Allons-nous découvrir le secret de la chanson d’enfance ?
Cette exposition prend le chemin de plusieurs générations d’enfants, sur la trace des trois petites notes de musique, à la recherche des petits mondes qui se transmettent dans un rituel affectueux et mystérieux.
Quand on évoque les chansons enfantines ou jeune public (comme on dit aujourd’hui), surgissent des ritournelles incontournables, celles des chansons et comptines traditionnelles. Bernard Cousin identifie un noyau d’une trentaine de chansons, recyclées du répertoire adulte, transmises avec précaution, pour être chantées depuis au moins le milieu du XIXe siècle (L’enfant et la chanson, éditions Messidor, 1988). On connaît ces chansons, elles mériteront une exposition à elles seules.
Bien d’autres se sont superposées à ce répertoire immémorial : c’est une partie de celles-ci que nous avons choisi de collecter, guidés par le plaisir du collectionneur.
Adressées intentionnellement aux enfants ou chapardées joyeusement par les mêmes, les chansons, contes musicaux, et autres « opérettes disquées » du XXème siècle sont à écouter, regarder, chiner, dans un léger parfum de madeleine, une jubilation d’anciens enfants, une attention aussi curieuse qu’amusée.
Au cours de cette « ballade », libre et non exhaustive, on pourra observer dans le désordre : des paysages sonores illustratifs, des mélodies soufflées par des oiseaux de paradis, des chansons comme des ballons, des histoires pour respirer ensemble, des souvenirs, des mondes parallèles, des interprètes drôles-tendres, des auteurs inattendus et des poètes surréalistes, des voix de créatures familières, des sketchs géants, des aventures pour apprendre, rêver, grandir…
"Les enfants sont tout sauf ce qu’on leur enlève" - Jacques Prévert.
Par Delphine Lagache
En collaboration avec Dominique Boutel, Françoise Ténier, Gérard Authelain.
© Deagreez
Anne Sylvestre et les Fabulettes
En 1962, l’apparition des premières Fabulettes dépoussière le répertoire des chansons enfantines. Cinquante-cinq ans plus tard, on en compte 300, incontournables. Fabulette, un mot pour dire « petite fable », et qui désigne à merveille les chansons qu’Anne Sylvestre adresse aux enfants. Des chansons « doudou » partagées par déjà trois générations…
Anne Sylvestre, en même temps que Jacques Douai, autre pionnier, pose « les bases de la chanson moderne pour les enfants tissées de poésie, de vie quotidienne, d’humour et de tendresse » comme l'explique Anne Bustarret dans "La mémoire enchantée" (Ed. Enfance heureuse, 1986).
Anne Sylvestre, auteure-compositrice-interprète
Lorsqu’elle apparaît en 1957 dans les cabarets parisiens, elle est singulière : une femme à texte et à la guitare parmi les hommes et parmi les yéyés. On l’appelle la « Brassens en jupons » alors qu’elle est déjà déterminée à créer une œuvre personnelle et originale.
Elle est aujourd’hui devenue une icône. Telle une figure sacrée de la chanson française, elle est adulée par un public fidèle, comme par les artistes qui incarnent la relève de la chanson …Tous transformés par le sens de ses chansons et peut-être pour certains d'entre eux marqués au plus profond d’eux-mêmes par leurs impressions d’enfance.
Le saviez-vous ?
Anne Sylvestre a adhéré à la Sacem en 1960 comme auteure et compositrice. Elle y a déposé plus de 650 œuvres, dont elle a signé pour quasiment toutes, paroles et musique. En 1976 elle est lauréate du Prix Sacem de la chanson pour enfants.
Anne Sylvestre, un double parcours
« Je n’écris pas dans un même temps les chansons pour les enfants et celles pour les adultes ». « Il faut être dans un état particulier pour écrire les unes comme les autres. Mais je les écris avec le même soin, car ils ont le droit à avoir aussi de beaux mots et pas seulement des mots trop simples » dit-elle lors de la conférence « Fabulettes pour la vie » organisée par le Hall de la Chanson en 2017.
Brassens a dit d’elle : « Je pense qu’elle puise l’inspiration dans ce que font tous les poètes, c’est-à-dire dans ce qui concerne l’homme ».
Ici, son acte d’adhésion à la Sacem, signé en avril 1960.
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Les Fabulettes
Tout commence avec Veux-tu monter dans mon bateau ? et les cinq autres chansons parues dans le livre disque Philips en 1962.
Ces 6 premières chansons forme le socle de toutes les suivantes. Leur ensemble représente les différentes formes des Fabulettes à venir : comptines, berceuses, histoires, chanson à reprendre, « chanson pour »…
En 2007, dans la chanson "Les rescapés des Fabulettes", Anne Sylvestre livre en recul, l’intention des Fabulettes : « En me glissant dans leurs oreilles, j’ai cheminé jusqu’à leur cœur comme autant de petites abeilles qui ont fait leur miel avec mes fleurs ».« Je disais que c’était les rêves qui faisaient grandir les enfants». « Si j’ai enchanté leur enfance, la mienne était cachée dedans».
En savoir plus : Anne Sylvestre, poétesse pince sans rires des petits et des grands (Le Monde / septembre 2007).
La chanson de Marine, La mer et le rêve
Cette chanson donne un repère géographique: celui du berceau des chansons d’Anne Sylvestre. C’est sur l’île des Glénans, là où sa jeunesse en vacances se déroule, pendant les veillées, qu’elle rencontre la chanson, notamment Colchique dans les prés. Ce standard des chansons scouts, que l’on croit sans âge et sans auteur, a été écrite et composée par Francine Cockenpot.
Anne Sylvestre cite l’auteure et compositrice dans les fondements de sa révélation sur la chanson et son interprétation.
Est-ce aussi de là qu’elle tient une singulière façon de chanter de tout près, créant une douce et rassurante proximité entre elle et son public, comme autour d’un feu de camp ?
