autre part, il y avait au début des années 90 un appétit de nouveauté, de profondeur et un esprit d'ouverture (…)De plus, il y avait dans nos premiers albums un élément vocal que seul le public métal était capable de vraiment apprécier » (Thrashocore, 2007).
Alcest est un groupe qu’on pourrait qualifier de Post-black metal, de Shoegaze black metal ou Blackgaze français, originaire de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard. Le groupe, qui chante en Français est l’un des projets hexagonaux les plus réputés et appréciés à l’international. Il remet en cause de nombreux stéréotypes metal, dans le traitement des guitares ou de la voix. En termes de son, il flirte avec la scène pop shoegaze anglaise du début des années 1990, ayant notamment collaboré avec Neil Hasted, chanteur de Slowdive.
Alcest a commencé en jouant un Black metal assez typique. Il est avant tout le projet solo du musicien Neige, que l’on retrouve dans de nombreux autres projets Black metal. En 2007, son premier album studio, Souvenirs d'un autre monde, plaît aux médias underground et indés. Les guitares se situent entre True black metal et pop shoegaze hétérée, les voix alternent entre chant crié et voix claires et mélodiques. Le registre des paroles oscille entre romantisme et nostalgie. En 2016, le magazine anglais Metal Hammer le classe parmi les meilleurs groupes de metal. Invité par Robert Smith (The Cure), dont Neige est fan, Alcest joue en juin 2018 à Londres. Le groupe, signé sur le label Prophecy, a sorti cinq albums entre 2007 et 2016.
Black Bomb A, formé en 1998, est originaire de Viroflay dans les Yvelines. Le groupe, dont le premier album est enregistré par Stéphane Buriez, rejoint en 2000 le tourneur Sriracha et profite des réseaux construits par la dynamique Rap metal/Neo metal. Inspirés par le Heavy metal, le Punk et le Hardcore, ils répètent dans les locaux de Sriracha et jouent lors des Sriracha tour 1, 2 et 3, avec Lofofora, Watcha, Oneyed Jack ou Tripod en France, Suisse et Belgique.
En 2003, ils rejoignent Enragé production, la structure monté autour du groupe rennais Tagada Jones, avec qui ils réalisent de nombreux concerts. C’est l’époque où certains acteurs issus du Hardcore et d’autres issus du metal convergent autour d’une dynamique « musiques extrêmes », comme des festivals (FuryFest puis Hellfest) ou des distributeurs phonographiques (Overcome).
En 2006, Black Bomb A signe avec le label Mon slip (comme Gojira pour son troisième album). Black Bomb A passe ensuite chez Verychords. Ils ont réalisé sept albums entre 2001 et 2018.
Benighted, Brutal death psychiatrique
Le groupe se forme en mai 1998. Il est parfois qualifié de Brutal deathcore. Ses musiciens ont intégré le New York hardcore et les ambiances sombres du Black metal. Leur chanteur, J. Truchan, travaille dans un hôpital psychiatrique et s’en inspire pour les textes du groupe.
En 2011, le groupe signe avec le label français à dimension internationale Season of Mist et sort l’album Asylum Cave, alors que le chanteur contribue aux parties vocales de l'album Global Flatline d'Aborted. Le groupe a sorti 9 albums entre 2000 et 2017, soutenu par de nombreux concerts en salles et en festivals.
Betraying the Martyrs est un groupe originaire de Paris, formé en 2008. Leur musique est souvent qualifiée de Deathcore ou Metalcore. Leurs compositions sont à base de voix gutturales, de breaks et de blast beats fréquents contrebalancés par des refrains fédérateurs avec voix claires, et quelques synthés. Le groupe sort son premier EP en 2009. Il est autoproduit et mixé par Stephane Buriez.
Il publie ensuite trois albums entre 2011 et 2017. Leur dernier album, The Resilient, est inspiré des attentats de 2015 en France. Le groupe revendique aussi sa foi chrétienne, et peut donc être affilié au metal chrétien, peu développé en France. Les paroles en anglais, comme le son mainstream du groupe, lui permettent de commencer à toucher une audience internationale.
Ultra Vomit, parodique (pas si) absurde
Il reprennent une tradition de chanson populaire comique paillarde et scatologique présente depuis plus d’un siècle en France, et déjà représentée à Nantes par Elmer Food Beat. Cependant, ils sont un véritable groupe de metal, qui joue sur le contraste entre lourdeur et précision du son et paroles anecdotiques.
Ils sont influencées par le monde des dessins animés, de la communication et plus largement des cultures populaires. Une partie de leur répertoire est constituée de génériques de dessins animés ou de tubes des hit parades. Mais le schéma qu’ils adoptent en général est celui de la parodie des divers genres de metal (Death, Black, Industriel, Hardcore, Heavy metal…) ou de styles particuliers de groupes dont ils imitent la manière de jouer et reprennent le débit, y ajoutant des paroles en Français. Ainsi dans Panzer Surprise! (2017), Calojira est un mix entre les styles de Calogero et de Gojira, et Kammthaar est interprété dans le style de Rammstein. Ultra Vomit a sorti 4 albums entre 2004 et 2019.
