De la fin des années 50 à la fin des années 60, ce Tandem va signer une quarantaine de titres, dont quelques-uns pour l’Eurovision, certains devenant des succès européens, l’un d’eux accédant même au statut de standard international.
André Charles Jean Popp est né à Fontenay le Comte en 1924 dans une famille bourgeoise d'origine allemande. Très jeune, il apprend le piano et improvise des émissions de radio... En 1940, il a 16 ans. La guerre, il la passe dans une pension religieuse où, le dimanche, pour la messe en latin, il remplace le joueur d'orgue mobilisé, et ce, même si ses préférences vont à la musique contemporaine : Stravinsky, Messiaen… C'est en 1943 qu'il rencontre un garçon de quatre ans son aîné, réfugié en Vendée : Jean Broussolle qui cherche à devenir Artiste. Rien de tel pour qu'André prête l'oreille. Très vite, les deux garçons se mettent à écrire ensemble. André dira plus tard que c’est Jean qui lui a appris à structurer ses musiques en couplets-refrain.
1944 : André Popp a 20 ans. Avec Broussolle, il monte à Paris. Le soir, il l’accompagne au piano dans de petits cabarets. La journée, il est pianiste chez des éditeurs, où il présente les nouvelles chansons aux interprètes. Il débute aux Editions Etoiles, puis se retrouve aux Editions Hortensia, celles de la vedette Yvette Giraud.
En parallèle, les deux garçons signent en 1947 « La Brave fille des Abattoirs » pour Bourvil, une de leurs premières chansons, puis « Grand-papa laboureur » pour Catherine Sauvage, dont Popp signe les orchestrations chez Philips avec Michel Legrand à la baguette. La chanteuse enregistrera plus tard, en 1958, tout un 33 tours du Tandem. En attendant, après avoir travaillé au Club des Papillons, au Bœuf sur le toit, Popp devient, en 1959, pianiste d’un nouveau cabaret de Pigalle, les Trois Baudets, lancé par Jacques Canetti, le directeur des disques Philips.
Passé aux Editions Raoul Breton, le pianiste-répétiteur Popp y rencontre sa femme Marie-Jeanne. Elle est belge, fan de Trenet, musicienne et chanteuse. Ils se marient en 1949 et auront trois fils. Elle deviendra aussi sa chanteuse « répétitrice » présentant ses chansons aux artistes.
Toujours au début des années 50, Raoul Breton présente Popp à Jean Tardieu du Club d'Essai de la RTF, la pépinière de jeunes talents de l'ancêtre de l'ORTF. Là, on commande à Popp des opéras bouffe, des œuvres semi-classiques… pour la radio. Dès 1953, le compositeur devient producteur et chef d’orchestre de « La bride sur le cou », un programme sur Paris Inter, ancêtre de France Inter, qui va durer 7 années, avec jusqu’à 35 musiciens pour accompagner les invités, mais créer aussi les nouveaux morceaux de Popp. C’est là que l’orchestrateur commence à diriger des grands orchestres.
Quatre ans plus tard, le compositeur multi-facettes signera aussi l'indicatif radio des « Maîtres du mystère » - émission inspirée de la collection de livres « Le Masque » - qui va durer 34 ans. Suivront : « Télé Match » - qui devient « La tête et les jambes » -, « Le mot le plus long »…
Après quelques titres pour Michèle Arnaud ou Cora Vaucaire, Les Frères Jacques, …, Popp décroche enfin un premier succès populaire, « Les lavandières du Portugal », créé par Suzy Delair, popularisé par Jacqueline François et enregistré par les artistes de toutes les écuries, comme c’était alors la coutume. Signée avec Roger Lucchesi, la chanson finit N°1 et décroche un Grand Prix du disque. Elle ira plus loin, adaptée en de nombreuses langues. Ce succès sera porté à l’écran et ainsi Popp commencera à travailler pour le cinéma.