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La chanson de Marine, La mer et le rêve
Le rêve bien protégé, est ici symbolisé par l’île. On retrouve le thème de l’île dans la très poétique et rêveuse Fabulette marine L’île en l’eau : « je voudrais une île, pour vivre tranquille ». On y trouve aussi écho à la Valse marine, chanson pour adultes, qui se souvient au passé simple et dans un sourire, d’une nuit et d’un amour maritime déçu…
La mer, l’eau, sont une source d’inspiration pour Anne Sylvestre : Veux-tu monter dans mon bateau ? est la toute première fabulette qu’elle écrit, inspirée par un armateur rencontré aux Glénans qui disait de son bateau « l’est pas bien beau, mais il va sur l’eau ».
Pour preuve encore, Anne Sylvestre tient son nom d’artiste d’une chanson traditionnelle de marin « Sylvestri » entendue et chantée alors qu’elle était enfant. Le cycle de la chanson d’enfance est comme le cycle de l’eau…
Des chansons pour….
Destinées aux plus petits des petits, toutes sont descendantes de Chanson pour sauter à la corde figurant parmi les six premières Fabulettes parues en 1962. Elle ne donne pas la règle du jeu mais raconte l‘histoire « énumérée » d’une grenouille qui se marie avec un alligator, récit qui rythme le saut à la corde !
Le titre des Chansons pour leur donne une fonction, une indication sur leur écoute. La chanson, elle, délivre un mode d’emploi, joue des mots, invite à chanter, à remuer, à s’amuser … une gentille espièglerie est souvent cachée dedans.
Dans cette série de Fabulettes, aussi, toute la science de l’orchestration de François Rauber est à l’œuvre.
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Comment tu t’appelles ?
Personnifier c’est entrer en contact, c’est faire comme les enfants qui demandent toujours quand on se rencontre « comment tu t’appelles ? », comme Anne Sylvestre l’explique à Martin Pénet sur France Musique.
Nommer c’est s’intéresser aux gens, c’est leur dire en chanson qu’ils ne sont pas seuls. Appeler, c’est s’adresser en direct, franchement.
Selon Anne Bustarret, auteure de nombreux ouvrages sur la chanson enfantine, Anne Sylvestre utilise les prénoms aussi par goût du son. Leur diversité est l’occasion de toutes les rimes. En nommant tous ces prénoms, peut-être veut-elle adresser un message plus universel ? » dit-elle également.
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Anne Sylvestre dit vrai
Dans les années soixante, cette posture marque un tournant dans la chanson jeune public moderne. Les chansons d’Anne Sylvestre intègrent la nouvelle socialisation de l’enfant, et témoignent de la place différente qu’on lui accorde dans la société.
Pour aller jouer chez… , par exemple, raconte les moments qui rythment les journées de l’enfant : faire ses devoirs, goûter, jouer, s’ennuyer. L’impatience de passer à autre chose est portée par la course folle entre le texte d’Anne Sylvestre et la musique de François Rauber.
Les Fabulettes s’ancrent dans la réalité : « par exemple, je n’ai jamais prétendu que la coquille de l’escargot c’est une maison, non c’est une coquille, et puis voilà », dit–elle à Cécile-Prévost-Thomas.
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Douce fantaisie, tendresse et rigolade
André Bourvil et Henri Salvador.
Ces artistes de la chanson francophone ont en commun d’avoir conquis les enfants en leur adressant intentionnellement ou non chansons et histoires, par le cinéma, la télévision et les vinyles.
Les enfants ont reconnu chez eux un gentil tonton, un copain de récré, un grand frère qui dit des gros mots, une créature de conte. Leur personnalité et leurs personnages sont du même monde que celui des enfants. Découvrons ou redécouvrons ces pièces tendres et drôles, intemporelles ou décalées.
Bourvil - « Dis donc tonton »
Bourvil a interprété des chansons créées spécialement pour les enfants : Une jolie trompette et La belle abeille en font partie. Tant d’autres, adressées à tous publics (souvent via la cinéma), comme les joyeuses et sautillantes Salade de fruits, La tactique du gendarme, ou les tendres La Ballade irlandaise ou encore C’était bien (le bal perdu), ont été écoutées, chantées pour et par les enfants.
Le saviez vous ?
André Raimbourg, dit Bourvil, est un acteur, chanteur et humoriste français, né le 27 juillet 1917 à Prétot-Vicquemare et mort le 23 septembre 1970 à Paris. Auteur de chansons, il a adhéré à la Sacem le 6 février 1945 et y a déposé près de 70 œuvres. Il est l’interprète de plus de 200 œuvres.
Bourvil et l’enfance
C’est le personnage de Bourvil tout entier qui s’accorde à l’enfance, toutes générations confondues. Andrel, premier pseudo hommage à son idole Fernandel, est un paysan naïf à l’accent simplet, dérivé du comique troupier qui, au cinéma comme dans ses sketches, s’en sort toujours grâce à sa gentillesse. Tel un enfant, il incarne la naïveté et l’innocence.
Dans la vie, il est décrit comme un grand cœur généreux. Il est sincère « Il faut être heureux pour faire rire » et modeste « je crois que parmi les jeunes j’ai quelques supporters ».
Son ressort pour surprendre : être très drôle ou très émouvant, avec une souplesse et une vitesse d’enfant. Il se prête au jeu de toutes les invraisemblances.
Parfois il est un enfant, comme dans ce petit film où on l’embarque au jardin d’acclimatation. Parfois il est un tonton, celui que les garnements taquinent tout au long du disque Bourvil chante pour les enfants, en 1953.
Bourvil et l'enfance
Bourvil est aussi un papa qui chante : La Ballade irlandaise a été déposée en avril 1958 et Berceuse à Frédéric en 1965, alors que ses enfants sont jeunes. Ses chansons ont été transmises de génération en génération par le biais de films familiaux à grand succès. Dans Le Trou Normand, film de Jean Boyer, il interprète Les enfants fan fan.
Avec son complice Jacques Poterat (adaptateur de Bella Note, chanson de la scène culte de La Belle et le Clochard de Disney), il joue des ritournelles et des vire langues.
Dans La Ballade irlandaise, « un oranger sur le sol irlandais », figure amusante et impossible, à l’image de la « fourmi de 18 mètres » de Desnos… parce que ça n’existe pas et que les enfants ne sont pas dupes !
Bourvil, aussi drôle que tendre, est de la même famille que tous les enfants.