La diversité des expressions musicales du metal l’a amené plus récemment à jeter un coup d’œil dans le rétro, pour explorer le répertoire de la fin 60s/début 70s (psychedelic et acid rock) : ambiance sonore, ralentissement du tempo, comme à l’époque des premiers albums de Black Sabbath, morceaux s’étalant sur une face entière de vinyle. Ce revival vintage, qui se retrouve jusque dans les amplis, les barbes et les vestes en peau de mouton, est complété et concurrencé par la conceptualisation et les productions lourdes et noires des groupes de post metal (cousin metallisé de la vague post rock de la fin du siècle dernier). À l’extrême, le metal se rapproche, par exemple via le crippling doom du drone, de l’ambient, de la noise ou même de la musique classique répétitive américaine.
Monarch, défricheur improvisateur
Originaire de Bayonne, Monarch commence a jouer en 2002. Des Melvins à Discharge, de Black Sabbath a Khanate, leurs influences sont multiples, mais le groupe, situé dans des terres encore peu défrichées, creuse cependant un sillon assez précis, celui d’une musique lente et torturée, mais aussi spirituelle, ou perce parfois des moments de plénitude. On parle de Doom metal, de Funeral doom, de Sludge, pour qualifier la musique de Monarch. Le groupe, signé sur les labels Music Fear Satan et Profound Lore, a publié huit albums entre 2005 et 2017, ce à quoi il faut ajouter plusieurs EP et split EPs pour divers labels qui se reconnaissent dans la démarche de Monarch.
Leurs compositions s’étalent dans le temps et dépassent fréquemment les 10 minutes. Elles sont construites collectivement, lors de phase d’improvisation. Le tempo est lent et les guitares lourdes et saturées, mais les arrangements restent minimalistes. La voix de la chanteuse Emilie Bresson est souvent criée, parfois chantée.
Le groupe a publié trois albums entre 2012 et 2017, ainsi que plusieurs singles, et propose une musique à base de riffs de guitares lourds et une atmosphère planante inspirée des années 1970, qui doit autant à Sleep qu’à Pink Floyd selon les musiciens.
Mars Red Sky enregistre son premier album en 2011 et commence à tourner en France. Ils jouent notamment aux Eurockéennes, au Festival Levitation puis au Desertfest de Berlin et de Londres. Ils jouent en Europe, puis aux États-Unis. Ils signent un contrat en 2014 avec le label Listenable. Après la sortie du second album Stranded in Arcania, ils jouent au Hellfest ainsi qu'au Motocultor. Ils jouent aussi bien dans les réseaux metal que dans ceux associés au rock psychédélique.
Year of No Light est un groupe de Post-metal originaire de Bordeaux. Les premières répétitions ont lieu en 2001, mais à l’époque, le groupe n’est qu’un side project pour les musiciens. Nord, le premier album, est publié en 2006 et doit autant au Sludge qu’a des sonorités shoegaze. Avec le temps, le groupe se durcit un peu, en intégrant des influences Black et Doom metal à son Post-metal. Le groupe publie trois albums entre 2006 et 2013.
À compter de 2008, Year of No Light comprends six membres, dont deux batteurs et trois guitaristes. Ils jouent dans de nombreux festivals européens et effectuent leur première tournée américaine fin 2014. Les musiciens participent aussi à plusieurs projets interdisciplinaires. On peut citer en 2010 un ciné-concert où ils composent une bande son pour le film Vampyr de C. T. Dreyer (1932) jouée dans plusieurs pays. Ils collaborent également avec l’artiste d’art contemporain Christian Vialard pour une pièce visible à la Villa Arson de Nice en 2011.
The Great Old Ones, Lovecraft mis en musique
Le groupe trouve aussi son originalité dans les thématiques abordées, inspirées des écrits fantastiques du romancier H. P. Lovecraft (tout comme le nom du groupe). D’abord un projet solo du bordelais Benjamin Guerry, The Great Old Ones sort son premier album, Al Azif, en 2012 chez les Acteurs de L’Ombre, puis Tekeli-Li, en 2014.
Ils signent ensuite en 2017 chez The Season of Mist pour la sortie de leur troisième album, EOD: A Tale of Dark Legacy.
L’intérêt du groupe vient de l’ambiance globale qu’il crée auprès de l’auditeur, aussi bien via l’écriture de longues plages sonores qui se succèdent dans un tout cohérent, que de l’imagerie associée au groupe et les textes lovecraftiens qu’il propose. Parfois des extraits de romans sont déclamés comme transition entre les morceaux.
Regarde les Hommes Tomber est un groupe nantais de metal extrême. Il débute en 2011 et sa musique, atmosphérique et dramatique, puise dans le Sludge, le Doom, le Black et le Post-rock. Le groupe prépare actuellement son troisième album. Regarde les Hommes Tomber présente un monde hostile et paradoxal, et propose à l’auditeur un voyage introspectif. En concert, il privilégie une mise en scène intimiste avec peu de lumière. Les textes sont inspirés des mythologies antiques. Pour les visuels, ils travaillent avec le duo de graphistes Fortifem.
Le groupe débute les concerts en 2012 en première partie de Wolves in the Throne Room, groupe canadien de Cascadian Black Metal (genre musical originaire de la Cascadie, région du nord-ouest des États-Unis d'où il tire son nom). Suite à leur signature avec le label Les Acteurs de L’Ombre, l’arrivée d’un chanteur et la sortie de leur premier album, ils tournent beaucoup en France et en Europe, épaulés par le producteur de spectacle Kongfuzi. Ils signent en mars 2019 avec Season of Mist et préparent leur troisième album.