A la même époque, Canetti engage Popp chez Philips comme orchestrateur. De 1956 à 1959, Popp « arrange » les chansons de Brel, Salvador, Les Frères Jacques, Gréco, Zizi Jeanmaire... Et comme il travaille chez Philips, Popp est désormais édité par sa filiale éditoriale, Tutti, et enregistre des disques d’orchestres avec les succès « du jour », mais aussi ses propres compositions. De plus, avec le nouveau directeur artistique adjoint, nommé en 1957, Boris Vian, il signe pour Gréco. Toujours en 1956, Popp compose « Piccolo saxo et Compagnie », une initiation aux instruments de musique et à l‘harmonie à destination des enfants. Sur un texte de Jean Broussolle – devenu Compagnon de la Chanson -, le disque restera une œuvre éducative de référence, Grand prix du disque 1957, elle aura plusieurs suites.
En 1958, Popp signe également une chanson avec Henri Contet, accroche Maurice Chevalier à son palmarès et compose une nouvelle BOF.
Et ce n’est pas tout ! Avec Boris Vian, et Pierre Fatosme à la technique, Popp réalise « Elsa Popping et sa musique sidérante » en utilisant toutes les possibilités techniques de l’époque, limitées en ce temps où la bande magnétique débute. Ces trucages sonores étonneront tellement les Américains qu’on le fera venir plusieurs fois aux USA pour écrire la musique de shows TV. C’est à cette époque que Popp arrête d’orchestrer les disques des artistes Philips, officiellement parce que cela « bouffait beaucoup d’idées ».
Pierre Cour est né en 1916 à Brunoy, au sud de Paris, une commune alors située en Seine-et-Oise.
Lancé par Francis Blanche à la radio, Pierre Cour entame une carrière de chanteur sous le pseudonyme du Régisseur Albert, du nom de son personnage dans l’émission de Paris Inter, « Silence Antenne », animée chaque lundi soir par Robert Beauvais et Gisèle Parry en direct du Théâtre de la Gaîté Lyrique à Paris.
En parallèle, il se met à écrire des textes de chansons qu’il place à Marie-José et Miguel Amador en 1954, Patachou en 1956…
Il décroche son premier grand succès en 1958, signé avec le compositeur Hubert Giraud : « Les gitans ». Le titre sera repris par Dalida, Les Compagnons, Maria Candido, Lucien Lupi, Jocelyne Jocya, Robert Ripa, Marie-José… La chanson sera même adaptée en italien et en allemand.
La même année, Cour et Giraud persistent et signent pour des chanteurs latinos : Luis Mariano, Dario Moreno... Ils travaillent aussi pour Annie Cordy et comptent un nouveau succès en 1959 avec la chanson française de l’Eurovision, « Oui, oui, oui, oui » par Jean Philippe, vite reprise par Sacha Distel, mais aussi Tino Rossi, Henri Decker, Claude Robin, Les Soeurs Kessler, Dominique, Les Djinns… Là encore, la chanson est adaptée en italien, allemand et langues scandinaves.
En marge de sa carrière d’auteur, il signe aussi quelques adaptations de succès internationaux.
C’est à la charnière des années 40 et 50, dans ces Trois Baudets « très rive-gauche » mais situés rive-droite, qu’André Popp rencontre Pierre Cour/Le Régisseur Albert, vedette de la radio, car il doit l’accompagner au piano. C’est ainsi que les deux garçons vont sympathiser.
Ensemble, ils donnent naissance à « Tom Pillibi », une chanson pour enfants, au texte simple mais poétique, à la mélodie facile à mémoriser, alternant parties scandées et envolées lyriques… Et cette chanson est retenue ! Si, lors de la présentation au jury de sélection, c'est Henri Decker - le mari de Jacqueline François - qui la chante, pour le concours européen, on décide d'envoyer la fille de Lucienne Boyer et de Jacques Pills : la jeune Jacqueline Boyer. Non seulement, celle-ci remporte le concours, mais la chanson finit n°2 à la Bourse des chansons du Figaro, le classement de vente de petits formats créé par André Salvet, où elle reste classée 8 mois, reprise par de multiples interprètes : Henri Decker bien sûr, mais aussi Charles Trenet, Tino Rossi, Yvette Giraud, Patrice et Mario, Jean-Philippe, Les Djinns, Les Petits chanteurs à la Croix de Bois... Les versions instrumentales ne manqueront pas non plus : André Popp (à tout seigneur...), Franck Pourcel, Eddie Barclay, Raymond Boisserie, Yvette Horner, Jean Leccia,...