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Bourvil - La Belle abeille
Ce titre a été déposé à la Sacem en juin 1944. Ecrit par Jacques Poterat et composé par Guy Lafarge, il fait partie de l’album Bourvil chante pour les enfants (1953), où l’oncle-chanteur dans un sketch géant tente de raconter et d’enseigner des choses, de trouver des chansons à chanter ensemble, à une sacrée bande de gamins impertinents et rigolards.
Le gentil tonton chante la ferme : ses chansons évoquent animaux et insectes, comme Le petit coq. Des œuvres qui témoignent du lien important avec la ruralité qui à cette époque commence à s'éloigner.
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Bourvil - Une jolie trompette
Jacques Poterat et Guy Lafarge sont également les créateurs d’Une Jolie Trompette, déposée à la Sacem le 8 août 1944. Entre la chanson d‘énumération et la chanson de cour de récréation, avec des paroles utilisant une référence absolue, celles de « son papa l’a dit et sa maman aussi ». Une Jolie trompette est interprétée par Bourvil entouré d’enfants.
La relation parlée entre les gosses –comme on dit à l’époque- et Bourvil, et le garnement qui souffle dans la trompette, font de cette œuvre un sketch en forme de chanson faussement traditionnelle.
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Henri Salvador
Comment Henri Salvador a-t-il semé tant de graines de chansons d’enfance ? Suivons les indices... Né en 1917 à Cayenne, en Guyane, et décédé en 2008 à Paris, Henri Salvador était un auteur, musicien, compositeur – et surtout mélodiste – interprète, crooner, « showman », fantaisiste, animateur, producteur, éditeur… Il a adhéré à la Sacem en 1949 en tant que compositeur, puis en 1952 en qualité d’auteur. Il y a déposé 725 œuvres. La Sacem lui a décerné le Grand Prix de l’Humour en 1987. Il a également été honoré d’un Grand Prix de l’Unac en 2004 pour l’ensemble de sa carrière.
La loup, la biche et le chevalier
La première pousse éclot avec splendeur en 1950 : Le loup, la biche et le chevalier, une ballade enfantine, première chanson proposée à Henri Salvador par Maurice Pon, qui deviendra son parolier attitré à la tendresse, tous publics confondus.
Devant l’évidence, Henri Salvador compose dans la fulgurance, en prenant soin d’y ajouter un peu de son amour pour le jazz : un accord be-bop complexe de Dizzie Gillespie.
Chanté dans un souffle doux, il en fait le clair murmure d’une berceuse devenue universelle. Ce conte de fée est un rite de transmission: « cette chanson douce, je veux la chanter aussi… ». Des générations de parents le feront de tout près.
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Henri Salvador - Petit Indien
On retrouve la même incroyable douceur dans Petit indien, élégante bossa pour petits, écrite par Maurice Pon et composée par Henri Salvador, toute aussi soignée que Dans mon île destinées aux adultes. L’œuvre a été déposée en décembre 1953 à la Sacem. Ils ouvrent une fenêtre sur le paradis, s’amusant pour les enfants en onomatopées et usant du récit.
Ces chansons sont d’autant plus douces qu’Henri Salvador est un personnage fantasque, dont le rire homérique est capable de traverser des décennies. Son art du déguisement et de la grimace s’adresse indistinctement aux petits et aux grands : la collection de ses scopitones est à découvrir en famille !
Une des graines semées dans la mémoire des enfants est incontestablement le son de sa voix racontant l’histoire d’Emilie Jolie et interprétant La chanson de la petite fille dans la chambre vide et La chanson finale. Pour Disney, Henri Salvador prêtera également sa voix à des créatures diverses et incarnera en chansons les récits incontournables.
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Douce fantaisie, mots rigolos et voix amies
Pierre Perret et Ricet-Barrier.
Ces artistes de la chanson francophone ont en commun d’avoir conquis les enfants en leur adressant intentionnellement ou non chansons et histoires, par le cinéma, la télévision et les vinyles.
Les enfants ont reconnu chez eux un gentil tonton, un copain de récré, un grand frère qui dit des gros mots, une créature de conte. Leur personnalité et leurs personnages sont du même monde que celui des enfants. Découvrons ou redécouvrons ces pièces tendres et drôles, intemporelles ou décalées.
Pierre Perret - Mots, argot, bêtises et liberté
Au fond, on doit pouvoir dire, grands ou petits, tout le vocabulaire qu’on a la chance d’apprendre. L’immensité des mots s’est révélée à lui, un jour, chez un libraire de son village. Devenu auteur, il l’agencera avec grand soin pour décrypter, rire ou dénoncer. Utiliser les gros mots, tant qu’ils ne sont pas racoleurs ou sales, est moins grave que l’intolérance ou la privation de liberté. Et la réaction d’hilarité est immédiate. Le « ping-pong » avec les enfants n’a jamais cessé.
Le saviez-vous ?
Pierre Perret a adhéré à la Sacem en 1957 en qualité d’auteur et de compositeur. Il a déposé 564 œuvres à la Sacem. Lauréat du Prix Vincent Scotto 1980 pour la chanson Lily, la Sacem lui a également décerné le Grand prix Sacem de l’humour en 1985 et le Grand prix Sacem de la chanson française en 1996.
Pierre Perret - Mots, argot, bêtises et liberté
Vous saurez tout sur les mots, les gros, les interdits, les rigolos, les vrais, les impérissables… Pierre Perret n’a pas fait exprès de conquérir les enfants. Sans permission, les plus jeunes s’approprient Tonton Cristobal sortie en 1969. Avec le célèbre hymne Ouvrez la cage aux oiseaux en 1971, les mouflets libèrent les piafs par milliers.
Pierre Perret leur répond dans un clin d’œil avec Vaisselle cassée en 1975.
Il défend la liberté coûte que coûte. « Laissez leur faire tout ce qui leur plait, moi je les aime bien quand il n’écoutent rien » dit-il encore dans la chanson Enfants foutez-leur la paix, en 1976.
