En parallèle, il « fait » Maths Sup mais échoue au concours d’entrée à Polytechnique et devient inspecteur des douanes durant trois ans. Ses débuts de compositeur, Jacques les doit à Philippe Clay, de sept ans son cadet, qui lui demande de mettre en musique quelques textes. Sans suite immédiate.
C’est donc Edith Piaf qui est la première à enregistrer une chanson que Jacques signe paroles et musique : « Dans ma rue ». Nous sommes en 1946. La chanson – d’une facture très réaliste – est un succès d’estime.
En 1947, suit « Pluie d’été », l’indicatif du « Thé dansant radiophonique », diffusé tous les jours à 17 heures sur les antennes du média roi.
A la fin des années 40, on le retrouve pianiste de cabarets à Paris, notamment au « Handicap » de la Porte d’Auteuil, futur Murat, alors fréquenté par des turfistes. Datin utilisera divers pseudos dont Jacques Vilga et Roger-Sylvain Lecerf.
Alors qu’il n’a pas encore 25 ans, il rencontre au « Handicap » François Silly, futur Gilbert Bécaud, dont il sera dès la fin des années 50 un des paroliers majeurs. On lui connaitra aussi quelques pseudos dont celui d’Henry Valpala. Les deux hommes ont tous les deux 20 ans durant l’Occupation.
Nous sommes à la charnière des années 40 et 50. C’est aussi au « Handicap » que Jacques et Maurice se rencontrent. Pas longtemps, car Datin, malade des poumons, doit partir en sanatorium. Il est remplacé par le futur Gilbert Bécaud. Maurice - bien qu’un peu « anar » - s’engage, lui, dans la Légion étrangère.
De retour du sanatorium, Jacques « place » quelques chansons comme compositeur mais aussi comme co-auteur ou adaptateur.
Quant à Maurice, quand il quitte une Légion pas faite pour lui, il commence à écrire des textes et dépose son dossier d’inscription à la Sacem en novembre 1952. Après avoir passé son examen d’entrée le 1er décembre 1952, il en devient membre le 19 janvier 1953. Afin de pouvoir attendre que tombent ses premiers droits d’auteur, Maurice accepte d’être saisonnier dans une des annexes (à Parga) du premier village du Club Méditerranée créé en 1952 à Corfou en Grèce. Il y reviendra – notamment avec la famille Datin – jusqu’aux années 70 car sa femme Paule deviendra chef de ce village.
Ce succès les encourage et, dès 1954, ils se voient régulièrement dans l’arrière-boutique d’un tailleur, Marcel Francotte, boulevard Pasteur à Paris. Jacques épousera même la sœur de Marcel : Madeleine.
En 1955, c’est la reine du tango, Marie-José, qui les enregistre (« Il riait »), tout comme Tino Rossi (« Les amants de la belle étoile »). Pour ce dernier titre, ils signent ensemble le texte sur une musique de Pierre Spiers et Jerry Mengo.
C’est cependant 1957 qui est pour eux l’année de la consécration avec des chansons pour Colette Renard (« Zon zon zon » puis « Tais-toi Marseille » que reprend Barbara), Dalida (« Aime-moi » d’abord un instrumental enregistré par Emile Stern deux ou trois ans avant), Juliette Gréco (« On en dira » signée avec Marc Lanjean), Marcel Amont (« Julie »)…
En 1959, nouveau succès du Tandem avec « Les boutons dorés » par Jean-Jacques Debout, un titre néo-réaliste sur les orphelinats taillé sur mesure pour la jeune découverte des Editions Raoul Breton, mais également enregistré par Barbara... Debout enregistrera d’autres titres du Tandem (dont un gravé aussi par Gréco) avant de se mettre à la composition.
En attendant, on les retrouve à l’Eurovision 1962 où ils terminent troisièmes avec « Petit bonhomme » chanté par Camillo (Felgen), à nouveau pour le Luxembourg. Le chanteur l’adaptera en allemand.
Si, dans les années 60, le tandem aligne les succès pour France Gall (« Mes premières vraies vacances », « Christiansen »), celle-ci sera une des rares interprètes qui chantera Datin et/ou Vidalin jusqu’au début des années 70. Elle sera aussi, avec Françoise Hardy, une des rares yéyé girls pour laquelle le duo écrira. Ils préfèreront la jazzy girl, Nicole Croisille. Également les yéyé boys aux belles voix comme Richard Anthony ou Lucky Blondo pour lesquels ils adapteront des succès américains.