En 1960, Jacqueline Boyer enregistre aussi la chanson en allemand (tout comme Brigitte Helmer). Celle-ci termine n°21 au hit outre-Rhin, reste 16 semaines dans les hits à partir du 7 mai, et surtout elle va permettre à Jacqueline de démarrer une belle carrière Outre-Rhin.
« Tom Pillibi » est également classé aux Pays-Bas à partir de mai 1960 et termine n°11, alors qu'en Italie le titre finit n°15 et reste trois semaines classé.
Enfin, en Angleterre, le bastion réputé imprenable pour les Français, la version de Jacqueline se classe deux semaines à partir du 28 avril 1960 (n°33) et elle est tout de suite reprise par Julie Andrews, future Mary Poppins.
Et ce n'est pas tout ! Adaptée en espagnol, italien, hollandais, danois, norvégien, suédois, finnois, la chanson fait le tour de l’Europe et s'installe même au Japon où elle est devenue un classique.
Si ce titre finit au catalogue Chappell, le Tandem sera souvent édité par Denis Bourgeois des Editions Bagatelle ou Claude Pascal.
A la même époque, alors que la vague rock’n’roll commence à déferler sur l’Hexagone, le Tandem signe, en 1961, un titre pour Bourvil, et un pour Danielle Darrieux.
Et c’est à nouveau à l’Eurovision que le Tandem se distingue, sans tomber dans le yéyé ambiant. En 1964, pour représenter à nouveau la France, il propose « Le chant de Mallory », dont une jeune chanteuse du nom de Rachel fera un succès sans toutefois remporter le concours (quatrième ex-aequo). Repris par Les Compagnons de la chanson (merci Broussolle), Maria Candido, les Djinns, Bernard Stéphane (futur journaliste de France Info), l’Orchestre de Franck Pourcel…, « Le chant de Mallory » sera aussi adapté en plusieurs langues. Et le tandem continuera durant toutes les années 60 à écrire des chansons pour Rachel.
Une Eurovision 1967 à la base d’un tube planétaire
Après quelques chansons pour des yéyé-girls, Michèle Torr en 1966, Chantal Goya en 1967, Marie Laforêt entre 1965 et 1969, un titre pour les Compagnons en 1967, l’Eurovision fait à nouveau de l’œil au Tandem.
En 1967, notre Tandem y participe sous les couleurs du Luxembourg. C’est la chanteuse grecque d’Allemagne, Vicky (Léandros), qui défend « L'amour est bleu ». Même si celle-ci ne l'emporte pas (elle finit à nouveau quatrième), elle l'adaptera en allemand (« Blau wie das Meer »), anglais (« Love Is Blue »), italien (« L'amore blu »), néerlandais (" Liefde is zacht ") et même japonais (" Koiwa mizuiro ").
En France, grâce à Claude Pascal qui travaille alors chez Tutti, on compte quelques reprises : Michèle Torr, Les Compagnons de la chanson et la fidèle Rachel…
Fort de ce succès international, le tandem est repris par Connie Francis en 1968 (« A comme amour » par Line & Willy devient « Why Say Goodbye » et sera aussi chanté en français par Patricia).
Et, suite à « l’emprunt » par Claude Carrère de la musique de « La pendule » des Frères Jacques (composée par Popp sur un texte de Raymond Queneau, rencontré au Club d’Essai), laquelle a « inspiré » le succès « Arlequin » par Sheila en 1969, Popp obtient de composer le titre principal du 45 tours suivant de la « Petite Fille de Français Moyen ». Ce sera « Love Maestro Please », qu'il signe avec Pierre Cour et Claude Carrère qui cosigne systématiquement tout ce que chante Sheila.
Nicole Croisille le met aussi à son catalogue… Ceci dit, aucune des versions ne marchera vraiment, même si Sheila en tourne un scopitone. Il faut dire que le texte n’est pas très « post-Mai 68 ».
Dans les années 70, rares seront les chansons du Tandem : un titre pour Juliette Gréco en 1971, un pour Dalida en 1973 (« Le temps de mon père », également enregistré en espagnol et en français par l’Espagnole Jeanette en 1977).