En 1983, lors d’un entretien radio, le journaliste déclare « Si les gosses vous aiment bien, c’est parce qu’ils vous sentent des leurs », il répond « je ne sais si je suis des leurs, mais il y a un statut que j’ai refusé depuis longtemps, c’est celui d’adulte et j’ai toujours je crois en moi quelque chose qui me fera refuser toutes les bêtises des grands qu’ils nous font faire depuis si longtemps ».Une grande tribu s’est formée autour de lui, en témoigne l’album de reprises de ses grands titres par la nouvelle génération, sorti en 2017.
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Ricet-Barrier, la voix des créatures
« Voulez-vous chanter avec moi les enfants ? » invite Ricet Barrier et ses zygomatiques en 1975. Cette voix vous dit quelque chose ? Relevons les indices…Comme avec La dame de Ris-Orangis, on sait qu’il sait raconter des histoires. Il a des yeux malicieux, des moustaches : sa chanson La java des gaulois, 1958, aurait pu inspirer la création d’Astérix… (tout comme Attila est là de Salvador ?)
Le saviez-vous ?
Auteur et compositeur, Ricet Barrier (1932-2011) a adhéré à la Sacem en 1956. Inscrit dans nos mémoires par la radio, l’électrophone ou la télévision, il était un sourire, une voix, une plume, qui prenait tout son envol sur scène…
Indissociable de son complice Bernard Lelou, de ces compagnons de route que furent Jacques Canetti, Mireille, Jean-Claude Vannier, Raymond Devos, Félix Leclerc, les Frères Jacques, frère spirituel des Lapointe, Vassiliu, Louki, Dautin, Sarcloret, Lacouture, Perret jeune, il concevait ses chansons comme des scénettes acidulées et truculentes. Parmi ses œuvres : La servante du château (Grand Prix de l’Académie du Disque), Les vacanciers, Eh la Marie, Isabelle v’là le printemps, Bathing beauties, Dolly, L’enterrement, Betty Boop…Et tant d’autres, dont plus d’une vingtaine de titres chantés par Les Frères Jacques.
Ricet-Barrier, la voix des créatures
Madame Noix de coco, Le big chef cactus, Le pays des petits pois, Petite cacahuète… Répétitions de syllabes, accent étrange, chœurs et rires, petite guitare ou banjo… On retrouve notamment tout cet univers des années 1970 dans une mise en scène de la télé suisse en 1976, amusante et kitch vue d’aujourd’hui !
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Ricet-Barrier, la voix des créatures
Avec Bernard Lelou, son complice compositeur, ils glissent humour, rigolade et force de l’amitié au cœur de leurs oeuvres. Ricet Barrier est également inspiré par l’une de ses idoles, Félix Leclerc, qui lui-même savait s’adresser aux enfants. Y a-t-il puisé une tendresse, d’autant plus touchante qu’elle vient entre deux rires ?
Fermez-les yeux, et retrouvez… la voix du narrateur et des chansons des Barbapapa, du Canard Saturnin ou de Monsieur Zibou dans Colargol . Il a distillé des ingrédients spéciaux dans les chansons qu’il a destiné aux enfants : Jean-Claude Vannier, l’arrangeur de Ballade de Melody Nelson, a orchestré l’album Saturnin et Saturnette, un vinyle de 1972.
A écouter !
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Histoires ancestrales
Les classiques : Pierre et le Loup, Babar, Piccolo Saxo
Contes musicaux, concept-albums, comédies musicales, opérettes disquées, chansons-récits, les artistes de la musique ont raconté toutes sortes d’histoires aux enfants.
« Raconter une histoire, c’est respirer ensemble », dit le conteur Bruno De La Salle. C’est créer un univers et relier les partitions quelle que soit leur famille musicale. Emerveillement, rêve, initiation, humour, pédagogie, tous les registres sont présents dans les quelques histoires incontournables présentées dans cette salle.
Il était une fois un petit garçon, un loup et un orchestre, un éléphant et une vieille dame, des instruments en famille qui marchent et parlent.
Sergueï Prokofieff (1891-1953)
Pierre et le Loup est un conte musical écrit par le compositeur russe Sergueï Prokofieff en 1936. Suite à la révolution russe, Prokofieff s’est exilé d’abord aux Etats-Unis en 1918, puis en France en 1920. Dans les années 30, sa réputation dépasse les frontières et sensible à l’accueil que lui réserve sa terre natale, devenue entre-temps l’URSS, il décide de retourner s’y installer.
À l’époque, Prokofieff a encore les faveurs du pouvoir : la directrice artistique du Théâtre Central pour Enfants de Moscou, Natalia Saz, lui commande une pièce qui doit avoir pour vocation de familiariser le jeune public aux principaux instruments d’un orchestre symphonique.
Pierre et le Loup, l’ancêtre inégalé du conte musical
En une semaine, Prokofieff écrit à la fois le texte du conte et la musique. Il imagine un poème symphonique pour récitant et orchestre, dans lequel chacun des personnages de l’histoire est représenté par un thème joué par un instrument, ou un groupe d’instruments, qui caractérise son tempérament, créant ainsi un genre tout à fait inédit. Le héros, Pierre, représenté par le quatuor à cordes y traverse une épreuve, capturer le loup, et prouve son courage et sa malice : il apparaît comme le symbole du jeune héros soviétique. Comme dans les contes classiques, il est aidé dans son entreprise par des compagnons, « l’oiseau agile », joué par la flûte, le canard bucolique par le hautbois et le chat, par la clarinette. Son grand-père bougon, c’est le basson, le loup, ce sont les trois cors sombres et envoutants et les chasseurs, les percussions dont les roulements de timbales imitent les coups de fusils.
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Pierre et le Loup, l’ancêtre inégalé du conte musical
L’oeuvre a été créée le 2 mai 1936 à Moscou, puis rapidement traduite et jouée à New York. Il existe plus d’une vingtaine d’enregistrements rien qu’en français, le premier ayant eu lieu en 1956 avec l’acteur Gérard Philippe. Plus de quatre-vingts ans après sa création, Pierre et le Loup est l’un des contes musicaux les plus populaires au monde, tant sa pédagogie est efficace : il a été traduit dans presque toutes les langues, mis en images pour la première fois par Walt Disney en 1946 et imité par de nombreux compositeurs.