En 1965, l’actrice Mireille Darc, qui devient chanteuse, enregistre un super 45 tours de titres du Tandem orchestrés par Alain Goraguer et réalisés par Denis Bourgeois. Jusqu’à la fin de sa première carrière de chanteuse, en 1968, elle les chantera plusieurs fois.
C’est en 1971, que Régine, à son tour, mettra les deux créateurs à son répertoire (« Balayeurs, balayez »),
Durant leur carrière, les deux hommes feront aussi quelques adaptations, ensemble (italiennes d’Adriano Celentano et Nino Rota, américaines d’Erroll Garner ou de Burt Bacharach, allemande pour Marcel Amont, norvégienne pour Isabelle Aubret ou Jean-Claude Pascal).
Il reste d’eux des chansons délicates et élégantes, tant par leurs musiques que par leurs textes, souvent sur des thèmes originaux.
A noter que, dans ces années 60, chacun des deux créateurs aura de gros succès sans l’autre : Jacques avec Claude Nougaro (« Le jazz et la java », « Une petite fille », « Cécile »…), Serge Reggiani (avec des textes de Jean-Loup Dabadie comme « Le petit garçon », « L’Italien » que le comédien adaptera en italien…), Petula Clark (« A London »), Pierre Barouh, Hervé Vilard, Danielle Darrieux, Georgette Lemaire, Bourvil, Gloria Lasso, Sophie Darel, Gilles Dreu (notamment sur un texte de Pierre Delanoe), Jeanne Moreau, et surtout Michel Delpech (pour une dizaine de chansons)… Il retrouvera aussi Marcel Amont et Juliette Gréco. Sans compter qu’on doit à Jacques Datin quelques musiques pour la télévision… Pour finir, la Reine de la Nuit Régine enregistre aussi entre 1969 et 1972 des titres que Jacques compose sur des textes de Jean-Loup Dabadie ou de Michel Grisolia.
Le Tandem ne se séparera pas, c’est la mort de Jacques Datin, le 24 août 1973, qui mettra un terme à cette collaboration magique sur une centaine de chansons, juste après que ce dernier signe un dernier tube avec Serge Lama (« Les petites femmes de Pigalle »).
Le titre sera d’ailleurs récompensé en 1974 par le premier Oscar de la chanson remis par l’UNAC, l’Union Nationale des Auteurs et Compositeurs nouvellement créée. Jacques est mort à Saclas. Il est inhumé à Villegats dans l’Eure, village où il résidait.
En parallèle de son travail avec Jacques, Maurice Vidalin signe aussi d’autres succès.
En 1958, il adapte une chanson de Perry Como que bon nombre d’artistes vont enregistrer : Sacha Distel, René Lebas, Jacques Hélian, Les Compagnons de la Chanson, Patrice et Mario (« Garde ça pour toi »)… Il retrouve aussi son copain Gilbert Bécaud avec lequel il crée « Le mur », le premier succès d’une longue série avec Bécaud (« C’était moi », « La grosse noce », « Le bateau blanc », « Quand Jules est au violon », « Les Tante Jeanne », « Le petit oiseau de toutes les couleurs », « Mademoiselle Lise », « Seul sur son étoile » qui deviendra un standard international sous le titre « It Must Be Him », « Les petites Mad’moiselles », « Les cerisiers sont blancs », « Monsieur Winter Go Home »,…). Sacha et Jacqueline continueront aussi de travailler avec Maurice, qui signe en 1959 une première chanson avec Charles Aznavour « Gosse de Paris » du ballet du même nom (suivie de deux ou trois autres).
Il va aussi séduire les jeunes artistes des sixties comme Claude François et Françoise Hardy. Il sera aussi chanté par Mireille Mathieu (« Paris en colère » sur une musique de Maurice Jarre), Michel Cogoni, Hubert, Guy Mardel, François Deguelt, Nana Mouskouri, Dalida, Rika Zaraï, Gilles Dreu, Eddy Mitchell… En 1969,Vidalin adaptera les chansons de la comédie musicale « Un violon sur le toit » avec Ivan Rebroff (« Ah si j’étais riche »). Il aurait aussi écrit une pièce de théâtre qu’il n’aurait pas signée. Les années 70 seront tout aussi fastes grâce à Michel Fugain (« La fête », « Les Acadiens », « Le printemps », le très engagé « Chiffon rouge ») et Gérard Lenorman (« Soldats ne tirez pas », « La belle et la bête »). Il collaborera ponctuellement avec Mélina Mercouri, Michel Sardou (« Danton ») et à nouveau Distel. Maurice est mort à Rueil-Malmaison le 10 octobre 1986.
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