En marge du Tandem, André Popp travaille beaucoup dans les années 60. Sur tous les fronts. Coté chanson, il se promène entre rive droite et rive gauche : Bourvil, Patachou, Jean Poiret, Les Quatre Barbus, Aubret, Rika Zaraï, Pierre Louki, Petula Clark, Les Compagnons, Debout, Amont, Clay, Anne-Marie Peysson, Hardy… Pour écrire pas mal de ces chansons, il forme même deux autres tandems durables.
Dès 1964, avec Jean-Claude Massoulier - un aspirant chanteur décalé et contestataire -, il écrit un titre qui marque la carrière de chanteuse de la plus grande star française, Brigitte Bardot (« Je danse donc je suis »).
Avec un autre Eddie - Marnay -, grand auteur depuis les années 50, il aligne des chansons dès 1965, notamment pour Marie Laforêt, 18 en quatre ans.
Côté cinéma, c’est aussi le grand écart : Popp compose la BO du premier film de Tintin, puis celle d’un « Thriller » avant le mot : « Deux heures à tuer ».
C’est aussi aux Editions Tutti qu’il rencontre Max Amphoux qui devient un de ses amis les plus proches.
Les seventies ne sont pas aussi prolifiques que les sixties au niveau chanson. Cependant, Popp est enregistré par Dalida, Régine, les fidèles Compagnons (« Tzeinerlin » - adapté en anglais par Herman Hermits -, « La chanson pour Anna » reprise par un guitariste hawaïen), Martine Clémenceau (lauréate au Festival Yamaha de Tokyo), son fils Daniel Popp (adapté en allemand), Sim, Croisille (avec Lama), Birkin (avec Gainsbourg), Gilles Dreu, Sophie (pour l’Eurovision), Catherine Ferry, Cloclo (« La solitude c’est après »), Dani, Vartan (« L’amour c’est comme les bateaux »), Carlos… En revanche, il compose tout azimut pour la musique à l’image, au cinéma comme à la télévision.
A partir de 1980, Popp entre dans la famille des compositeurs de musique classique avec « Piccolo saxo » qui intègre le répertoire des grands orchestres symphoniques, après la sortie du cinquième et dernier volet.
Il compose toujours quelques chansons : avec Barbelivien, avec Marnay (pour le jeune Céline Dion)…, et reçoit toujours des demandes du cinéma. En 1985, les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique lui décernent même un grand Prix Sacem.
Les années 90 sont là. Le monde de la variété a bien changé et André Popp décroche alors que l'Orchestre de Paris réenregistre les deux premiers « Piccolo saxo » sous la direction artistique du compositeur. Autre consécration : en 1995, Popp reçoit la médaille de Chevalier dans l'Ordre des Arts et Lettres.
Au début des années 2000, Popp ne prend toujours pas sa retraite et compose notamment la musique d’un moyen métrage. C’est aussi dans cette décennie qu’il commence à voir de jeunes musiciens des quatre coins du monde exhumer son œuvre.
André Popp nous quitte en 2014 à Puteaux, âgé de 90 ans.
Depuis, ses morceaux ne cessent d’être réutilisés et même réenregistrés par la pub et même le cinéma. Quant à « Piccolo, Saxo et Compagnie », il sort en film d'animation.
C’est enfin en 2020 que Daniel Popp consacre un coffret 6 CD à son père, « La musique m’aime », alors que son catalogue Universal est rendu disponible en streaming et que la jeune génération le remixe avec bonheur (Bon Entendeur).
En marge des chansons originales signées avec André Popp, Pierre Cour va écrire pour toute la chanson française dans les années 60 (notamment beaucoup d’adaptations), sans rester trop attaché à un ou une artiste. Ainsi, on le retrouve auteur ponctuel pour Dalida, Caterina Valente, Aubret, Dario Moreno, Richard Anthony, Petula Clark, Mouskouri, Les Surfs, Gall, Torr, Vilard, Plana, Macias… et même Ferrat.
Les années 70 commencent bien avec l’adaptation d’un titre brésilien pour Zanini, et aussi Bardot : « Tu veux ou tu veux pas ».
Suit une collaboration avec Jean Renard avec lequel il signe pour Séverine, Carlos, Dick Rivers…
Au fil des années 70, sa production diminue, malgré quelques titres signés avec Juvet, Béart…
Après des années 80 discrètes, Pierre Cour nous quitte le 22 décembre 1995 à Montluçon.
Avec la collaboration de Daniel Popp.
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