L’histoire de Babar, un piano poétique et tendre
Imaginée en 1940 par Francis Poulenc comme un jeu en temps de guerre, L’histoire de Babar, le petit éléphant est une pièce pour piano et récitant. Le 18 juillet 1940, Francis Poulenc est en effet démobilisé et accueilli chez des cousins à Brive-la-Gaillarde. Ce sont les enfants de la famille, à qui il dédicace d’ailleurs la partition qui - n’aimant pas ce que joue Poulenc - posent sur son piano un album très connu à l’époque, L’histoire de Babar, et lui demandent de la leur jouer.
Cette histoire raconte comment un petit éléphant, dont la mère est tuée par un chasseur, quitte la jungle et découvre la civilisation grâce à une sympathique vieille dame puis, de retour dans la forêt, devient le roi des animaux, avec sa compagne Céleste.
Le saviez-vous ?
Le compositeur Francis Poulenc (1899-1963) a adhéré à la Sacem en1922.
L’histoire de Babar, un piano poétique et tendre
Tout en leur racontant l’histoire, inventée par Cécile de Brunhoff et illustrées par Jean de Brunhoff en 1931, Poulenc commence par improviser une série de petites pièces inspirées par chacune des pages du livre. Francis Poulenc ne donne une forme définitive à cette suite pour piano qu’en 1945. L’œuvre est créée le 14 juin 1946 sur les ondes de la radiodiffusion française : Poulenc est au piano et son ami, le ténor Pierre Bernac, le récitant. La partition est une série d’interludes qui reflètent avec des couleurs changeantes chaque épisode de la narration: s’enchaînent, entre autres, une berceuse, une valse musette, une marche, celle du mariage de Babar, une polka et un nocturne final.
Quelques années plus tard, en 1962, le compositeur Jean Françaix écrit une orchestration et c’est souvent cette version qui est donnée à présent en concert.
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Piccolo Saxo et compagnie, la petite histoire d’un grand orchestre
Piccolo Saxo et compagnie est un conte musical pédagogique pour récitant et orchestre conçu en 1956 par l’écrivain Jean Broussole pour le scénario et le compositeur André Popp pour la musique.
André Popp (photo) est un compositeur de chansons à succès comme de partitions plus classiques, un arrangeur et un chef d’orchestre que la radio et la télévision ont fait connaître en particulier grâce aux génériques qu’il écrit pour des émissions devenues célèbres, Les maîtres du mystère, Le mot le plus long…
Jean Broussolle, après avoir été professeur de français, se lance dans les sketches musicaux et fait ensuite partie des Compagnons de la chanson. C’est également un parolier très sollicité.
Piccolo Saxo et compagnie, la petite histoire d’un grand orchestre
Jean Broussolle et André Popp se connaissaient depuis la guerre et sont de vieux complices lorsqu’ils collaborent sur le projet. Ils inventent l’histoire et la musique en deux mois. Suit l’enregistrement du disque, avec la voix de François Perrier et un orchestre de 75 musiciens. Personne, pas même le producteur, ne croyait au succès du disque qui fut pourtant fulgurant : il remporte l’année de sa parution le Grand Prix du disque.
Philips commande alors à André Popp une série de suites à ce premier succès. Ce furent Passeport pour Piccolo Saxo et Compagnie en 1957, Piccolo, saxo et le cirque jolibois
en 1958, Piccolo et Saxo à Music City en 1972 et La symphonie écologique en 1976.
Les disques d'André Popp furent adaptés dans les principales langues : anglais, espagnol, italien, allemand et même en japonais, et le disque est devenu, dès 1980, un spectacle.
En savoir plus :
Jean Broussolle raconte ses compositions.
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Piccolo Saxo et compagnie, la petite histoire d’un grand orchestre
L’histoire raconte comment les familles d’instruments, qui vivaient séparément et ne se connaissaient pas, finissent par s’unir pour former l’orchestre symphonique : après leur rencontre, les cordes et les saxophones découvrent qu’il existe également la familles des bois, des percussions, la fanfare, la guitare et le piano. L’œuvre, une commande de Jacques Canetti (1909-1997), alors directeur artistique de la maison Philips, est née de la table des matières d’un traité d’orchestration que les auteurs ont trouvé, et dont ils se sont inspirés pour établir cette organisation en huit familles d’instruments et non quatre comme le veut la tradition.
Histoires cultes
Emilie Jolie, Tom Tom Tommy, Téléchat et Topor
« Pour qu’une histoire accroche vraiment l’attention de l’enfant, il faut qu’elle le divertisse et qu’elle éveille sa curiosité. Mais, pour enrichir sa vie, il faut en outre qu’elle stimule son imagination ; qu’elle l’aide à développer son intelligence et à y voir clair dans ses émotions ; qu’elle soit accordée à ses angoisses et à ses aspirations ; qu’elle lui fasse prendre conscience de ses difficultés tout en lui suggérant des solutions aux problèmes qui le troublent ». (Bruno Bettelheim, "La psychanalyse des contes de fées", Ed. Robert Laffont, 1976).
Il était une fois une petite fille dans une chambre vide, un corsaire des caraïbes, un chat, une autruche et des gluons…
Émilie Jolie - Un conte musical de Philippe Chatel
« Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve ». Emilie Jolie est un conte musical. La genèse de son enregistrement tient, lui, du conte de fée. Il y a une petite histoire avant l’histoire culte et patrimoniale qu’est devenue cet opéra-rock pour les enfants.
Cet album créé par Philippe Chatel s’est vendu par millions et a fait l’objet de 2 000 adaptations dont celle de Jean-Christophe Averty pour la télévision
Henri Salvador et Georges Brassens, seront les deux premiers qu’il contactera et qui accepteront de se joindre à l’aventure ! Pour Philippe Chatel, ces deux artistes comptent beaucoup. Il se souvient qu’Henri Salvador lui a dit « la plus jolie mélodie c’est la gamme ». Brassens - dont la voix rocailleuse et les accords de guitare sont une révélation pour Chatel, lorsqu’il n’a que huit ans - lui a offert une traité de versification.
Puis, Robert Charlebois, Sylvie Vartan, Françoise Hardy, Isabelle Mayereau, Yves Simon, Laurent Voulzy, Alain Souchon, Eddy Mitchell, Louis Chedid… Tous diront oui.
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Coulisses d’un conte de fée…
La Chanson de la petite fille dans la chambre vide était écrite et rangée dans un tiroir avant la naissance de sa fille… Philippe Chatel, 30 ans, la ressort un jour où Emilie, 3 ans, tourne autour du piano et réclame une chanson de lapin bleu... L’auteur-compositeur trouve alors les autres chansons. « J’ai écrit ça dans le domaine du rêve (…), je me suis fait un générique idéal (…) qui a rejoint la réalité », dit-il à Jacqueline Alexandre en 1980, témoignant de la magie qui entoure la création d’Émilie Jolie.
Philippe Chatel choisit le talent d’Henri Salvador pour conter et chanter son œuvre, comme une évidence. Il le connaît - il a été son garçon de course - et il l’admire. Peut-être même a-t-il au plus profond de sa mémoire d’enfant une certaine « chanson douce » ? Chatel est de 1948, la chanson d’Henri Salvador date de 1950…
En savoir plus :
Entretien accordé à Jacqueline Alexandre, par Philippe Chatel, le 23 décembre 1980, veille de la diffusion de l’émission de télé.
Plusieurs écritures entremêlées
À leur sortie, on découvre ces chansons pour enfants qui ne présentent pas un « style enfantin ». Elles sont interprétées par des artistes reconnus sur des mélodies riches, des arrangements actuels des années 1980. Cette intention musicale attire la curiosité des enfants, comme celles des parents. On sait maintenant que ces chansons sont intemporelles. Ce conte musical fait s’entremêler plusieurs écritures. Il y a celle du récit interprété par le narrateur Henri Salvador ; celle des scènes chantées avec des personnages animaux et celle des illustrations d’Henri Galleron.
L’écriture sonore fournit ses images. Le décor est fait de bruitages, les distances existent grâce au soin du mix - à noter aussi le très beau dédoublement de la voix d’Isabelle Mayereau pour représenter toutes les baleines de parapluie.
Anne Bustarret dit dans La Fureur d’écouter (Ed. Syro-Alternatives, 1992): « Plus que le texte même ou l’argument, c’est la facture, l’écriture sonore qui donne les premiers éléments de compréhension du message ».
Tom Tom Tommy, petit frère d’Émilie Jolie
Tom Tom Tommy est l’autre conte musical pour les enfants créé par Philippe Chatel en 1982, trois ans après la sortie d’Émilie Jolie. André Dussolier est le conteur de l’histoire de Tom Tom Tommy, employé modèle à la banque universelle, jeune homme timide, rêveur immobile…
Il a un pouvoir secret, fermer les yeux et devenir quelqu’un d’autre ! Il est aventurier des océans, corsaire des caraïbes, chanteur de variété et de charme, à la conquête du cœur de Betty… qui dans la vraie vie, travaille à la cantine et l’ignore.
L’histoire approche, comme pour Émilie Jolie, les thèmes du rêve et de l’amour: « Il suffit d’un peu de tendresse pour être prince et princesse ».
Philippe Chatel interprète toutes les chansons avec chœurs, saxophone, synthé et décor sonore filmique !
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Topor, Chalut !
Topor, ce n’est pas une histoire qu’il raconte, c’est un monde entier qu’il produit. Comment ce génie « protéiforme » du Xxè siècle, réputé pour son humour noir, ses concepts décapants, ses images sanguinolentes, a adressé aux petits innocents, chansons et œuvres bizarres, étranges, tendres, libres, magnifiques ? N’ayez pas peur, approchez, tout est faux !
Topor, comme les enfants, sait faire la différence entre le réel et l’imaginaire… Le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté disait Baudelaire. CQFD
En savoir plus :
A propos de l’exposition, "Le monde selon Topor", BNF, juillet 2017 - émission Entrée Libre (vidéo).
Le rap du gluon
Roland Topor a écrit des chansons pour les enfants, notamment pour la série culte et décalée qu’est ce faux journal télévisé diffusé à partir de 1983, où les objets, Groucha le chat, Lola l’autruche, tous marionnettes, ont la parole. La personnification est visionnaire. Topor, à l’invitation d’Eric Van Beuren et Henri Xhonneux, créé les personnages, signe chansons et scénario, déposant dans l’esprit des enfants un grain « toporifique » (adjectif inventé par Desproges pour qualifier le discours de Topor) !
Dans Téléchat, la plus petite particule de l’objet, l’âme des choses, c’est le gluon. Parmi tous les gluons, Le plus connu et le plus consulté par le présentateur Groucha est le gluon du trou. Le rap du gluon – œuvre déposée en 1983 - est interprété par ce personnage en forme de micro métallique : on découvre dans l’archive, l’orthographe de son tique de langage : « Kwa ». Ce rap sert à rythmer le cours de gym des « baskets », animé par Jane… « la basket ».
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Esprit froufrou
Ce qui rapproche l’esprit froufroutant de Topor de celui des enfants ? Il considère que toutes les expressions sont bonnes et respectables, que l’adresse aux enfants peut être de même niveau philosophique que pour les adultes - même s’il sait aussi dissimuler dans ses textes plusieurs niveaux de lecture ! -, que l’imaginaire bénéfique améliore le monde réel en lui apportant plusieurs dimensions. Il est l’ennemi du sérieux, il chasse l’angoisse avec le rire.
En savoir plus :
Des comptines pour les tout-petits, interprétées et composées par Max Rongier pour un livre disque Philips sorti en 1978.
Un conte lyrique pour les enfants Joséphine et les ombres, livret de Roland Topor et musique de Reinhardt Wagner.
Histoires souvenirs
Bob et Bobette, Colargol et les "Opérettes disquées" de Mireille, Jean-Claude Darnal
Il était une fois des roses dans un panier, un petit chemin de fer, des fantômes dans un vieux château, un ours qui chante en fa, en sol…
Les chansons de Bob et Bobette, saynètes et refrains
« Tchou, tchou, tchou, ... voilà qu’il arrive avec sa locomotive», c’est le refrain du Le Petit chemin de fer : un des titres les plus célèbres des Chansons de Bob et Bobette, écrites par le compositeur Marius Zimmermann et le chansonnier René-Paul Groffe. Entre 1929 et 1948, ils composent quatre séries de chansons dont une consacrée à Noël. Elles s’inscrivent dans une tradition de duos d’opérettes : Jean Sobrier et Suzanne Feyrou les créent en 1929, Lisette Jambel et Jean-Pierre Dujay les reprennent en 1955.
Le succès est immédiat. Grâce à la radio et aux albums de partitions illustrés, on les chante dans les familles et dans les fêtes d’école jusque dans les années 1950. Leur atout auprès du jeune public d’alors, c’est de raconter des histoires, de mettre en scène des enfants comme l’héroïne des « Roses de mon rosier » qui a « trois poupées pour enfants ». Ce sont autant de saynètes, de refrains à reprendre sur des sujets proches du monde de l’enfance.
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Mireille et ses « opérettes disquées »
Avec son optimisme, son humour, sa fantaisie, ses rythmes swinguants, son esprit guilleret, le duo Mireille/Jean Nohain change le paysage de la variété française des années 30 et ouvre la voie à Charles Trenet. Les refrains de C’est un jardinier qui boîte, Quand un vicomte, Couchés dans le foin, Ce petit chemin, Une demoiselle sur une balançoire sont encore dans toutes les mémoires. Aux enfants, elle a offert de nombreuses musiques : ses opérettes disquées.
A partir d’un personnage imaginé par Olga Pouchine pour ses enfants, Victor Villien écrit les paroles d’une opérette « disquée » mise en musique par Mireille. Colargol au cirque et Colargol et le roi des oiseaux paraissent chez Philips, en 45 tours. Huit volumes suivront jusqu’en 1967. Ancêtre d’Émilie jolie, Colargol séduit d’emblée les enfants de 1960 qui font un succès à ce petit ours « mauvais à l’école, premier au music-hall ». En 1970, il devient une vedette de télévision avec une série de films d’animation diffusés sur la deuxième chaîne de l’ORTF.
Mireille - Le vieux château
C’est l’une des 600 mélodies composées par la dame à la drôle de petite voix haut perché. Elle l’a chanté lors de son dernier concert parisien au Palais de Chaillot : elle avait 88 ans !
A écouter :
Par Mireille
Par Trenet
Par Pills et Tabet
Par Brassens et Georges Tabet
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Jean-Claude Darnal - Quand les enfants comptent
Raconter des histoires aux enfants, c’est toute l’intention que Jean-Claude Darnal a mis dans les chansons et contes musicaux qu’il leur a adressés entre les années 1960 et 1990.
Il écrit un premier message aux enfants, en 1963, le jour où naquit son fils Thomas, avec Dites-moi M’Sieur (l’Oiseau). En 1975, alors qu’ils écoutent les oiseaux avec sa fille Julie, encore toute petite, il écrit Et la belette joue de la trompette, un conte musical publié en livre illustré par Claude Lapointe (éditions Grasset, 1976) et adapté sur scène.
Jean-Claude Darnal - Quand les enfants comptent
Les pièces Donne-moi des bottes Gontran et C’est Woody qui l’a dit, mêlant théâtre et chansons, ont été très naturellement appropriées par les enfants, comme en témoigne son épouse comédienne et complice de ses projets Uta Taeger. Les chansons Buffalo Bill, Derrière la porte, ou encore Ma Rochelle développent respectivement un récit western, « Chaplinien » ou de corsaire.
À la fin des années 1960 et au début des années 1970, Jean-Claude Darnal accompagne Pierre Tchernia pour ses émissions adressées en direct à la jeunesse. Les jeux du jeudi sont une plage thématique de 2h30. À chaque émission, il décline une thématique en chansons et en échanges. Il partage avec Pierre Tchernia une conception très respectueuse de ce qu’on peut et doit proposer aux enfants. « Un public exigeant et fort sympathique», dit Pierre Tchernia.
En savoir plus : Jean-Claude Darnal, chanteur pour enfants
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Le monde des poètes et des enfants
Prévert et Kosma, Desnos
Deux escargots qui s’en vont à un enterrement, ou une fourmi de 18 mètres, des poissons qui font pipi au lit, c’est vrai, ça n’existe pas. Et alors ?
Pas logiques, pas sérieuses, libres de toutes les associations d’idées, au galop de leur fantaisie, la poésie de Prévert, celle de Desnos, ou encore celle de Boby Lapointe, se sont aussi exprimées en chansons et ont accompagné en musique plusieurs générations d’enfants. Et si la poésie surréaliste était une langue naturelle du monde « enfant » ?
Prévert, Kosma et les enfants
Parmi ces œuvres, certaines s’adressent aux enfants comme En sortant de l’école, Deux escargots s’en vont à l’enterrement, Le gardien de phare qui aimait trop les oiseaux. La rencontre Prévert-Kosma a créé des trésors que les enfants par vagues renouvelées s’approprient depuis les années 1950 avec les interprétations des Frères Jacques.
Jacques Prévert a écrit 778 chansons, la toute première d’entre elles, s’intitule Les animaux ont des ennuis, créée spécialement pour les enfants en 1928.
Joseph Kosma rêvait d’écrire des opéras pour les enfants. C’est en chansons et en déployant son don mélodique pour l’art mineur, qu’il s’adressera à eux.
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Jacques Prévert
Célèbre poète, Jacques Prévert (1900-1977) a adhéré à la Sacem en 1935. Auteur de 778 œuvres déposées à la Sacem, Jacques Prévert a été lauréat du Grand Prix de la Chanson en 1966. La toute première d’entre elles, s’intitule Les animaux ont des ennuis, créée spécialement pour les enfants en 1928.
« Il a su garder sa vie durant, son regard d’enfant » lit-on au dos du catalogue jeunesse de l’exposition Jacques Prévert, Paris La Belle (éd. Flammarion). « Les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève » disait Prévert.
« Ce que j’aimais étant enfant, je l’aime pareil maintenant (…), je me souviens davantage des choses de mon enfance que de ce que j’ai fait au mois de mars dernier parce que la mémoire de l’enfance c’est une chose intéressante (…), ce qui est important ce n’est pas ce qu’on retient, c’est surtout tout ce qu’on fout en l’air, tout ce qu’on jette, qui ne vous plait pas, ça c’est plus important encore, il ne reste que ce qui vous plait ».
Joseph Kosma
Il a adhéré à la Sacem en 1945. Il a déposé 460 œuvres, dont près de 130 créées avec Jacques Prévert.
Joseph Kosma rêvait d’écrire des opéras pour les enfants. C’est en chansons et en déployant son don mélodique pour l’art mineur, qu’il s’adressera à eux.
Prévert, Kosma et les enfants
Sur cette archive, Pierre Philippe signe les arrangements de la composition de Joseph Kosma, il est alors l’accompagnateur en titre des Frères Jacques.
Magique d’y retrouver également la belle signature étoilée de Jacques Prévert.
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Les Frères Jacques
« Aux jeux de la rampe, les Frères Jacques allument un vrai feu de joie et les planches brillent en crépitant et ils dansent autour en chantant » signe Prévert au dos d'un de leur 45 tours daté de 1951.
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Robert Desnos - De minuscules poèmes à chanter sur n’importe quel air
Le poète Robert Desnos durant sa vie fulgurante (1900-1945) a également été journaliste, critique de disque, homme de publicité… Il a vécu les années folles avec les surréalistes, aimé Youki, fait de la radio, de la résistance, et a écrit 80 tous petits poèmes destinés aux enfants : chantefables-chantefleurs, à chanter sur n’importe quel air. Desnos fait de la poésie sans rime, sans compter, avec des mots inventés. Il est très fort au jeu de l’écriture automatique: il a une hyper sensibilité à tout ce qui l’entoure et ne se positionne pas au-dessus de la réalité mais en plein dedans pour la dévorer.
On aurait l’impression qu’il dit n’importe quoi, et pourquoi pas ?! L’imagination de Desnos est comme le cosmos. Il est un rêveur, un « dormeur éveillé » !
A écouter : Une rare trace de sa voix raconte un rêve…
Robert Desnos - De minuscules poèmes à chanter sur n’importe quel air
Juste avant d’être arrêté par la Gestapo, Desnos, le résistant, remet ses derniers poèmes à son éditeur Gründ : 30 chantefables illustrées de sa main, qui paraissent en 1944, un mois avant qu’il ne meurt d’épuisement dans un camp de concentration. Youki, sa bien-aimée écrit dans l’avant-propos de l’édition de 1955: « Il me plait que ce qui reste de cette sinistre époque soit ces belles fleurs et ces paisibles animaux, dédiés avec amour aux enfants, donc à l’Avenir».
En savoir plus :
- Prévert raconte son ami Desnos
- 6 minutes de documents sonores
Robert Desnos - Des chantefables à double-fond pour tromper l’ennemi ?
Il se pourrait que les chantefables-chantefleurs aient porté, de manière dissimulée, des messages entre résistants, comme les messages personnels de la TSF. Une « fourmi de 18 mètres » transportant des êtres disparates : un train de déportés…
Le journal Libération propose dans un article de Johanna Luyssen, en 2015, de relire ces poèmes « à la lumière de l’appétence de Desnos pour l’homophonie et l’argot » en suivant l’enquête du comédien Yves Thouvenel, « grand spécialiste de l’œuvre du poète, (qui) souscrit lui aussi totalement à cette thèse, et livre sur son blog bon nombre de clés pour comprendre ces poèmes ».
Le langage Boby Lapointe
Boby Lapointe, né en 1922, est passionné de mathématiques. Il inventera la numération bibi, un mode de calcul basé sur le binaire. Il aurait voulu être aviateur, mais c’est sa passion pour les mots qui l’embarque en chanson, dans un style inclassable.
Durant son existence (il meurt en 1972), aucun de ses disques n’a encore été adressé directement aux enfants. Ce sont les maîtres et maîtresses d’écoles, parmi les premiers « lapointophiles », qui leur font écouter ces chansons. En 1975, un directeur de chez Philips décide de sortir une première compilation pour les enfants.
La maman des poissons : le langage Boby
Il y a des artistes qui échappent à toute classification, parce que précisément ils n’entrent dans aucun cadre et conservent, par leur originalité, une actualité hors temps. Ils ont su, par leur dissonance, échapper à toute hiérarchie, à tout critère d’appréciation. Il suffit de revoir l’extrait où Boby Lapointe chante Avanie et Framboise dans le film de François Truffaut Tirez sur le pianiste. Le producteur, paraît-il, craignait que le public ne comprendrait pas un mot de cette chanson, conduisant le réalisateur à sous-titrer la chanson en synchronisant l’apparition des paroles avec le chant.
Le saviez-vous :
Il adhére à la Sacem en tant qu’auteur en 1951, puis en 1961 en qualité de compositeur.
La maman des poissons : le langage Boby
Dissonance est le mot, au sens propre d’abord. Retour sur image pour voir Boby Lapointe chanter Ta Katie t’a quitté ou Le papa du papa (Oswald d’Andrea/Boby Lapointe) pour comprendre que l’artiste chante « juste », non pas en considérant l’exactitude « solfégique » de la mélodie écrite avec des notes, mais en adéquation avec le caractère décalé du texte qui n’entre dans aucune catégorie d’écriture établie.
L’interprétation elle-même s’exempte de tous les canons du spectacle et s'affranchit de toutes les normes de la tenue en scène.
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La maman des poissons : le langage Boby
Avec La maman des poissons, on navigue, au sens propre comme au sens figuré, dans le surréalisme, c’est-à-dire au-delà de toute considération logique, en marge de toute perception vraisemblable. Libre cours est donné à la fantaisie, mais sans se laisser aller à l’extravagance gratuite.
Chez Boby Lapointe, c’est l’affrontement de deux logiques incompatibles, impossibles à faire fonctionner ensemble. Le but n’est pas de faire rêver, de faire voyager dans le fantastique ou le mystérieux, mais de faire exploser par les mots la fragilité des situations. On parle volontiers par formules toutes faites : mises bout à bout sans recul, elles sont cocasses, hilarantes.
Et c’est pourquoi la chanson de Boby Lapointe n’a pas d’âge, elle est de tous temps, offerte à tous.
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